La mal-vie gagne de plus en plus les campus algériens

La mal-vie gagne de plus en plus les campus algériens

Le débat autour des bourses universitaires accordées aux étudiants algériens refait surface ces jours-ci et suscite pas mal de remous sur les campus. Aujourd’hui face à la cherté de la vie et à la détérioration du pouvoir d’achat, les étudiants semblent plus que jamais confrontés à la mal-vie. Dans ce contexte, beaucoup d’entre eux, qu’ils soient affiliés ou non à des organisations estudiantines, lancent un cri de détresse et appellent à une augmentation de la bourse universitaire.

Ne dépassant guère le seuil des 2700 DA, le montant actuel de la bourse universitaire est considéré par la majorité écrasante des étudiants comme étant « dérisoire ». « Cette bourse ne nous suffit même pas pour acheter des livres. En plus, elle n’arrive pratiquement jamais à l’heure. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas reçu le montant du dernier trimestre de l’été. C’est-à-dire plus de 4 mois de retard ! Sincèrement, moi personnellement, je n’ai jamais compté sur cette bourse pour m’en sortir », confie Manel, 22 ans, étudiante en langue Espagnole à la faculté de Bouzaréah. « Le dernier des dictionnaires coutent aujourd’hui pas moins de 4000 DA. Pour me procurer ces ouvrages qui sont indisponibles dans les bibliothèques de nos facultés, je suis obligée de travailler en parallèle. C’est la seule solution même si cela risque de mettre en péril mes études », ajoute notre interlocutrice qui nous apprend au passage qu’elle s’occupe des enfants dans une crèche pour pouvoir s’offrir les livres qui lui sont indispensables dans son cursus universitaire. Nawel, 23 ans, étudiante en Anglais partage également la vision de sa camarade. Originaire de la wilaya de Médéa, elle réside à la cité universitaire d’Ouled Fayet. « La bourse pour moi, c’est vraiment une honte. Que voulez-vous que je fasse avec ces 2700 DA ! Ils me suffisent à peine pour acheter un pantalon et de la nourriture. Depuis plus d’une année, j’aide une mère de famille à faire le ménage dans sa maison. En échange, elle me donne quelques sous qui me permettent tout de même d’être à l’abri du besoin et de ne pas d’aller mendier », explique-t-elle.

Rabah, pour sa part, il a préféré travailler la nuit comme pizzaiolo à Ben Aknoun, tout prés de sa résidence universitaire. « Je suis originaire de la Kabylie et cela fait plus de trois ans que j’étudie ici à Alger. Ma famille a des revenus très modestes et ne pouvait en aucun cas m’aider à couvrir mes besoins ici dans la Capitale. J’ai décidé des lors de retrousser les manches et de travailler pour m’en sortir tout seul. Mais cela n’est guère facile. J’étudie le jour et je bosse la nuit. Depuis deux ans, je mène ce rythme infernal. Cela m’a déjà couté une année de mon cursus puisque l’année dernière je n’ai pas pu réussir mes examens. Je dois dire que j’étais vraiment dépassé par la cadence que m’imposait mon boulot », raconte-t-il avec beaucoup d’émotions dans le regard. « Je mène une vie de galère. Mais que voulez que je fasse. Des amis à moi se trouvent dans une situation bien pire que la mienne. Si dans ce pays le gouvernement pensait un peu à nous, il augmenterait au moins le montant de cette minable bourse. Ce n’est pas l’argent qui fait défaut avec tout ce que le pays gagne grâce à ces richesses, mais c’est bien la volonté politique de soutenir les étudiants qui est inexistante », poursuite notre jeune interlocuteur avec un timbre d’amertume.

Par ailleurs, force est de constater que les témoignages et les récits comme celui de Rabah sont légion sur les campus. C’est dire que la mal-vie s’est belle et bien installée dans nos universités. A cet effet, les étudiants n’hésitent plus à mettre les pieds dans un monde de travail qui ne se montre nullement compréhensif à leurs attentes. « Les étudiants sont fragiles quand ils travaillent pour pouvoir poursuivre leurs études en parallèle. Ils sont souvent la cible facile d’entrepreneurs véreux qui ne font pas mine de leur situation. Ainsi, plusieurs de mes étudiants ont travaillé dans des chantiers et ce dans des conditions difficiles pour se mettre à l’abri du besoin. D’autres se débrouillent comme ils le peuvent en proposant divers services dans leurs cités : traitement de texte, impression, cours de soir…etc. Cependant, de cette dégradation des conditions de vie, s’en est suivie de dangereux fléaux qui ont pris des proportions alarmantes notamment la prostitution estudiantine », relève M. Bachir, responsable à l’université de Blida qui nous signale par la même occasion qu’une éventuelle revalorisation de la bourse universitaire « permettra certainement à tous les étudiants se trouvant dans une situation difficile de souffler un peu ».

Enfin, de leur côté, les organisations estudiantines brandissent la menace d’un large mouvement de protestation qui touchera dans les jours à venir les bancs de l’université. « Nous n’avons jamais cessé de revendiquer une augmentation de la bourse. 900 DA par mois est vraiment une somme ridicule. Cela suffit à peine pour acheter les tickets des restaurants universitaires. Or, il est clair que les besoins de l’étudiant algérien sont plus importants que cela. A cet égard, nous avons tenu deux réunions depuis le début de cette année pour souligner encore une fois l’urgence de l’augmentation de la bourse universitaire. Mais, les autorités ne daignent toujours pas à ne répondre favorablement. C’est pour cela qu’un important mouvement de protestation verra le jour d’ici la fin avril sur tous les campus », prévient un responsable de l’UNEA.