Les Nuits sans nom

Les Nuits sans nom

Quand un docteur en philosophie s’emploie à descendre dans les limbes de la psyché sexuelle, il arrive que le résultat soit explosif. Certes, les scènes pornographiques sont légions, mais l’intérêt n’est pas là. Il faut savoir lire entre les lignes.

Xanthe est une jeune femme qui assume totalement sa sexualité et qui se soucie peut des normes. Sur un coup de tête, elle quitte son amant et prend le premier train qui s’offre à elle. Durant le voyage elle rêve. Parties fines, jouissances en cascades, pénétrations en tous genres … Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle remarque un jeune homme qui la fixe. Après un instant d’hésitation, elle reconnaît Charles, un ami de lycée. Il est Premier conseiller à l’ambassade de France en Allemagne. Elle est à la garde terminus de Berlin.

Grâce à son ami qui l’héberge, X. va pouvoir se retourner et prendre le temps de découvrir la ville et le monde mondain et culturel. L’univers empesé des soirées ennuyeuses, le corps diplomatique et son aréopage d’imbéciles et de pompeux. Notamment un certain Petit Poisson, qui, quand il ne tyrannise pas le personnel de l’ambassade, quand il ne pérore pas sur son travail, verse dans la pédophilie … Mais il aimerait aussi, au diable la varice, mettre la main sur X. Péché véniel qui lui sera fatal. Car le monde de la nuit n’aime pas les envieux ni les pervers ; le châtiment sera exemplaire.

Mais tout cela n’est qu’un prétexte pour tisser la trame d’un récit qui en cache un autre. Jean-Louis Poitevin est critique d’art et docteur en philosophie ; il s’est donc amusé à cacher un autre roman dans le roman. Celui du questionnement sur le plaisir, sur ce qui motive cette quête infinie d’un laisser faire, d’une autre manière d’être libre et de jouir pleinement. Histoire de pouvoir trouver ce qu’il y a derrière le jeu des pistons dans les culasses, des bites dans les cons ; histoire, surtout, de mettre en lumière ces moments d’oubli total où quelque chose d’autre apparaît, une part de nous-mêmes qui nous était encore inconnue. Pour cela il faut le courage d’ôter le masque convenu que nous présentons tous les jours, et pousser le jeu pour que le strip-tease psychique s’opère : ainsi le sujet pourra connaître la puissance de l’abandon.
Mais y a-t-il un masque ultime qu’il faut arracher ? Ou, au contraire, une pléthore qui nécessite de réussir à entrevoir le centre autour duquel ils s’enroulent et se déroulent, se décollent, semblent disparaître, puis reviennent encore avant de s’effacer à nouveau, comme en un ballet d’une exceptionnelle légèreté.

Pendant l’amour, un mouvement général s’opère, une action de métamorphose qui est notre véritable existence révélée. C’est ici que tout commence …

Jean-louis Poitevin, Les Nuits sans nom, coll. "Littérature Grand Format", La Musardine, mars 2008, 278 p. – 17,00 €