Jérome Kerviel et la Société Générale : un ancien Trader démonte l’Affaire (interview)

Jérome Kerviel et la Société Générale : un ancien Trader démonte l'Affaire (interview)

Un ancien Trader qui connaît bien les mécanismes financiers donne, sous le couvert de l’anonymat, son avis personnel sur l’affaire qui agite les médias et les milieux financiers et bancaires depuis quelques jours.
Un avis de spécialiste qui fait radicalement changer notre vision sur cette Affaire...

Que pensez-vous de l’ampleur de la fraude révélée par la Société
Générale ?

Je n’y crois pas, en ce sens que l’arbitrage entre les indices et les
futurs ne permet de dégager que quelques points de bases de gains par opération. Donc, il faut spéculer sur de gros volumes.

Ainsi,
la banque, doit honorer ses engagements sur
les contrats futurs par un appel de marge à hauteur de 20% de leur
valeur faciale. Pour un trader dont le volume d’affaires est de
l’ordre de 20 millions d’euros, il serait possible de dissimuler ses
positions à hauteur quelques % de ces 20 millions, pour peu que la banque ne pointe
pas sa trésorerie, ce qui paraît déjà invraisemblable, mais
comment aurait-il pu mettre la banque à contribution de 50 milliards
d’euros ?

L’ampleur des pertes de la banque vous paraissent-elles également
hors de propos ?

Lorsque la banque a découvert les positions présumées frauduleuses de
Jérôme Kerviel, elles étaient en perte d’un milliard d’euros environ.
Lundi 21 janvier, les bourses ont chuté de 7% environ, donc on peut
raisonnablement estimer que la Société Générale a vendu ces positions
en perdant peu ou prou 5%. Leur liquidation aurait alors entraîné un
peu plus de 2 milliards d’euros de perte, mais pas 4,9 milliards,
soit plus du double !

On décrit Jérôme Kerviel comme un trader solitaire, ayant tout
manigancé dans son coin, qu’en pensez-vous ?

C’est incroyable : on ne travaille pas en cachette dans une salle des
marchés ! Je ne crois pas qu’on puisse tenir tout seul des positions
de cet ordre. Qu’on soit gagnant ou perdant, on ne garde pas tout ça
pour soi… Ce n’est pas un comportement humain. Je crois plutôt qu’il
a travaillé de concert avec ses supérieurs, qu’ils ont patienté
quelque peu en espérant que les positions remontent, et ils ont coupé
les positions après les avoir doublé ou triplé, mais trop tard, et tout est tombé par
terre… Les pertes étaient devenues trop importantes et il n’était
plus possible de les masquer. Il aurait alors fait le fusible…

La Société Générale a prétendu que Jérôme Kerviel avait caché une
entreprise fictive à l’intérieur de son ordinateur, qu’en dites-vous ?

C’est d’abord une interprétation qu’on a donnée pour donner à la
presse et à l’opinion une idée du mécanisme de la fraude. En fait, il
s’agit d’une contrepartie fictive, mais je n’y crois pas du tout. Il
faudrait pour cela que la banque ait une confiance aveugle dans ses
clients. Elle ne respecte donc pas les procédures contre le "blanchiment" que n’importe qui puisse intervenir avec la banque pour
caution, comme ça, sans K-bis, sans montrer patte blanche. C’est
contraire à tous les principes, et le premier d’entre eux est "know
your customer"… Les banques ont toutes des garanties sur ceux pour
lesquelles elles agissent et surtout les contreparties.
Voila.

Voir la chanson "Société Générale" par Monsieur Valentin