ROMAIN SLOCOMBE, l’artiste dont vous auriez dû entendre parler (interview)

ROMAIN SLOCOMBE, l'artiste dont vous auriez dû entendre parler (interview)

Romain Slocombe est un étonnant voyageur, parce
qu’insaisissable et rarement où on l’attend... Artiste
polymorphe d’abord, écrivain prolifique mais homme peu
disert ensuite ! Il a commencé a faire parler de lui
dans Métal Hurlant, à la fin des années 70, avec des
romans graphiques sombres et violents, et depuis n’a
eu de cesse de créer dans la marge. Il est l’auteur
culte par excellence, l’autre semaine encore sur Arte
(Femmes asiatiques, femmes fantasmes) à une heure où
seuls les gens biens regardent la télévision, consulté
dès qu’il s’agit de parler d’érotisme intelligent, et
au coeur d’une actualité artistique chargée.

"Qui se souvient de Paula ?", ton nouveau roman
jeunesse, est un roman de mémoire, puisqu’il s’agit de
raconter à la jeune génération le sort des enfants
juifs... Qu’est-ce que tu penses de la proposition de
Sarko d’en faire un enjeu scolaire ?

J’ai pas tous les détails de l’histoire (NDLR : Romain
Slocombe est en déplacement à l’étranger) , et ça part
en apparence d’une bonne intention, mais j’ai
l’impression que comme toujours chez Sarko ça cache
autre chose... Ca sent la manoeuvre de diversion, comme
son plan Alzheimer, il nous en sort de son chapeau
magique chaque fois qu’il a des ennuis. C’est le truc
qui a l’air sympa... mais on ne peut pas en même temps
prétendre apprendre la tolérance aux enfants et
envoyer des flics à la sortie des écoles pour rafler
les parents des enfants sans papiers !

Pourquoi t’as pas illustré la couverture ?

C’est toujours le même illustrateur qui fait toute la
collection, mais j’aime beaucoup ce qu’il a fait.

Tu étais dans l’actu au cinoche, ces temps-ci, avec
"Peur(s) du noir". De quoi s’agit-il ?

C’est un dessin animé pour adultes, sur le thème de la
peur, qui entremèle six histoires dessinées par des
auteurs qui viennent d’ailleurs presque tous de
l’illustration..., mais certains ont eu recours a des
scénaristes : c’est le rôle que j’ai tenu pour
l’épisode japonais réalisé par Marie Caillou. C’est un
peu compliqué au sens où je suis moi-même
illustrateur... mais j’étais très content pour une
fois d’être uniquement scénariste, parce que je suis
un gros fainéant.

Au rayon "adultes", en pleines municipales tu sors
également un gros polar politique, "Mortelle
résidence", dont le héros est un architecte argentin
au chomage, invité par erreur dans une résidence
d’artistes à Lyon, située dans un couvent hanté... Tu
m’en dis quoi ?

L’histoire se déroule effectivement sur fond
d’imbroglio politique locale, tandis que dans l’ombre
se prépare un attentat contre un ancien médecin nazi
de retour d’Amérique du Sud... Avant que tu me le
demandes, oui, une fois encore je laisse libre cours à
mes obessions médicales, historiques, avec un nouveau
double de fiction et ce rapport satirique que
j’entretiens de façon perverse avec l’art
contemporain...

Justement, tu continues à photographier des femmes à
poil ?

Mais non ! La nudité m’intéresse peu, j’ai toujours
attaché beaucoup d’importance aux accessoires... qui
enveloppent, immobilisent les corps... Accessoires
médicaux en l’occurence ! C’est un fétichisme
"orthopédique", où les femmes ne sont pas kidnappées
par un quelconque dominateur comme dans le bondage,
mais sont simplement convalescentes.

Avec leurs bandelettes, leurs minerves et leurs
hématomes si sexys, selon toi... Tu es d’ailleurs
l’inventeur de ce "medical art" qui t’a rendu célèbre,
au Japon plus qu’en France. Tu y vas toujours ?

Beaucoup moins depuis que l’écriture me prend
davantage de temps.

Mais tu en as ramené ta femme, non ?

Non, je l’avais rencontrée à Paris, dans un atelier de
gravure. Et je suis fier de notre fille eurasienne,
qui est traductrice de mangas.

En BD, t’as des nouveautés ?

Non, on trouve ce que j’ai fait en stock chez
Futuropolis...

Son actu :

Qui se souvient de Paula ?, chez Syros (collection Rat
Noir)
Mortelle résidence, aux éditions du Masque
Peur(s) du noir, actuellement encore dans quelques
salles

Une interview réalisée en partenariat avec
MARSEILLE LA CITE, bimensuel