Théâtre : JEAN LA CHANCE

Jean la Chance ? bonne pioche ! Actuellement l’on peut voir la pièce peu connue de Bertolt Brecht – écrite en 1919, en même temps que « Baal » et « Tambours dans la nuit » – au Théâtre Antoine Vitez d’Ivry. Avec talent, Jean-Claude Fall nous offre là un beau spectacle nimbé de mots percutants et de sonorités étranges…

Comédie insolite, « Jean la Chance » peut s’interpréter comme un conte philosophique et poétique autour de la notion d’échange. En effet, le lunatique Jean échange sa ferme contre deux charrettes (la liberté), une charrette contre l’amitié, la seconde contre un manège (la joie), le manège contre une oie, l’oie contre la compagnie des hommes, ses habits contre un travail, son travail contre une autre amitié… Mais un échange sans réciprocité, une sorte de contrat virtuel, sempiternellement désespérant mais sans douleur métaphysique pour l’intéressé !

Personnage, naïf et trop bon – donc le parfait abruti et idiot du village -, il nous paraît néanmoins comme un personnage épique et fort, reflétant sans doute le pessimisme de Brecht.

Cet antihéros – interprété avec brio par David Ayala – s’avère plutôt du genre pacifique. C’est un Jean « qui rit et qui pleure », ne cherchant aucunement à combattre le monde. Au contraire, il serait plutôt dans le genre « offrande au monde » : femme, maison, charrettes…

« Tout part pour moi de l’axe de la pièce, à savoir le manège, la fête foraine, la musique », précise Fall.
De nombreux intermèdes musicaux (fanfare, chœur) ponctuent cette pièce au climat à la fois intense et flottant. La musique – d’inspiration tzigane – offre là un cadre propice aux errances des personnages. Et l’on songe parfois à l’univers cinématographique d’un Emir Kusturica. Quant au manège, réunissant musiciens et acteurs en une joyeuse et lyrique farandole, il apparaît dans la pièce comme un lieu symbolique majeur, à la fois lieu cruel et voluptueux, carrefour de toutes les destinées.

Jean la Chance nous évoque par moments le Jacques le Fataliste de Diderot : une certaine langueur lymphatique, la morose prédisposition pour les voyages sans fin. D’ailleurs, tous deux ne naviguent-ils pas, funambules, dans un monde matériel sans sens ? Mais Jean semble un funambule heureux. A la fin de la pièce, contre toute attente, il s’exclame : « Tout est si beau ! Tout est si beau ! »

Durée : environ 1 h 30

JEAN LA CHANCE de Bertolt Brecht

Mise en scène de Jean-Claude Fall

A l’affiche du 7 janvier
au 3 février 2008

mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20 h
jeudi à 19 h
dimanche à 16 h
relâche exceptionnelle mercredi 9 janvier/relâche le lundi

www.theatre-quartiers-ivry.com

Jean la Chance Quartiers d’Ivry au Théâtre Antoine Vitez 1, rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine Plan d’accès

Métro : Mairie d’Ivry (ligne 7)
RER C : gare d’Ivry
Bus : 182 arrêt Hôtel de Ville d’Ivry ou 125-323 arrêt mairie d’Ivry/Métro