ROBERT P. VIGOUROUX, ou la vie bien remplie d’un jeune poète…(interview)

ROBERT P. VIGOUROUX, ou la vie bien remplie d'un jeune poète…(interview)

Robert P. Vigouroux aura eu au moins trois vies, conjuguées avec autant de réussite personnelle : mandarin de la neurochirurgie, politicien habile dont on n’oubliera pas la maestria avec laquelle il enleva la succession de Gaston Deferre à la mairie de Marseille… et de façon conséquemment plus discrète mais avec persistance, une carrière d’artiste polymorphe ! Sans oublier un passé de résistant dont il ne tient pas à parler autrement qu’entre amis, ce qui l’en honore davantage. On retiendra encore quelques petites choses de lui, qu’il aura aimé les femmes et la vie, et je vous apprendrai qu’il goûte une retraite heureuse et à l’art d’être à la fois un jeune père et plusieurs fois grand-père, quelque part dans la campagne du côté d’Aix. Ce qui lui laisse néanmoins tout le temps d’écrire, une de ses passions, et de voir édité sous peu Un voyageur pour Palerme, son premier polar ! En exclu pour MLC, monsieur le maire nous en touche quelques mots, à la coule :

D’où t’es venue cette envie subite d’écrire un polar ?

J’en ai d’abord été un lecteur friand ! A la grande époque du genre, il y a une cinquantaine d’années… quand il y avait toutes ces anciennes collections populaires qui marchaient très bien, j’achetais des polars de toutes sortes pour meubler de lecture mes allers retours en avion lorsque j’allais à Paris. Beaucoup d’auteurs américains, le Masque Noir… et tant d’autres ! Puis, plus tard, je me suis intéressé à de plus grands noms, comme Simenon, des auteurs un peu plus sérieux, conséquents, quelques classiques Anglais telle Agatha Christie, qui privilégient l’énigme, l’intelligence de l’intrigue, et procurent beaucoup de plaisir… même s’il y a moins de bagarre ! Le polar m’a en fait toujours accompagné, dans une poche de ma veste…, même si je lui ai fait faux bond pendant une dizaine d’années… durant lesquelles je ne lisais plus rien du tout, d’ailleurs. J’étais trop accaparé par le boulot, tous les jours toute la journée, samedi et dimanche compris.

Tu parles peut-être de quand tu étais notre bon maire, non ?

C’était malgré tout une période de grande responsabilité… Et quand je sauvais un peu de temps pour moi, au lieu de lire j’en profitais plutôt pour écrire, sous le pseudo de Stéphane Alexis.

T’écrivais quoi ?

Des récits… et beaucoup de poésie !

Qui savait, pour… Stéphane Alexis ?

Personne, à part Brigitte ( sa femme actuelle NDLR)… J’ai tout de même aussi écrit un livre sociopolitique « Un parmi les autres », sous mon vrai nom, c’était une demande d’Albin Michel, et chez Grasset « Qu’elle est ta ville ? », qui traitait des Mégapoles.

C’était un besoin de donner un plus de sens à ton travail d’élu ?

Oui, on peut dire ça… Comme un reflet littéraire de mes activités.

Pour en revenir au polar, tu m’avais dit que ta découverte avec Izzo avait énormément compté ?

C’était la fin de mon mandat quand on a commencé à en parler pas mal, je m’y suis intéressé et j’ai fini par tout lire… J’apprécie la grande part qu’Izzo dans ses romans laisse à la psychologie de ses personnages… Je regrette de ne pas l’avoir davantage connu, je l’ai rencontré dans des salons mais nous étions plutôt timides, l’un et l’autre… Je me souviens qu’il fumait comme un pompier, ça oui ! Plus tard, j’ai beaucoup travaillé sur ses livres, que j’ai, on peut dire … analysé, pour mon seul plaisir. Puis je me suis tout de même retrouvé à présenter quelques exposés sur son œuvre, en marge d’expos ou de conférences… Pour l’anecdote, je dois reconnaître que quand Total Kheops était sorti, je ne savais même pas ce qu’en signifiait le titre : un matin, j’avais organisé un petit déjeuner au Pharo avec IAM, et ce sont eux qui m’avaient appris le sens de cette expression.


Tu n’as pourtant pas choisi d’écrire un polar marseillais… Tu n’étais pas le plus mal placé, alors pourquoi ?

C’est simple, parce que je n’en étais pas capable… Ou que c’est une chose que je ne pouvais pas faire.

Mais encore ?

Étant donné mon passé, justement, ça m’était assez difficile, j’ai une certaine pudeur et j’aurais eu peur qu’on cherche à me lire davantage entre les lignes que ce que le mérite un récit de fiction… J’avoue que je connais très bien Marseille, mais bon…, j’ai choisi que mon roman se déroule entre Paris, Rome, Palerme, Naples, au long cours d’un périple essentiellement méditerranéen, cependant…, et il y a tout de même un personnage de chauffeur de taxi napolitain qui est Marseillais.

Tu nous résumes l’histoire ?

C’est l’aventure de quelqu’un qui normalement devait vivre une vie très simple et bien réglée, mais qui se trouve mêlé à une histoire se déroulant a priori très loin de lui, mais qu’il finit par rejoindre. Son désir de comprendre une série de meurtres et de disparitions, cette obsession du « pourquoi », vont guider sa recherche et le faire se dépasser. L’opportunité pour le lecteur de voyager avec lui, et de visiter notamment la Sicile. Ce livre présente aussi l’anti-face de son enquête, la même histoire mais écrite du point de vue d’un tueur de métier : c’est donc un roman à deux voies ! J’aime cette ambivalence et comme souvent dans la vie, à la fin on ne sait pas toute la vérité, il reste des inconnues…

Aurais-tu, toi qui t’es démultiplié, une part schizophrène ?

Je ne le crois pas, ayant fait beaucoup de psychiatrie je connais bien cette maladie…, mais je n’ai aucun symptôme. Je suis quelqu’un de très normal. J’ai juste eu plusieurs vies. Je dirai que ce n’est pas dans la vie politique que j’ai le mieux connu les hommes, mais surtout dans la vie médicale… On a la possibilité de suivre véritablement la personne et j’y ai approfondi ma relation à l’autre… C’est une véritable approche de l’âme humaine, autre chose que de serrer simplement des mains…

A ce propos, tu as été l’un des deux médecins volontaires à bord de l’Exodus, l’autre étant décédé…, et tu ne vas jamais te décider à raconter cette histoire ?

Déjà, en parler c’est dire mon âge… Les survivants sont rares ! J’ai tout de même accepté de figurer dans un documentaire qui en témoigne, avec une dizaine d’autres personnes qui avaient vécu l’Exodus…, voilà ! Le seul autre survivant Français, je crois, est celui qui organisait les transports vers Israël… Mais non, pour répondre à ta question : jamais ! Je n’ai pas envie d’écrire ma propre vie… mais plutôt de rester dans l’imaginaire. Même si la fiction se nourrit toujours de la réalité, je prends davantage d’intérêt à inventer, à prendre par exemple plusieurs personnes pour n’en faire qu’un seul personnage, etc.

Fort de tout ce que tu as vécu, tu dirais que tu es d’abord un artiste ?

Quand j’étais à la mairie, j’ai toujours essayé de privilégier la culture. Dans la vision que j’en avais, j’ai donné une grande importance aux sciences, j’en ai diversifié les branches et j’ai projeté le plus possible la culture vers les quartiers ! Comme par exemple avec le conservatoire éclaté, qui depuis sa Place Carli se déplaçait dans des salles de différents quartiers de Marseille pour faire travailler d’autres gens, leur donner le gout de la musique, etc. J’ai quelques regrets, comme le fait que mon successeur ait abandonné le projet de musée César, qui avait fait une généreuse donation à la ville… Bon, c’est de l’histoire ancienne. Quant à moi, dès la fin de mon mandat de maire, j’ai enfin écrit des romans sous mon nom (La vie en morceaux, Le docteur et ses jumeaux, Les missionnés NDLR) !

T’es aussi peintre et poète ?

J’ai été un jeune poète, c’étaient des heures qui n’appartenaient qu’à moi…, et j’ai peint de 46 à 86, date fatidique de mon entrée à la mairie. A propos, je vous conseille de lire la poésie d’Izzo, que l’on connaît moins que sa prose et qui est pourtant remarquable.

Pour finir dans la bonne humeur, que t’inspire le résultat des dernières élections municipales ?

Je suis 100% démocrate, je ne critique donc pas le choix des électeurs, même si tout n’a pas été fait de façon démocratique durant ces dernières élections… Mon message est de ne jamais désespérer.

A paraître :

Le voyageur pour Palerme, de Robert P. Vigouroux,
aux éditions L’Ecailler, sortie mai 2008