In nomine patrie…

In nomine patrie…

La messe est dite. Sauf attaque orchestrée par Al-Qaeda sur les jardins de Le Notre, le 4 février prochain, les représentants du peuple Français ne représenteront plus rien. Et dire qu’il est encore quelques esprits chagrins pour s’en émouvoir.

C’est donc à Versailles, par un beau lundi de presque printemps, que nos parlementaires s’en iront bras dessus bras dessous pour modifier la constitution, étape préalable à la ratification du traité de Lisbonne au Sénat et à l’Assemblée Nationale. Bigre, l’affaire n’avait que trop duré.
A Versailles, rendez-vous compte ! Saisissant clin d’œil de l’histoire : la République s’immole là où elle conquit jadis sa flamme. Il m’avait toujours paru jusque là très singulier de réunir le Parlement dans l’antre de la monarchie absolue pour y adopter des modifications de nos institutions républicaines. Qu’on y aille cette fois pour les enterrer, voilà qui me semble conséquent.

Naturellement, l’alter-syndicale des indignés entend réunir ses ouailles. « Tous à Versailles ! » proclament-ils à l’encan sur les alter-sites des alter-citoyens de l’alter-mondanité. En républicain récalcitrant, que le peuple s’en aille dénoncer la trahison sous les fenêtres du Roi, au jeu de Paume ou à la Bastille, j’y trouve certes quelque réconfort. Le programme en revanche réanime de légitimes inquiétudes. « Rassemblement festif », tel est leur mot d’ordre. Festoyons, festoyons, il en restera toujours quelque chose. L’époque est à la gaudriole.

Mais revenons à l’essentiel. Comment désigner au plus juste une opération qui consiste à forcer quelqu’un à faire ce qu’il ne veut pas ? Un « viol », pour reprendre le substantif dont nous a gratifiés fort justement l’ancien directeur de cabinet du Général de Gaulle, Pierre Lefranc. Le 29 mai 2005, le peuple français avait rejeté largement le projet de traité constitutionnel européen. Le 4 février prochain, les représentants de ce même peuple français s’en iront adopter le traité de Lisbonne, dont Valéry Giscard d’Estaing soi même considère qu’il est une retranscription idoine du précédent. Dont acte.

Soyons miséricordieux. Nous savions bien qu’une majorité considérable des parlementaires s’était prononcée en faveur de ce traité. Et depuis fort longtemps, l’heure n’est plus au clivage en dépit du maintien des appellations. L’ouverture présidentielle n’est pas une innovation, c’est une consécration. Ce qui est singulièrement navrant cette fois, c’est qu’ils semblent assumer tranquillement et collectivement, le démenti de ceux dont ils procèdent. Ceux d’entre nous qui entendaient en découdre, ceux qui formulaient le secret espoir de raviver une dramaturgie pleine de rugosité et de grandeur en seront pour leurs frais. Silence radieux, la caravane passe et les caravaniers pourront entonner gaiment leur hymne à la noix.

Une fois est désormais coutume, nous atteignons les sommets en terre poitevine. Entre deux confidences de série B, l’égérie de la France présidente trouve soudainement fâcheux que la France préside : « la procédure d’adoption, parlementaire ou référendaire, n’est plus une question de principe ». Outre que l’on goûte désormais toute la saveur d’une démocratie participative qui fut autrefois au principe de la question, Ségolène Royal relègue la préoccupation de la souveraineté du peuple à une affaire de procédure. Un truc technique avec lequel vous êtes prié de ne pas chipoter.

Mardi 5 février, la campagne des municipales reprend ses droits. Les citoyens doivent faire entendre leur voix. On appelle à la mobilisation des électeurs, parce qu’en démocratie « ne laissez pas les autres décider à votre place ».

Une démocratie moderne consiste à déposer un bulletin de vote dans une urne. Une urne funéraire.