QUAND LE TEMPS ETAIT MOBILE…

QUAND LE TEMPS ETAIT MOBILE…

Romans, essais, théâtre : Claude Mauriac (1914-1996) a laissé une œuvre riche et variée. Un livre intitulé « Quand le temps était mobile – Chroniques 1935-1991) » retrace le parcours d’un journaliste qui a su épouser son siècle. Ses chroniques, qui s’étalent sur un demi-siècle, s’avèrent d’une surprenante modernité !

Parfois, la fée Littérature semble bercer certains destins… comme celui de Claude Mauriac. C’est le fils de François Mauriac, un des grands écrivains du XXe siècle, auteur de l’émouvant « le Sagouin ». Par sa femme Marie-Claude Mante, Claude Mauriac est apparenté… aux Proust et aux Rostand !
Il est l’auteur du « Temps immobile », un cycle autobiographique en dix tomes - un Journal, passé à la postérité comme celui du Suisse Amiel ou des frères Goncourt. A la lecture de ces Chroniques, dont l’édition est établie par Jean Touzot, Claude Mauriac nous apparaît comme un être curieux de tout, jetant un regard à la fois sensible et retors, parfois candide, sur le monde et ses contemporains illustres.

Cinéma, théâtre, peinture, poésie, philosophie, littérature, politique… ce Claude Mauriac enlace, engloutit tout, avec sans doute cette ivresse propre aux journalistes écrivains pour qui le monde constitue surtout une excitante énigme à percer. Son style, sa démarche analytique et ses goûts éclectiques font de lui un de ces grands intellectuels du XXe siècle à la Moravia. Lui-même en a côtoyé bon nombre. Ainsi « Quand le temps était mobile » offre d’éloquents « portraits-souvenirs » de Gide, Sartre, Aragon, Nimier et Malraux. Quant à de Gaulle, dont il fut le secrétaire particulier, il reconnaît en lui un « génie » supérieur à celui de Valéry ou de Gide.

Un élégant style émane de ces chroniques parisiennes, cinématographiques et autres. Dans un constant désir de relater la vie, Mauriac jette un regard tout naturaliste sur le monde comme ici dans une courte description : « Assise entre Raymond Queneau et Denis de Rougemont, une mince jeune femme lymphatique [Carson McCullers], vêtue d’un costume en velours, promène sur le bar du Pont-Royal son regard frisé. »

Parfois les chroniques de Mauriac dégagent une poésie légère et cosmopolite. A l’approche du premier festival cinématographique de Cannes, il écrit : « […] Déjà brûlé de soleil et de sel, je regarde depuis cette terrasse la baie paisible étendue dans le bras replié des montagnes et toutes les lumières de la ville. La rumeur étouffée d’un jazz lointain arrive, mêlée à une odeur prenante de résine et de thym et aux stridulations insistantes des cigales […] ».

Avec plaisir, on lira ces chroniques d’un homme surfant entre journalisme et littérature, essayant d’une certaine manière de faire partager sa vision - nuancée et généraliste - d’un monde qu’il tente de comprendre.

Claude Mauriac, Quand le temps était mobile Chroniques 1935-1991
Edition établie par Jean Touzot, 343 pages, éditions Bartillat, 2008. Prix : 22 euros