Suite & fin de la Sécurité sociale

Suite & fin de la Sécurité sociale

Emmanuelle Heidsieck signe, avec Il risque de pleuvoir, la chronique de la mort annoncée de la Sécurité sociale. Signe des temps ou impératif économique indispensable à une tentative de survie du système français ? Là n’est pas son propos, par contre, elle dénonce les manigances des compagnies d’assurance qui complotent dans l’ombre pour faire main basse sur les données médicales, cheval de Troie qui mènera les troupes libérales à la mise à mort de l’administration. Glaçant. Révoltant … et tellement prémonitoire.

D’autant que l’on n’a toujours pas oublié son précédent opus, Notre aimable clientèle, qui, en 2005, démontrait l’ambiance délétère qui régnait à l’ANPE et annonçait avec force détails la fusion ASSEDIC/ANPE que … le gouvernement Fillon vient de mettre en place. Emmanuelle Heidsieck a été journaliste d’investigation dans le domaine social pendant de longues années, elle sait donc parfaitement de quoi elle parle.

Une nouvelle fois, elle choisit la fable, plutôt que l’essai pesant, pour nous narrer par le menu les manières de voyou dont AXA et AGF, pour ne pas les nommer (mais les clés sont facilement repérables), font preuve pour mener batailles pour saborder le navire amiral. Et cela a débuté avec la carte Vitale : ce que personne n’a semblé remarquer mais qui m’a profondément choqué, c’est que les données personnelles qui vont, grâce à l’informatique, de votre médecin au centre de la Sécu puis à votre mutuelle, toutes ces données transites par des serveurs Vivendi. Hé oui, l’opérateur est privé, les tuyaux sont privés, et les données stockées chez l’une des pires multinationales qui soit. Pourquoi avoir laissé faire ? Voilà la bonne question. Le vers est donc dans le fruit. Un simple décret et Vivendi aura le droit de décrypter les données et ffffuittt ! disparu l’anonymat. On aura alors un joli fichier marketing qui sera vendu au plus offrant … Et ne comptez pas sur la CNIL qui n’a aucun pouvoir coercitif et qui est aux ordres d’en Haut.

Astucieusement montée, cette satire réjouissante à lire malgré la gravité du propos, se déroule sur une paire d’heures, le temps d’une messe d’enterrement (sic) de première classe. Dans le gratin de l’assurance l’on meurt aussi, et, PDG, conseiller référendaire, ministre et directeurs de filiales, se retrouvent autour du cercueil de la sœur de l’ex-femme d’Antoine Rougement, lequel rumine pour tuer le temps car les mouvements de foule l’on placé pille face à l’un des piliers de l’église. Il ne voit rien, entend mal et s’énerve à contempler sa belle-famille décomposée, ses enfants, ses cousins … ses collègues surtout, cette brochette de jeunes loups que rien n’arrête. Passent alors en revue les derniers colloques, les petites phrases rapportées qui, remises dans leur contexte, dessine la carte des grandes manœuvres. L’on se régale à remettre en place les véritables patrons à peine pastichés, et l’on finit par rire jaune de voir Claude Bébéart en fin stratège depuis son terrain de golf … Citoyens, il y a le feu aux écuries, et, non, madame la Marquise, tout ne va pas bien !

Ce roman de salubrité publique devrait, lui aussi, être remboursé par le Sécurité sociale, à n’en pas douter. Il doit surtout être lu par le plus grand nombre car, après la trahison du traité de Lisbonne qui a eu lieu le 4 février 2008 lors du vote des félons à Versailles qui ont spolié la voix du peuple qui s’était prononcé contre ce traité fédéraliste, il convient que les Français sachent à quelle sauce ils vont être mangés. A eux de faire pression sur leurs élus pour qu’ils comprennent qu’un vote sanction est possible aux prochaines échéances législatives si l’on ne veut pas se retrouver comme aux USA où plus de 40 millions de personnes n’ont pas accès aux soins de santé car ils ne peuvent pas s’offrir le luxe de payer dix mille dollars par an aux compagnies privées …
Même s’il est de notoriété publique qu’il y a des abus, que les Français sont les champions du monde de la surconsommation de médicaments, il existe des moyens pour pister ces malades du cachet et "chasser" les hypocondriaques afin de mieux les cerner et d’agir fermement, voire les sanctionner ; mais pour cela il faut une réelle volonté politique. Ce n’est pas en livrant le bébé aux ogres du Libéralisme que l’on sauvera le système, bien au contraire. On enrichira quelques actionnaires et on laissera mourir les indigents, joli retour en arrière pour un pays qui n’arrête pas de donner des leçons au monde sur la manière de gérer la cité tout en laissant dépérir les siens.
Autre signe du mouvement en marche, l’UNESCO, dont le siège est à Paris, qui avait son système de sécurité sociale intégré à la caisse de l’ONU, a vu, il y a deux ans, sa caisse être fermée pour être remplacée par une société privée. Et que pensez-vous qu’il advint des cotisations ?

Comme le dit Antoine Rougemont à la page 113, ce que l’on "a tendance à oublier, c’est que dans le cas d’une assurance privée, la prime est fonction du risque que l’on représente, et le versement fonction de ce que l’on a soi-même payé ; alors que la cotisation à un système collectif comme la Sécurité sociale dépend des revenus et instaure une solidarité entre malades et bien portants, entre jeunes et plus âgés."
C.Q.F.D.

Emmanuelle Heidsieck, Il risque de pleuvoir, coll. "Fiction & Cie, Seuil, février 2008, 125 p. – 15,00 €