Des hommes d’Etat

Des hommes d'Etat

Devenu député de l’Eure en juin dernier, Bruno Le Maire fut conseiller puis directeur de cabinet de Dominique de Villepin, de 2005 à 2007. Durant ces années dans l’ombre du pouvoir, il a soigneusement consigné, au jour le jour, ses réflexions et ses remarques sur son travail d’éminence grise et sur sa vie personnelle.

Des hommes d’État est ainsi un va-et-vient entre des observations sur la "jungle des sentiments confus, parfois sincères, parfois troubles" de la vie politique et des tranches de vie très personnelles sur sa vie familiale. Derrière les ors de la République et le prestige du conseiller du prince, on découvre ainsi des remords au sujet de ses enfants qu’il ne voit pas assez et des week-end annulés en dernière minute. Comme si Bruno Le Maire voulait montrer que derrière l’intérêt de la fonction, la vie publique demande de nombreux sacrifices : "le temps perdu loin de ses enfants ne se retrouve pas : ils grandissent, ils oublient, ils se détachent et nous avec, par la force des choses".

La qualité du témoignage tient en grande partie à la qualité du témoin : par sa fonction et par sa proximité avec Dominique de Villepin, Bruno le Maire était un observateur privilégié de la comédie du pouvoir. Ceci étant, il était aussi un acteur privilégié, et s’il est toujours difficile d’être juge de soi-même, il reconnaît ses erreurs et ses fautes, que ce soit à l’occasion d’un discours très maladroit devant la majorité parlementaire ou lors de l’épisode décisif du dossier CPE.

La toile de fond de ce récit est la relation à trois entre Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy : teintées de respect, de haine, d’admiration et de méfiance, elles sont bien loin du portrait caricatural qu’en ont fait les médias. Mais force est de remarquer que la relation entre le Premier ministre et son ministre d’Etat tourne trop souvent à l’avantage des deux hommes, comme pour les ménager. Car on ne sait jamais de quoi l’avenir est fait.

"On rêve au pouvoir de stratégie et de grandeur, et tant mieux, pourtant la pratique se joue dans le détail, l’infiniment petit, le microscope, le mot juste, le tempo exact, la virgule correctement placée et la cravate de la bonne couleur. Quand on sort pour un instant de la politique, on prend en pleine poitrine le vide, le silence, l’air : on respire, tout est grand."