L’érotique du burkha

L'érotique du burkha

Un ami metteur en scène, qui vient de présenter un Tartuffe dans la grande banlieue de Londres , se plaignait d’avoir été purement et simplement censuré par le directeur du théâtre. L’affaire ? Une scène où l’on deshabillait une femme en burkha… La soudaine nudité du corps sous ce symbole d’oppression avait déclenché un déluge de protestations ! Le directeur du théâtre avait été catégorique et s’était expliqué en deux point : « Aller mettre un truc pareil dans un Molière ! C’est du n’importe quoi ! » et « Le jour de la répétition générale, on a surpris Elroy, un gars du nettoyage, en train de se masturber dans un balcon ». La grandeur du théâtre anglais n’est, hélas, plus ce qu’elle était ! Notre ami n’en est toujours pas revenu ! La pièce a, malgré l’amputation, quand même eu du succès…

Le débat sous-jacent à cette affaire est pourtant tout ce qu’il y a de plus sérieux. La polémique soulevée autour du port du voile en France en est un des exemples. L’Europe est confuse et ne sait plus comment gérer un apartheid qu’elle s’est efforcée de dissimuler aux yeux de ses propres populations et du reste de l’Occident. Le racisme d’état est présent partout et s’institutionnalise , relayé par les plus puissants médias. Le 11 septembre et la propagande des pays riches -il faut être naïf pour croire l’Amérique de Bush seule responsable de cette vague de racisme à l’échelle planétaire et définitivement crédule pour en exonérer la France-, ont permis l’acceptation des plus honteuses thèses xénophobes dont la violence est seulement comparable aux années Dreyfus en France ou aux nazisme de l’entre deux guerres .

Leur réalisation est même devenue une terrible réalite en Suisse, avec l’arrivée au pouvoir de l’UDC, un parti d’extrême droite d’obédience allemande, xénophobe et nostalgique. La supériorité de « la race blanche » est plus que jamais la pierre angulaire de notre système de valeurs et, quoi qu’on en dise, -la Suisse ! Symbole, s’il en est, de l’argent et de la finance internationale-, du capitalisme à outrance qui voudrait se dédouaner d’une telle accusation en avançant l’internationalisation des marchés et l’accès à tous, sans distinction de race et de crédo, au monde parfait de l’offre et de la demande !

Pourtant, malgré ces bonnes intentions, l’Europe et sa Constitution agissent aujourd’hui comme une caisse de résonnance où toute pensée raciste est multipliée par 25 ! La France, la Hollande vibrent déjà à l’unissson, modèles de démocratie, où la catastrophe a été évité de justesse mais pour combien de temps encore !

Mais pour en revenir à notre reflexion sur le voile et le burkha, un tel phénomène prend bien évidemment sa source dans l’histoire. L’homme blanc de l’époque coloniale a toujours défini le sauvage comme un être à la sexualité débordante et incontrolée que seule la raison d’une âme pure pouvait dompter . L’opposition sexe/intellect lui a servi à ériger un système de pensée et une culture où la grosseur du phallus est synonyme de primitivisme voir de stupidité. Théorie qui, du même coup, justifie l’exploitation sexuelle que l’on fait subir aux femelles, bêtes à fentes, qui n’ont pas plus de cervelle, de dignité et de droits que le mâle.
Toutes ces horreurs , nous venons de le dire, sont hélas encore bien présentes dans les écoles, les universités, les journaux, la télévision, les ministères, les ouvrages spirituels occidentaux et sont renforcées par l’atavisme chrétien qui défend la domination masculine comme une volonté de Dieu :

« Le chef de la femme, c’est l’homme (…). Si la femme ne porte pas le voile, qu’elle se fasse tondre. (…) L’homme, lui, ne doit pas se voiler la tête : il est l’image de la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme. (...) Et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance » .

Ces extraits de la Première épître aux Corinthiens de l’apôtre Paul parlent d’eux-mêmes. Le port du voile et la domination absolue de la femme par l’homme, instrument de Dieu, ne sont pas seulement le fait de l’Islam. Ils sont très profondément enracinés dans notre culture chrétienne. D’ailleurs, qui se plaît à vouloir absolument dissocier l’Islam du christianisme devrait y regarder à deux fois… On remarquera aussi -mais là n’est pas notre propos et on ne manquera pas de me le reprocher- que la tonte de la femme impure et désobéissante est une constante dans la société française, fille aînée de l’Eglise.

Le symbole du voile -et plus récemment du burka- a toujours bouleversé l’homme occidental farouchement réfractaire à l’égalité des sexes. La puissance identitaire de ce symbole de domination provoque dans les esprits le rejet républicain que l’on connaît mais son pouvoir hypnotique, autour duquel se déchaînent les plus folles tentations libidineuses, prend de la force et un corps dans une société qui cache de moins en moins son racisme et l’idéal de servitude qu’il voudrait pour la femme. L’objet « voile », devient un gadget masturbatoire qui nous donne un plaisir inoui. Il a même détrône au palmarès des phantasmes la lourde et peu réaliste ceinture de chasteté !

A bien des égards, le monde arabe et ses stéréotypes sont le paradis perdu de l’homme occidental. La polygamie et le harem, la femme objet, la pédophilie, la possibilité d’une homosexualité qui n’est déjà plus latente, sont autant de fruits défendus que l’hypocrisie chrétienne voudrait dissocier de son héritage historique. L’islam, les musulmans et toute la nébuleuse du monde arabe que les moyens d’information et les élites se plaisent à simplifier jusqu’à la caricature sont l’écran sur lequel se joue la tragédie moderne de
nos phantasmes.

La question la plus logique en ce qui concerne le port du voile en Occident devrait tout d’abord s’adresser à l’occidental confus et non informé. Elle devrait le pousser à débusquer dans sa propre culture les zones d’ombres où le voile sous toutes ses formes est monnaie courante . Les médias, dont le rôle, nous le rapellerons jamais assez, est d ’aider le citoyen à connaître ses droits pour adoucir, voire corriger les contradictions du difficile exercice de la liberté, se contentent de l’approche réductrice et sensasionnaliste du « pour ou contre » et du débat faussement démocratique défendu par les « faiseurs de consensus » . Un consensus ficelé par des guirlandes d’idées aussi lumineuses que : « l’erreur vient de l’autre », « le diable, c’est l’autre » ou bien, comme nous l’avons signalé plus haut, « l’ennemi, c’est l’étranger ».