Karl Zéro pointé du doigt !

J’avais des doutes, j’avais des craintes. Je m’en étais ouvert à l’animateur-journaliste du « Vrai Journal », un soir d’avril à Trouville. J’avais attendu le bon moment pour lui en parler. Je lui avais laissé le bénéfice du doute. Le temps que les choses se tassent. Je ne voulais pas qu’il dérape, et entraîne avec lui la crédibilité de toute une équipe dévouée. Manifestement, il m’a écouté sans m’entendre. Ni comprendre. Désormais certains faits, certains documents, prouvent qu’il s’est fourvoyé.
Récit d’une débâcle.

Fan de la première heure, j’étais toujours prêt à défendre Karl Zéro et son inimitable talent. J’étais le premier à lui vouer de l’admiration d’oser ainsi affronter l’establishment et les idées reçues. J’ai applaudis des deux mains lorsque le « Vrai Journal » est né. J’ai défendu son concept fait de véritables enquêtes entourées de pastiches et de burlesque. J’ai donc été le premier frappé par le traitement que Karl Zéro a donné à l’affaire Baudis.

Comment, lui qui n’avait pas hésité à dénoncer les stratagèmes, les alliances, les magouilles de ces salopards de Le Pen et Pasqua.
Lui, qui se battaient pour une information plurielle, juste, honnête.
Lui, qui vilipendait les charlatans des télévisions privées, des télévisions bétonnées de fric et qui n’en ratait pas une de dénoncer TF1, « la boîte à cons ».
Lui, drapé dans son costume de justicier, de pur, de gardien du temple …

Finalement, cet agitateur a succombé aux sirènes.
Ce dérapage est-il du au fait que Canal Plus n’est plus le producteur de l’émission ? Dois-je me laisser aller à un rapprochement entre le léger décrochage du « Vrai Journal » depuis que Karl a crée la Société du Spectacle, et qu’il est désormais producteur, et qu’il vend son émission à Canal ? A-t-il était touché par la grâce des animateur-producteurs qui ne respirent plus qu’en fonction du cachet ? du profit ? des annonceurs ?

Il y avait déjà eu une première alerte, le dimanche 27 avril 2003, quand le « Vrai Journal » diffusa la mise à mort de Daniel Pearl, dans son cachot misérable au Pakistan. Une scène gratuite, filmée par ses ravisseurs, où l’on assiste à la décapitation ratée du journaliste américain. Un intense moment d’émotion, du pur voyeurisme médiatique digne des chiottes d’une certaine presse à scandale. Pas digne de Karl. Je lui avais tout de suite laissé un message sur son portable, lui précisant ma stupéfaction et ma colère de le voir ainsi franchir la ligne rouge. Je m’en étais ouvert auprès de Dominique Baudis, qui fit la sourde oreille. Et je me suis étonné de ne pas entendre Bernard-Henri dénoncer ce procédé.
Trois bouteilles à la mer, dans le vide assourdissant du mépris et de l’hypocrisie.

Derechef, dimanche 8 juin, le tartufe de l’info, remettait le couvert - dans le cadre de l’affaire Alègre-Baudis, dont on sait aujourd’hui ce qu’elle vaut - sur le thème de l’abject avec la lecture en direct (l’émission est enregistrée le vendredi à la Maison de la Radio, ne plaisantons pas !) d’une lettre manuscrite écrite tout spécialement par le tueur fou depuis sa cellule. Et ce ton de franche camaraderie exposée ainsi, ces gloussements de basse-cour à purin que l’animateur grasseyait sur son tabouret, une ambiance digne de Minute & Détective réunis.
Et tout cela sans tenir compte des règles élémentaires du fonctionnement de la justice. Justice dont le troublion se moque comme de sa première chemise puisqu’il continua sur sa lancée la semaine suivante en passant à la question les deux témoins principaux, à savoir les deux prostituées qui accusent procureur, policier et élu de fomenter un réseau de prostitution sur Toulouse. La mince affaire !

Tout cela pue ! Je vous l’accorde. Alors pourquoi une chaîne nationale accepte-t-elle de diffuser ? Pourquoi devons-nous nous vautrer dans le fumier pour faire de l’audience ?

Coup de tonnerre, point d’orgue, cerise sur le gâteau … L’achat du témoignage, le prix à payer pour mettre en scène le sordide, l’immonde, la télé poubelle. Le prix ? 10 700 euro.
La preuve ?

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(fax de la banque OBC confirmant le virement de 10 700 euro à un garagiste de Toulouse effectué par la Société du Spectacle, société de production de Karl Zéro.)

Dans l’affaire Baudis, il y a des filles qui parlent, d’autres qui ne veulent pas parler, donc on les paye ; pour Fanny on lui offre une Wolkswagen le 11 juin, pour un entretien réalisé le 15, dans lequel on lui demande d’évoquer l’idée de meurtres d’enfants dans des soirées sadomasos.
Pour l’anecdote, M. Malaussenna, producteur, a fait valoir de son permis de conduire pour que l’achat ait lieu. Fanny n’en a pas. Elle a toujours roulé sans.

Voilà, la coupe est pleine. Canal Plus parle de « redresser la barre », de « valeurs positives », « d’éthique et d’intelligence » ; je vois surtout un navire qui prend l’eau, et un animateur qui est mort sur la route du succès, pavée de bonnes intentions, sans doute, mais aux virages trop serrés ; tenue de route défaillante, le bolide Karl Zéro s’est planté dans le décor.
Mort d’un pourri. Vive la télé !