Cataláa, une autre manière de créer

Cataláa, une autre manière de créer

Cataláa ne renie pas le monde violent dans lequel nous vivons aujourd’hui. Elle en fait partie. Mais elle tente à chaque fois d’y répondre par des œuvres adaptées aux circonstances. Et qui, regroupées, forment son monde en marge.

Dans le début des années 1950 les esprits se révoltèrent. Les artistes n’entendaient plus se laisser dicter la marche à suivre. Si bien que la sensibilité artistique gagna aussi l’architecture. Les peintres et les sculpteurs passèrent à la dimension monumentale des œuvres. Les frontières tombèrent. Très rapidement, on ne sut plus qui influençait qui. Vive la mixité ! Et de cette union, apparemment contre nature, naquit une reine. Françoise Cataláa. En effet, chez cette artiste, il est difficile de faire la part du sculpteur de celle du graphiste. Comme de celle de l’architecte. Car elle a le don du mélange des genres. Elle nous offre ce vent de liberté qui nous fait cruellement défaut. Car, depuis 1950-60, le compartimentage des rôles et des fonctions a de nouveau imposé sa loi scélérate. Mais la reine n’en a cure ! A l’encontre de cette sclérose intellectuelle, Cataláa, dans son œuvre, traverse toutes les disciplines. Avec un joli pied de nez aux gardiens du temple. Elle réussit d’ailleurs à merveille ce passage permanent d’un art à l’autre. Preuve de la bêtise de la mode actuelle …

Lorsque l’on se plonge dans ce monumental ouvrage on ne sait comment qualifier cette œuvre magnifique. Etonnante. Troublante. On voit Cataláa architecte. Puis on la découvre faisant œuvre de lettriste engagée. Quelques pages plus loin elle se révèle peintre. Elle vagabonde ici et là. Mais elle ne néglige rien ! Son travail est toujours serré. Réfléchi. Discipliné. Et si éloigné du sens du vent de la mode …
Et si libre aussi des clans, des concepts … Elle n’œuvre pas pour satisfaire une idéologie. Un culte. Une esthétique. Les ambitions de Cataláa vont bien au-delà de cette harmonie esthétique. Elles vont vers le mystère. Vers les questionnements sur l’existence. On ne peut s’empêcher de ressentir, même dans la plénitude formelle de ses œuvres, une angoisse. Une inquiétude. Une révélation du vide que l’art seul n’est pas capable de combler. Ou si peu …

Un monde qui trace une voie personnelle. Un monde qui réagit à toutes les insuffisances de nos vies.
Y réussit-elle à chaque fois ? Pas toujours. Mais elle nous donne toujours une porte de sortie. Une idée. Une pièce-réponse …
Doit-on alors voir en son travail une dimension métaphysique ? Sans aucun doute. C’est une œuvre souveraine qu’elle nous lègue. Une œuvre suffisamment forte pour nous sauver de nos doutes. Une œuvre cosmopolite et protéiforme. Donc universelle.

Pour nous l’expliquer, ces entretiens avec le philosophe hollandais Dolf van Schyndel. Alias Exsilio-. Un dialogue à bâtons rompus qui porte sur les créations originales de parcours à échelle urbaine de Cataláa. Mais aussi ses conférences dans les universités étrangères. Ses expositions d’installations où le sculptures monumentales se déploient souvent en sept éléments. Un chiffre choisi pour son universalité. Une orientation qui lui permet de fonder son travail sur une constante recherche entre art et ville. Entre arts premiers et art contemporain qu’elle confronte à des référents comme le temps. L’utopie. La déconstruction. La répétition.

Ce livre remarquablement construit et réalisé est surtout une véritable source de réflexion et d’échanges autour de l’étude des civilisations de tradition orale. Sans oublier la philosophie et la musique contemporaine. L’astrophysique et la géologie. Mais aussi la littérature et la botanique … On voit combien Cataláa est omniprésente. Et si curieuse de tout, qu’elle souhaite associer tout ce qui permet de donner un sens à la vie à son œuvre … Elle aura alors une source d’inspiration inépuisable. Pour notre plus grand bonheur.

Exsilio-, Cataláa – Libre parcours, coll. "Art contemporain", 291 illustrations couleurs, 118 illustrations noir & blanc, 240 x 270, Thalia Edition, septembre 2007, 280 p. – 39,00 €