LA DAME DE VERRE, par Maria Grazia Transunto

LA DAME DE VERRE, par Maria Grazia Transunto

Maria Grazia Transunto est une quinqua élégante, d’un commerce agréable et qui respire la créativité. Elle accouche de littérature avec la facilité d’une poule pondeuse et revendique de ne pas prendre l’écriture pour autre chose que son métier. Il faut dire que si son nom vous est encore inconnu, la dame, brune et à l’accent piquant, qui n’a contre elle qu’un patronyme mémorisable à grand peine, n’en a pas moins écrit plus de cent cinquante romans dans son pays et dans sa langue d’origine…

Mais cela sous divers pseudos, de préférence américains « pour vendre davantage » confesse-t-elle sans honte. Eh oui, ne nous cachons pas que les Belles Lettres ne sont au XXIeme siècle qu’un pur commerce culturel de plus, dans lequel l’oncle Sam comme partout se taille la part du lion, nul auteur au-delà du régionalisme n’étant plus prophète en son pays face à l’avalanche éditoriale de corned-beef à la Dan Brown, produit industriellement à destination des semi-mongoliens…

Aussi pour gagner sa vie en écrivant, Maria la prolifique s’est-elle plaisamment résolue à enfiler les romans de gare, du noir à l’eau de rose, en passant par une production érotique qui démontre qu’elle est à l’aise dans toutes les positions de la littérature ! De temps en temps, elle s’écrit cependant un bouquin seulement destiné à « se faire plaisir » selon elle, et c’est toute l’histoire de La dame de verre, arrivé chez L’Ecailler presque par hasard par le biais d’Alain Seyfried qui en est l’excellent traducteur français. Il faut dire qu’en aparté et sous le ciel marseillais, loin des oreilles italiennes, Maria de passage confie volontiers qu’elle ne voulait de toute façon certainement pas que ce polar soit publié dans son pays. Car d’aucuns pourraient s’y reconnaître, parait-il, et ne guère apprécier… Il faut dire que sous le couvert de la fiction, il s’agit tout de même d’une histoire mafieuse, certes retaillée pour l’aventure romanesque, mais inspirée de personnages que Maria aurait suffisamment approché pour les deviner susceptibles !

L’histoire nous entraîne dans la Venise des années soixante, où l’auteur a passé les étés de sa jeunesse et dont elle a d’évidence intériorisé les envoutements ; le livre est d’ailleurs un hommage à la ville de son enfance, en marge d’une intrigue qui manie habilement toutes les ficelles du genre. Un commissaire napolitain, une femme fatale d’une froideur inoubliable, un cadavre flottant dans les eaux troubles des canaux aux relents putrides exhalés par le sirocco, qui feule en s’engouffrant entre les palais somptueux… derrière la façade desquels se passent de sombres choses.

A noter que le commissaire Ciro Mariani, mal à l’aise dans cette cité étrangère, avec ses manières sudistes et sa phobie de l’eau, n’est donc pas aidé par la nature dans cette enquête difficile, dont le lecteur jugera s’il en est venu à bout… Le bonhomme n’en est pas moins attachant et lorsque j’ai posé la question qu’il puisse devenir un héros récurrent, Maria Grazia Transunto s’est contentée de répondre « Pourquoi pas, si les gens l’achètent ?... »

Un auteur honnête, qui écrit tout droit mais non sans panache, comme elle s’avère !

LA DAME DE VERRE, par Maria Grazia Transunto
aux éditions L’Ecailler


Article publié en partenariat avec le journal Marseille, la cité.