Mérovée, le roman de Nicolas Jones-Gorlin

Mérovée, le roman de Nicolas Jones-Gorlin

Cinq ans après la sortie controversée de "Rose bonbon", dont on avait trop parlé pour de mauvaises raisons, qui avait, en partie, éludée et niée le propos littéraire pourtant tout à fait pertinent et audacieux de son auteur, Nicolas Jones-Gorlin nous revient avec un roman qui a pris le nom d’un roi guerrier mérovingien. Le jeune écrivain continue son expérimentation romanesque autour du mal, et de l’interdit du Désir avec un grand D.
"Mérovée" c’est presque un nom de code d’un autre âge, c’est en tout cas dans ce roman l’appellation d’une entité raciste au sein de la Police française, le groupe Mérovée dans lequel une poignée de flics tentent d’imposer leur loi sanguinaire au nom de la supériorité de la race blanche.

Leurs victimes : les arabes de la cité de Montvermeil. Vous pensez entrer de plein fouet dans un roman noir mais non, mais en fait tout cela n’est qu’un décor car c’est une improbable et paradoxale histoire d’amour homosexuelle qui est l’enjeu de ce livre dur, viril, violent au pays des ratonnades d’un nouveau genre, et des luttes de pouvoir idéologiques.

On se fiche de savoir si cette histoire est réaliste, toujours est-il que d’emblée on entre dans cet univers glauque, dans ce monde sans pitié où notre jeune héros Jean, pd honteux auprès de sa hiérarchie et surtout de ses collègues recherche la figure du Père à travers un bon papa gâteau en apparence mais qui devient aussitôt cagoulé la pire des ordures, le plus détestable des fachos anti-arabes, anti-bougnoules ; Raymond.

Nicolas Jones-Gorlin frappe là où ça fait mal, il s’attaque à plusieurs tabous à la fois, on est chamboulé par cette descente aux enfers qu’on n’a jamais vu dans un film policier ou un autre livre.
Ce que dit le roman ne peut être dit dans un autre support.
Nicolas Jones-Gorlin a du style, il est inventif, il maîtrise les mots, les dialogues et met même certaines phrases dans des encadrés en forme d’interdit, comme ceux mis en exergue par la Morale.

Le narrateur est un hors milieu qui doit se faire accepter par son groupe, lui qui vient de la campagne et qui a dû vivre ou survivre avec son inclination sexuelle dans un milieu rural après qu’il fût découvert entrain de rouler une pelle à son cousin habillé comme Les Cure.

Le désir, l’amour, la haine sont traités de manière efficace, radicale comme le milieu dans lequel les personnages évoluent.

Jean, le flic qui n’a pas le droit de montrer qu’il désire les hommes est confronté au pire des dilemmes, à l’amour impossible lorsqu’il croise les yeux de biche du beau Rachid, une petite racaille du quartier.

Nicolas Jones-Gorlin transpose presque la même thématique que Roméo et Juliette en version gay dans un commissariat de Police.
Rien n’est plus saugrenu et improbable mais c’est dans cela que nous entraîne l’auteur avec une belle énergie, et cela fonctionne à merveille. On est "happé" dans l’histoire, on brûle de savoir si les amants seront oui ou non réunis à la fin.

Qui de la violence du désir ou de la violence de la haine est la plus forte ? Peut-on aimer son bourreau ? Peut-on résister à l’amour même dans la pire des situations ?

Nicolas Jones-Gorlin a construit une nouvelle Tragédie moderne sous fond de culture séculaire, antique.

"Mérovée" est un grand livre sur le refoulement, sur l’affect contrarié, un roman d’amour noir, beau, à la violence maîtrisée qui donne du sens, même celui qu’on n’attend pas.

Il y a une force incroyable derrière chacune des lignes de ce livre qui brûle les idées reçues et les a priori.

A lire absolument.
Un jour ce livre sera un film, c’est écrit.

Mérovée, Nicolas Jones-Gorlin, Editions Léo Scheer, janvier 2008