ANDRE FORTIN, le juge et l’assassin… comme un seul homme ! (interview)

ANDRE FORTIN, le juge et l'assassin… comme un seul homme ! (interview)

André Fortin est un auteur discret, fringant sexagénaire amateur de bières et de cigare, qui commence à faire parler de lui à la seule force de sa plume.

Il est entré il y a deux romans de cela dans le petit club, ouvert et sympathique, du polar marseillais, qui continue d’exister vaille que vaille malgré la désaffection de ce même milieu de la critique littéraire parisienne qui à l’aube du nouveau siècle en avait lancé la mode, sinon le phénomène, avec l’avènement d’Izzo. Après Nos meilleurs vieux et Ange le revenant, il signe un troisième opus fidèle à ses obsessions, Deus ex Massillia, qui nous ouvre une nouvelle fois les coulisses de la ville la plus fantasmatique de France : la nôtre, n’en déplaise aux autres !

Est-ce un heureux hasard si ton livre sort en pleine campagne électorale ?

Absolument ! D’ailleurs, il y a toujours une campagne électorale actuelle ou à venir et dans mon bouquin, il y en a une en effet, mais législative.

Marseille est-elle aussi noire que tu la dépeins, noyautée par ses édiles et ses notables véreux, où ne doit-on y voir que fiction d’auteur ?

Marseille n’est pas noire, en tout cas pas seulement noire. Elle est fabuleuse, excitante, imprévisible et c’est pourquoi elle s’adapte si bien à la fiction. Il y a tant de villes mortes, belles, tranquilles, dignement représentées et dont on ne saurait se moquer. Il est tout de même plus simple pour l’imagination de concevoir des histoires passionnantes et pourtant vraisemblables à Marseille plutôt qu’à Lyon ou à Bordeaux ! Quant à tous ceux qui tiennent la ville comme tu dis (mais cette ville est-elle tenue ?) et qui ne sont pas seulement les élus, ils représentent une véritable mine d’or pour l’auteur de polar…


Et là, il faut rappeler que tu es aussi magistrat… Cela t’amène-t-il à puiser dans ton vécu ?

Je puise dans mon imagination et mon imagination puise notamment dans ma vie professionnelle passée…, assez lointaine puisque je ne suis plus juge d’instruction depuis presque vingt ans(NDLR : André Fortin est actuellement Conseiller à la Cour d’Appel). Elle retrouve des figures que j’ai connues, elle les mélange, elle les peaufine et il en sort des personnages qui, me dit-on, font bel et bien penser à des personnages existants. Ainsi va la fiction… comme dit Molière : s’il se sent morveux, qu’il se mouche !

L’instant est venu de nous résumer l’histoire de ce Deus ex Massillia :

Au départ c’est l’histoire d’un combat entre trois bandes de malfrats dans une période creuse (après la disparition d’un grand caïd). Une des équipes, la plus riche, a beaucoup d’ambition, elle veut un maire. Mais ils ne sont pas seuls sur le coup, la Mafia s’intéresse… Beaucoup de casse, de bruit et de fureur. Les notables s’en mêlent et, trop sûr d’eux, se font avoir. Un autre type s’en mêle, une sorte de Machiavel. Il veut tirer les ficelles et remporter le gros lot. Ange Simeoni, malgré lui comme d’habitude, est entraîné dans ce tourbillon infernal.

Tu as choisi pour héros récurrent Ange Simeoni, un malfrat… Est-ce un double fantasmé de l’homme toujours du bon côté de la loi que tu es forcément ?

Franchement, je ne crois pas que ce soit un double fantasmé ; mais quelquefois l’inconscient nous joue des tours…

En conclusion, quelles réformes envisagerais-tu si tu passais demain du tribunal au ministère ?

Je n’ai aucune ambition et ne demande rien, comme disent les hommes politiques qui ne vont pas tarder à aller à la soupe ; quitte, ensuite, à franchir le Rubicon des frontières politiques. Mais moi, la différence, c’est qu’on ne m’a fait aucune proposition, parole ! Mais admettons :
Sur le plan législatif, je proposerais au Parlement peu de changement. Je rappellerais au contraire les grands principes des philosophes des Lumières repris par la Révolution. Sous le prétexte de la protection des victimes, surtout de celles qui font pleurer dans les chaumières, on finit par nier puis bafouer les droits de l’homme : une excellente préparation pour un régime fasciste. Et puis il y a le terrorisme ! Le seul moyen pour une démocratie de se défendre contre le terrorisme, c’est de maintenir les droits de l’homme et, bien entendu, de tous les hommes, y compris les terroristes.

Sur le plan structurel exactement le contraire de ce qui est fait actuellement. J’aurais tendance à éliminer ou dégraisser comme on dit, quelques grosses unités judiciaires ce qui dégagerait des ressources pour favoriser la justice de proximité.

Mais ce n’est pas mon boulot, n’y pensons plus. Imaginons plutôt… tiens, un autre livre !

DEUS EX MASSILIA, par André Fortin aux éditions Jigal

Article proposé en partenariat avec le bimensuel MARSEILLE LA CITE