Théâtre : Marie Stuart…

Théâtre : Marie Stuart…

Fable politique, MARIE STUART (1800) met à nu les mécanismes du pouvoir. Les conflits entre les forces et failles intimes et l’exercice du pouvoir y sont nettement esquissés. De l’œuvre du célèbre écrivain allemand du XVIIIe siècle, Fabian Chappuis offre - au Théâtre 13 - une mise en scène caractérisée par la finesse psychologique et un troublant chant funèbre…

« Schiller a recentré sa pièce sur la fin de Marie Stuart. La pièce débute juste après sa condamnation à mort et se termine juste avant son exécution. Entre ces deux points, c’est toute la vie de la reine d’Ecosse qui est évoquée, mais surtout dans son conflit humain, religieux et politique avec Elisabeth Ire », précise Chappuis. Un antagonisme fondamental entre les deux reines cousines, tel semble être la trame nerveuse de cette insolite MARIE STUART où le choc de deux cultures, de deux visions existentielles, de deux tempéraments politiques et de deux univers personnels s’affrontent dans un cadre proche du drame historique.

L’une, Marie Stuart est catholique ; l’autre Elisabeth, protestante ; l’une incarne le petit peuple bouillonnant et rieur d’Ecosse, l’autre une Angleterre arrogante et hégémonique ; l’une se laisse parfois envahir par ses émotions, l’autre gouverne d’une main de fer ; l’une revendique le trône par le sang, l’autre par le testament… Tous les éléments historiques étaient visiblement réunis pour illustrer cette MARIE STUART, fable sur le pouvoir de Friedrich Schiller mise élégamment en scène par Chappuis.

Ce conflit, qui opposa pendant 20 ans les deux reines, atteint sans doute son paroxysme avec la rencontre des deux reines dans le parc de la sombre forteresse de Fotheringay – scène inventée, fruit de l’inspiration de Schiller – un des moments clés de la pièce. Moment crucial où le sort de Marie Stuart – qui sera bientôt exécutée – semble se figer pour l’éternité. Jeu de masques, maladroites tentatives de rapprochement, rivalité amoureuse (le comte de Leicester), tout concourt à envenimer l’entrevue fatale.

Le jeu des deux personnages principaux s’avère efficace : une Marie Stuart tragiquement rebelle - interprétée brillamment par Isabelle Siou - ne pouvant renoncer à une terre qu’elle considère lui appartenir ; une Elisabeth Ire – jouée intensément par Marie-Céline Tuvache en reine vierge statufiée – condamnée à la fois par la brûlante morsure de son ennemie indomptable et la conscience malheureuse que sa mort la poursuivra d’une sourde malédiction.

Car de toute façon la mort de Marie Stuart est programmée. Durant toute la pièce un climat oppressant règne : personnages aux lourds manteaux noirs, comédiens tapis dans l’ombre du plateau, lumières sépulcrales, voix tremblante des deux reines… Peut-être le personnage principal – et invisible - de la pièce est-il finalement la Mort, la troisième reine, double incarnation des deux précédentes…
Une mort, qui rôde, attend son heure, patiemment, victorieuse.

Dans une mise en scène réaliste, parsemée de trouvailles ludiques (les farfelus ambassadeurs français), tout l’habile agencement de Chappuis semble tendre vers ce parfum de mort à la fois inévitable et inutile. Et sans doute, c’est Elisabeth, qui finalement redoute le plus la mort de sa cousine, mort symbolique d’une part d’elle-même. Mais esclave du Pouvoir, devant satisfaire les exigences de l’Histoire, de la Religion, de ses sujets, Elisabeth cède…

Au cours du dernier quart d’heure de la pièce MARIE STUART, l’on sera surpris par une esthétique glacée, empreinte de sourde sensualité et de morbidité latente. Pour suggérer l’idée de la Fin, le metteur en scène a choisi une esthétique raffinée, entre velours et épée, pour clore ce chant funèbre. Une vision fulgurante, qui pourrait être un compromis pictural entre la violence martiale d’un David et la sensualité onirique d’un Chassériau.

Durée : 2 h 10 (sans entracte)

[Marie Stuart meurt dignement en Reine en 1567 dans l’indifférence quasi générale. Afin de s’assurer d’une paix durable avec le fils de Marie Stuart, le roi d’Ecosse, Elisabeth Ire lui promet sa couronne juste avant l’exécution.]
[Il régnera en Ecosse sous le nom de Jacques VI, de 1567 à 1625, et en Angleterre sous le nom de Jacques Ier, de 1603 à 1625, et inaugurera la dynastie des Stuart. Il fera transférer la dépouille de sa mère à l’abbaye de Westminster, où elle repose toujours, à deux pas d’Elisabeth Ire (note historique, source : Théâtre 13)]

Fable sur le pouvoir de Friedrich Schiller mise en scène par Fabian Chappuis

11 mars > 20 avril 2008
Mardi, mercredi et vendredi à 20h30 - Jeudi et samedi à 19h30 - Dimanche à 15h30

Théâtre 13 – 103A boulevard Auguste Blanqui – 75013 Paris (métro : Glacière)

Marie Stuart de Friedrich Schiller Mise en scène Fabian Chappuis

Avec Pascal Ivancic, Philippe Ivancic, Stéphanie Labbé, Jean-Christophe Laurier, Aurélien Osinski, Benjamin Penamaria, Sébastien Rajon, Isabelle Siou, Jean Tom et Marie-Céline Tuvache.

Traduction M. de Latouche, Adaptation, mise en scène, scénographie Fabian Chappuis, Assistant mise en scène Damien Bricoteaux, Lumières et régie générale Florent Barnaud, Vidéo Bastien Capela, Costumes Alice Bedigis et Bertille Verlaine, Menuisiers Etienne Pinsky et Vincent Obadi, Musique Henry Purcell, Univers sonore Pierre Husson,

Une création de la Compagnie Orten
Texte édité aux Editions Les Cygnes – collection Les Inédits du Théâtre 13 (en vente au Théâtre - 10€)

Rencontre dimanche 30 mars 2008 à 18h,
La Légende de Marie Stuart
En présence de toute l’équipe artistique et avec la participation de l’historien Bernard Phan. Animée par Héloïse Kolebka (rédactrice en chef adjointe du Magazine l’Histoire).