Le développement du tourisme incite la plupart des pays à faciliter l’entrée des ressortissants étrangers sur leur sol pour des séjours d’agrément de courte durée, mais il convient toutefois de se conformer à un minimum de formalités, à savoir de présenter des papiers d’identité en règle.

Les États-Unis ont de leur côté initié la démarche inverse. Suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, les autorités américaines ont subordonné en octobre 2006 l’entrée sur le territoire pour les ressortissants d’une trentaine de pays dispensés de visas touristiques à la présentation d’un passeport biométrique. La question a fait couler beaucoup d’encre, et la plupart des pays de l’Union européenne, qui a fait adopter une directive dans ce sens, se sont mis bon gré mal gré au diapason. Le décret n°2008-426 du 30 avril relatif aux passeports électroniques est paru dimanche au Journal officiel, mais rien n’est joué encore.

Une menace pour les libertés publiques ?

Ce nouveau passeport, qui contiendra l’image numérisée du détenteur, ainsi que les empreintes digitales de huit de ses doigts, a déjà été expérimenté en Belgique et au Royaume-Uni. Les informations qu’il renferme sont également présentes dans la mémoire d’une puce électronique, dont la lecture pourrait se faire à distance, comme l’ont découvert à leurs dépens 72.000 détenteurs belges, et dont la sécurité est sujette à caution : Adam Laurie, consultant en sécurité dans les domaines de la RFID et du Bluetooth, a utilisé un passeport sans toucher à l’enveloppe utilisée par le service officiel, la puce RFID étant lisible à quelques centimètres de distance, puis il a réussi à en restituer les informations au bout de 40.000 tentatives.

C’est au tour de la Suisse de s’inquiéter de ce nouveau standard qu’elle est disposée à mettre en œuvre depuis qu’elle a intégré l’espace Schengen. Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, l’équivalent suisse de la Cnil française, a déclaré : nous sommes opposés à l’archivage de toutes ces informations, en particulier des empreintes digitales, dans une banque de données centralisée, ainsi que le prévoit le projet de loi adopté par le Parlement suisse. Les plus grandes craintes portent évidemment sur la possibilité d’utiliser les banques de données telles que celle qui est prévue pour renforcer le contrôle de l’État sur ses citoyens.

Aldous Huxley au secours de George Orwell :

À l’automne 2005, l’Imprimerie nationale avait engagé un bras de fer avec le ministre de l’Intérieur, parce qu’elle entendait conserver un monopole sur l’édition des passeports que Nicolas Sarkozy lui contestait. La fabrication des documents avait été suspendue jusqu’à ce que le Conseil d’État retire l’agrément à la société Oberthur, obligeant des milliers de personnes à faire la queue devant les consulats américains jusqu’en mars de l’année suivante pour obtenir un visa.

Oberthur, leader de l’impression de billets de banque et de cartes à puce, est devenu un groupe international après que Jean-Pierre Savare a pris les rênes d’une affaire en liquidation pour 1 franc symbolique en 1984. 1^er fournisseur de cartes Visa et de cartes téléphonique, le groupe est présent dans plusieurs pays, en Angleterre, en Italie, aux Pays-Bas et aux États-Unis… Il représente 13% des parts de marché de l’identité et de la sécurité, il a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires consolidé de 733,4 millions d’euros en hausse de 13,7% et prévoit une année de croissance soutenue pour 2008.

Pour le moment, la décision du Conseil d’État n’est pas remise en cause, mais le ministère de l’Intérieur ne l’a pas digérée. La décision du Conseil d’État revient à confier à l’Imprimerie Nationale une mission de personnalisation qu’elle n’a jamais assurée et à lui reconnaître un monopole qu’elle ne pourra satisfaire qu’en ayant recours au secteur concurrentiel, avait-il déclaré à l’époque, et bien que des décisions nouvelles ne soient pas prises dans ce sens, Michèle Alliot-Marie a prévu que des machines seraient prochainement mises à la disposition du public dans 2.000 communes afin qu’il puisse satisfaire à la numérisation des éléments qui le concernent, photographique et dactyloscopique. Ce qui ne va pas sans inquiéter les photographes professionnels, déjà aux prises avec l’essor de la photo numérique, tandis que les ateliers de l’Imprimerie nationale sont régulièrement secoués par des conflits sociaux récurrents.

En ce qui me concerne, j’ai conservé le passeport que je possède depuis des lustres. Cela fait longtemps que je n’ai pas eu l’opportunité de jouer les globe-trotters, mon pouvoir d’achat s’obstinant à manquer de tonus. Le cas échéant, je pourrai toujours demander un passeport temporaire pour un an, qui lui, ne comportera pas de composant électronique.

 

 

On n’est plus rien pour l’autre ici sans ses papiers,
Un masque est mal venu dans la rue, en voyage,
Tant il convient d’avoir toujours dans son sillage
Laissé sur son chemin sa trace avec ses pieds !

Sait-on jamais ce qu’il se cache, et des fripiers
Pourront fournir au fourbe un fard à son pillage,
Rien ne vaudra pour la police un beau maillage
Où des quidams sont pris avec tous les troupiers.

Qu’importe ! Il faut défendre ici les gens honnêtes
Et tous ces faux procès instruits sont des sornettes :
Pourquoi trembler si vous n’avez rien à cacher ?

Le silice est un bel outil, comme un prépuce :
Il freine et vous pourrez bien sûr manger casher
Tant que vous restez bien à l’abri de sa puce !

 

 

Téléchargez le décret n°2008-426 du 30 avril relatif aux passeports électroniques