Frédéric VIGNALE, l’électron libre

Frédéric VIGNALE, l'électron libre

Il se dit égocentrique et individualiste, et pourtant il est altruiste, il fait vivre ses créations en les distribuant généreusement. Héros malgré lui du livre de Damien Perez (L’opportuniste), Frédéric Viniale s’est fait connaître en étant le webmestre de Marc-Edouard Nabe, Beigbeder et bien d’autres. Collagiste de talent, remarqué pour son site War-Art « un collage, un texte par jour » depuis les attentats du 11 sept, (avec les poèmes de Carole Zalberg), il fait de l’art un combat politique en témoignant de son époque. Des "peoples" à la rue, de provocs en coups de gueules, il est toujours en perpétuelle révolution. "Artiste polysémique" comme il se décrit lui-même, touche à tout et insomniaque, il ne revendrait pour rien au monde son énergie. Plongée dans son œuvre compulsive, jubilatoire et poétique.

LK : Vous créez et participez à des dizaines de sites littéraires et artistiques, vous avez une activité artistique frénétique, mais quel est donc votre moteur, votre carburant ? Qu’est-ce qui fait courir Viniale ?

FV : J’ai une peur panique de ma propre mort et cela depuis l’enfance. Le temps est le seul ennemi contre lequel je ne peux raisonnablement pas lutter, j’essaye donc d’avoir milles vies virtuelles et artistiques. Si par un malheur extrême et regrettable le destin stoppait un jour ma vie, j’aurais fait tout mon possible pour témoigner sur mon époque, j’aurais été aux bout de mes rêves et désirs et je n’aurais rien à regretter.

Le net est une véritable passion pour moi, c’est un outil magique et jubilatoire qui permet de propager ses idées, ses concepts et ses images d’une manière fulgurante, grâce à lui j’ai fait et je continue à faire des rencontres formidables, j’ai atterri à la télé dans une émission de TF1 puérile mais mythique, j’ai participé à plusieurs livres et de nombreuses aventures artistiques et humaines. C’est l’outil idéal pour le touche-à-tout chronique, sensible et pénible que je suis. J’ai ainsi deux vies parallèles qui font mon unité et ma cohérence, une vie personnelle et familiale et une existence cybernétique protéiforme.

La mort est donc, par un saisissant raccourci, mon principal moteur de vie et de créativité, je travaille souvent la nuit entre l’ordinateur et le poste de télévision allumés - mon autre grande passion avec le cinéma. Dans un premier temps j’ai réalisé gratuitement des sites Internet sur les écrivains connus et inconnus que j’aimais et qui étaient boycottés sur la toile : Beigbeder, Moix, Sollers, Besson, Dustan, Laborde, Houellebecq, Siguret, Zalberg..., ces sites ont connu un très gros succès public et critique, de nombreux articles de presse et m’ont fait remarqué. Depuis je suis passé à autre chose et je privilégie mes sites personnels ou " collaborationnels ", j’ai juste lancé une mode, un processus qui n’a désormais plus besoin de moi. Ce qui me fait courir c’est ma curiosité insatiable, j’ai soif de tout, tout m’amuse, cela va de Loft Story en passant par Max Pecas, Ingmar Bergman, David Pujadas ou Arlette Chabot. Je suis juste allergique au sport et surtout au Football. Si vous voulez me rendre malheureux enfermez-moi dans des vestiaires de sportifs imbibés de haine, d’alcool et de fanatisme.

J’ai une activité créatrice ou créative frénétique car j’ai besoin de me lancer de nouveaux défis très souvent, de passer d’un projet à un autre très vite, tout doit être rapide et intuitif dans mon approche de l’art. Je suis malheureusement assez intolérant envers les gens qui n’ont pas le même rythme que moi, qui ne sont pas dans cette urgence, dans cette fêlure originelle...

Vous avez créer votre premier collage grâce aux mots de Jean Tardieu. Quel était ce déclic ? Quelles incidences à eu cette expérience sur votre création ? Cela veut-il dire que depuis, vos collages sont étroitement associés à la poésie ?

Oui je dois tout (en tout cas ce que je suis aujourd’hui), en quelque sorte, à Jean Tardieu et à son recueil "Le fleuve caché" et d’une autre manière à Orson Welles et à son "Citizen kane". Le poème de Tardieu qui a fait le déclic c’est le " célébrissime " " la môme néant " et le collage a été acheté de suite une belle somme et je ne l’ai jamais revu.

Vous dites que vous êtes " poétiquement incorrect ", comment cela s’exprime-t-il ?

Oui c’était un mauvais jeu de mot de mon tout petit passé de poète du dimanche, cela fait quelques années que j’ai arrêté d’écrire des poèmes et je continue juste à gribouiller des chansons pour quelques chanteurs, souvent sous pseudo. C’est vrai que j’adore les polémiques, les provocations, les guéguerres, les alliances, les contre-alliance, les campagnes, les luttes de clocher... et pour cela le net est un terrain de jeu magnifique.

J’ai été de nombreuses fois menacé de mort par des fascistes, des fans de Houellebecq ou des adorateurs de Jean-Pascal de Star Academy. C’est ce qui arrive au trublion libertaire que je suis, lorsqu’il est énervé par quelque chose d’important ou de dérisoire, c’est une de mes particularité pathétique j’en conviens bien. Je suis réactif, passionné, excessif, énervent, je n’y peux rien, je suis comme cela depuis tout petit et cela ne va pas en s’améliorant, je peux être très cynique et très moqueur aussi.(mon dieu quel caractère !)

Je suis profondément dans mon siècle mais aussi très souvent en décalage, je prends un malin plaisir à ne pas faire comme tout le monde, à ne pas penser comme mes semblables. Une manière sans doute pour le jumeau que je suis de montrer à la face du monde que je suis un être unique. L’art c’est un belle manière de lutter contre les drames intimes de son enfance.

Ma seule quête est une croyance totale en cette belle utopie qui s’appelle la liberté. L’argent ne m’intéresse que pour cette finalité-là. Quand on a de l’argent, on a du pouvoir et on fait ce que l’on veut, mon rêve est donc de changer de métier tous les deux mois et de dire " ok j’arrive " à toutes les choses qui font vibrer ma fibre artistique. Cela peut paraître " mégalomaniaque " mais je crois que c’est de la bonne mégalomanie tournée vers les autres plus que vers moi-même car je m’intéresse moins que ceux que je croise et qui ont les yeux qui pétillent. Le pire ce sont les gens qui critiquent systématiquement et qui ne font rien de leur vie.

Mon but n’est pas de faire une œuvre mais de repousser sans cesse mes propres limites par le prétexte extraordinaire de l’art. Nous sommes TOUS artistes potentiels, je suis juste quelqu’un qui le revendique et l’assume. Qu’on laisse à tous les artistes le droit de rêver à être des Picasso, de Proust ou des Bacon, c’est le droit le plus absolu même si ce n’est pas toujours vrai...

Propos recueillis par Laurence Konieczny

Propos recueillis par Laurence Konieczny