Manon, jeune auteure belge naturiste (interview)

Manon, jeune auteure belge naturiste (interview)

Bon, c’est pas tout, alors voilà, moi Missdinguette la Singette je me jette dans la gueule d’intervieweuse. Après celles de Ramon Pipin et Fred Romano sur le Mague et sur mon blog, je m’attaque à Manon. Je ne quitte pas le domaine de l’humour pardi !
J’ai pris connaissance de son existence par l’intermédiaire du Bartos, frétillant chenapan tout guilleret et fier de m’annoncer qu’il allait partager une étable, une table, (ma langue a fourché) avec elle, lors du premier salon du naturisme.

C’est dingue cette histoire. Alors je me suis dis, il faut absolument que je la prévienne du danger qu’elle encourait à fréquenter le Franckos. Sitôt dit, sitôt fait à lire ses propos dans ce qui suit.

La Singette : Alors comme ça gaufrette, tu écris de la science fiction matinée de naturisme. T’as pas honte à ton âge ! Et puis en plus t’es bilingue ou presque : néerlandaise et française. Moi je te bats à plat de couture synthétique, je parle bonobo par ma maman, gorille par mon papa et franchouille par le Bartos. Et vlan dans les dents !
Non, mais sans dec, nom d’une cacahuéte, qu’est-ce que ça à voir le naturisme et la science fiction ?

Manon : oh mais Singette, si tu veux… je parle brugeois par mon papa et aussi la langue chien que j’ai apprise par la chère batarde Maya… Mais soit, simple et sérieux : quand j’arrive dans un camping naturiste et que j’enlève mon scaphandre, je me sens toujours extra-terrestre. Les naturistes vivent un peu en marge de ce monde, à l’écart des gens qui s’appellent ‘normaux’. En quelque sorte, les naturistes sont des extra-terrestres - c’est ainsi que je le ressens. Et c’est évidemment un bon point de départ pour imaginer des histoires de science fiction dans lesquelles tous les personnages, aussi bien les aliens réels que les hommes et femmes naturistes, sont des extra-terrestres.

La Singette : Pour ce premier roman, as-tu éprouvé des difficultés à le faire publier ? Comment les éditeurs ont accueilli ta prose fleurie ?

Manon : Accueilli, accueilli, accueilli… ils n’ont pas trop apprécié ma prose fleurie. J’ai donc dû tout faire moi-même, en collaboration avec une ‘imprimerie sur demande’ : les personnes intéressées peuvent commander le livre sur le site wwaow.com, le livre est immédiatement imprimé et envoyé. C’est une façon de travailler intéressante : on contrôle tout soi-même dans la réalisation du livre. Et, pas de censure ! Un seul ennui : c’est une société belge, et pour les français, les frais de port sont hélas un peu élevés. Wwaow a des ambitions internationales, mais n’a pas encore trouvé la solution aux frais de port. Heureusement, au Salon du Naturisme, je pourrai présenter le livre à un prix acceptable.

La Singette : T’es zarbi toi ou quoi ? Tu dis dans le texte de présentation sur ton site qu’écrire te permet de « découvrir la joie de vivre, l’amour et même la mort… » et « vivre des expériences inhabituelles parmi des personnages étranges, parfois proches… ». La joie de vivre par l’écriture, ça se saurait si c’était le remède miracle. Tu peux m’expliquer ce que te procure le plaisir d’écrire ?

Manon : Oh, oui, écrire me procure du plaisir, mais chacun doit trouver ce qu’il aime faire, et par ce biais découvrir la joie de vivre. J’ai d’ailleurs l’impression que toi, Singette, tu as déjà trouvé le remède miracle, car quand je t’entends et je te vois, je ne pense pas avoir des leçons à te donner.
Tu sais, j’écris souvent en riant. Mon mari et moi éclatons de rire en imaginant toutes les possibilités qui jaillissent d’une petite idée bizarre. Puis je crée un monde imaginaire basé sur cette toute petite inspiration. Parfois je me réveille la nuit en riant.
J’aime inventer des histoires et les écrire, mais ce que je n’aime pas c’est me raconter des histoires. Je n’aime pas vivre à partir de suppositions (religions, idéologies, etc.). Je sais que j’existe, mais je ne sais pas ce que je suis. Je vis à partir d’un fait vivant, qui est ‘je ne le sais pas’. C’est honnête, c’est très simple et joyeux.

La Singette : Venons en justement à ton livre publié. Il s’intitule Camping Martinature, cela suppose qu’il y aura une ou des suites. Parle-nous de ce premier opus, de l’histoire et de ses personnages dont certains ont des noms dignes des publications de l’ami Raymond Queneau, tels les Hilaire de Bonnevalle, Yeux de Boules, Martine la Gaillarde ou le ou la célèbre Nuldenul ?

Manon : Imagine-toi qu’un ovni tombe en panne autour de la Terre. En attendant la dépanneuse, les aliens atterrissent sur la planète, et pour passer inaperçus ils se plantent… dans un camping naturiste ! Bien que leur ovni n’ait ni roues ni fenêtres, il passe complètement inaperçu parce qu’il se fond dans le décor.
Je l’ai déjà dit : au fond, tous les personnages dans Camping Martinature sont un peu des extra-terrestres. Il y a les vrais, les ovninautes (habitants de l’ovni). Mais aussi la propriétaire du camping qui se conduit de façon étrange… pour attirer plus de monde vers son camping, elle en fait un domaine naturiste. Et elle a commencé une friterie… végétarienne. Pour attirer du monde, c’est pas très réussi ! C’est elle qui est zarbi, non ? Puis il y a les agents secrets, envoyés vers le camping par les services secrets des pays du monde entier, à la recherche de l’ovni. Mais au lieu de mener leur enquête, ils s’amusent tellement qu’ils en oublient leur mission. Et il y a Claude Geluck, jeune savant génial qui ne sait pas monter une tente et qui ne se rend pas compte que c’est à cause de lui que tous ces agents secrets sont venus vers le camping. Tous ces personnages ont une chose en commun : ils ont une ouverture d’esprit qui leur permet de découvrir qu’ils n’ont jamais fait ce qu’ils aiment faire dans la vie, qu’ils n’ont fait que les choses qui leur étaient imposées par la vie conventionnelle (par leurs parents, leurs familles, leurs pays, leurs cultures…)
En plus, il y a un élément effrayant… tout près du domaine habite un châtelain louche et infâme qui veut à tout prix mettre la main sur Camping Martinature. Personne ne sait pourquoi, ses raisons sont obscures. Aussi obscures que la présence de Yeuxdeboules, un être farouche, sombre, qui habite une vieille bicoque de caravane...
Bref, c’est un amalgame de personnages plus que bizarres – et pourtant tout reste crédible.

La Singette : Toujours dans la présentation, on lit à propos de ton livre : « aventure hilarante » donc je suppose humour. Et bien figure-toi, que le Franckos est un peu belge frontalier du côté des Ardennes par ses parents et qu’il est très sensible aux rires belges dans la création. Comment toi justement, tu définis ton humour ?

Manon : En néerlandais on dit, ‘le monde ne tourne pas rond, il tourne carré. Ou parallélépipède.’ Et dans la littérature on ne décrit que cela. Mais où est la sortie ? Je veux sortir de cette galère ! Lorsqu’on observe le monde tranquillement, et qu’on voit la situation catastrophique en toute liberté, à partir de ‘je ne sais pas’, on aperçoit des ouvertures.
Dans cette ouverture, l’humour peut fleurir, et il permet de sortir de cette galère, de transgresser des frontières, de découvrir des mondes, des possibilités, des façons de vivre qui auraient paru impossibles. Ce genre d’humour, c’est le rire innocent et spontané qui ne se moque jamais des autres, qui n’est pas issu d’un sentiment de supériorité et qui ne blesse personne parce qu’il n’est pas né de blessures lui-même.
Le max du max, c’est le rire sans raison aucune. C’est le sourire tonitruant du cosmos vibrant.
Oui… je sais bien qu’on va me traiter de philosophunculus si je parle comme ça. Mais c’est faux. Je n’ai jamais étudié la philo et d’ailleurs cela ne m’intéresse pas. C’est en vivant vraiment qu’on découvre la nudité psychologique et l’humour.

La Singette : Un sujet qui me passionne depuis que je suis toute petite, je veux parler des espions et surtout des curés, ces personnes qui portent une carapace pour passer inaperçu et qui coincés aux entournures n’y parviennent jamais. Justement, dans ton roman, il paraîtrait qu’ils y en auraient qui se débarrasseraient de leur carapace mentale et découvriraient « en toute liberté la joie de vivre » nu ? J’en suis resté baba pas très cool ! Comment est-ce possible, par quelle opération du saint esprit naturiste ?

Manon : Si c’est pour la bonne cause, on peut pécher (tuer, massacrer, etc.) tant qu’on veut, tu sais. Si c’est pour la fortification, la carapacisation de la religion, l’augmentation du pouvoir et de l’argent, tout est bon. Non seulement permis mais obligatoire, en fait le péché en devient vertu. Il faut être malade pour voir les choses de cette façon, mais c’est ce qu’ils font. (Et ce n’est pas seulement le cas dans le monde spirituel, on retrouve ce même réflexe dans le monde des idéologies.)
Ce n’est qu’en enlevant ses habits de mensonges qu’on devient nu. Qu’autre chose peut se produire. Et dans mon bouquin, la plupart des personnages sont un peu comme moi. Ils se sentent à l’aise dans une nudité psychologique.

La Singette : En plus d’écrire, tu effectues un travail administratif pour une association qui développe les techniques du Tata Yoyo, encore un de ces trucs tirés d’une chanson d’Annie Cordy, si je m’abuse ! A moins que je n’ai pas bien lu. Je chausse les lunettes déformantes du Bartos. Ah ! mais oui, c’est bien sûr : le hatha yoga. C’est quoi, ça se mange ? Est-ce que ça t’aide à te concentrer à écrire dans des postures impossibles ?

Manon : Au fond, Singette, tu es un grand feu. Vivre est un grand feu d’énergie, et pour brûler, ce feu a besoin de bananes, de cacahuètes, et d’oxygène. Si ce processus, qui s’appelle le métabolisme, se déroule bien, tu sais faire toutes tes singeries sans aucun problème, et manger encore plus de bananes et de cacahuètes ! Le yoga essaie de faire en sorte que le métabolisme fonctionne très bien. La souplesse du corps est un petit cadeau en prime, mais tu es déjà tellement souple que tu n’en as même pas besoin.
Si tu veux essayer le yoga, mon mari prof de yoga sera aussi au Salon du Naturisme, il y donnera des séances. Tu es la bienvenue !

La Singette : En Belgique est-ce que tu pratiques le naturisme ? Et si non, en dehors durant tes vacances ?

Manon : Je suis naturiste, mais il y a des limites. Je ne suis pas aussi fanatique que ce petit bonhomme à Bruxelles, Manneken Pis, qui est naturiste à temps plein, jour et nuit, hiver comme été !
Je vis au septième étage d’un immeuble à Louvain, j’écris de concert avec les mésanges sur la terrasse après avoir fait mon yoga quotidien. A l’horizon pointe le club des naturistes du Brabant flamand dont je suis membre. Hélas, je n’ai pas le temps d’y aller parce que chaque fois que j’ai du temps libre je me retrouve en France – nue, bien sûr - le plus souvent dans le Quercy (domaine de Lalbrade).

La Singette : Tu sais que tu vas partager durant deux jours une table avec le Franckos au premier salon du naturisme, encore un coup fumeux de Jean-Luc Bouland !* j’te jure ! T’inquiète, j’y serai moi aussi et toutes les deux on va bien se marrer. Qu’est-ce que tu attends de ce salon justement ?

Manon : Rencontrer la Singette, bien évidemment ! Nous serons toutes les deux à poil ! Si on grimpait dans les arbres ? Ma spécialité, c’est les pommiers. Je crains qu’il n’y aura pas de bananiers… Et faire des singeries avec toi. Et puis… il y aura tant de stands, tant d’idées naturistes… et ils attendent 5000 visiteurs. Imagine-toi. La possibilité de se faire 5000 nouveaux potes… Et se balader dans Héliomonde… Ce sera extra-terrestriel !

La Singette : quelles sont tes projets et s’il y a des points de poils aux mains que l’on n’a pas abordé, ne te gène surtout pas de ta liberté de nous en parler ?

Manon : Mes projets… vivre longtemps et heureux. Résider une longue période, chaque année, dans la douce France en tant que naturiste. Faire la connaissance de Franck dit Bart, un Français un peu Belge, et de Jean-Luc Bouland*. Et surtout, faire la connaissance de la Singette.
Boire du vin. Bouffer. Pouffer de rire. Faire des randonnées. Découvrir, écrire, laisser fleurir de nouvelles histoires. Je suis en train d’écrire une suite à Camping Martinature. A suivre…

La Singette : Bon, c’est pas tout. Ramon Pipin m’a déjà arnaquée des cinq kilos de cacahuètes qu’il m’avait promis contre son interview, alors toi Manon, qu’est-ce que tu m’as apporté à moi ? Attention, je suis exigeante sur la marchandise ! Je suis une Singette qui se respecte. Regarde comme je suis souple, tu sais faire ça avec ton corps ?

Manon : Des bananes. Issues du commerce équitable. Et de l’agriculture biologique. Un exemplaire de mon livre. Et des bisous extra-terrestres.
A très bientôt !

* Jean-Luc Bouland : rédacteur en chef de la revue naturiste La Vie au Soleil et co-organisateur du premier salon du naturisme qui se tiendra les 17 et 18 mai à Heliomonde (région parisienne).

Le site de Manon

O fête, le courant créatif est tellement bien passé entre Manon et mézigue, que le Bartos a décidé de me coiffer au poteau de torture en lui proposant d’écrire un feuilleton à quatre mains, avec à la clé des songes un épisode à paraître par mois !
Ces deux affreux cherchent un support sur la toile pour faire paraître leur forfait.