Ces Algériens qui rêvent du réveillon…

Ces Algériens qui rêvent du réveillon…

Dans moins d’une semaine, une nouvelle année va commencer sous le ciel algérien. 2007 pliera ainsi ses bagages et laissera place à un 2008 dont nos citoyens espèrent de bien meilleures choses.

En Algérie comme dans d’autres pays, le réveillon du nouvel an est l’occasion de passer une soirée de bonne humeur en famille ou entre amis autour d’une table bien garnie.

Si cette année, les citoyens s’attendent à un renforcement du dispositif sécuritaire dans toutes les grandes villes du pays, cela n’empêchera pas visiblement que les fêtes de fin d’année se passent plutôt dans de bonnes conditions notamment dans la capitale où les habitants restent encore bouleversés par les terribles attentats du 11 Décembre.

Dans ce contexte, une seule question s’impose tout de même à l’esprit : le Nouvel An passera-t-il presque inaperçu cette année ? Pour y répondre, une virée dans les grandes artères d’Alger s’est avérée impérative.

A cet égard, il faut dire que, malgré une ville grouillante de monde, un commerce qui marchait à fond en cette journée où le soleil berçait ses admirateurs de ses rayons, peu de gens parlaient vraiment de la nouvelle année. Pourtant, la foule qui se pressait devant les étals des marchés ou dans les boutiques du centre-ville, semblait faire ses emplettes de fin d’année. En effet, une semaine à peine avant le réveillon, la quête des fruits et des bûches ainsi que les divers cadeaux est largement perceptible sur les visages des algérois. Néanmoins, un constat amer se lit aussi sur leurs traits et à travers leurs conversations : le pouvoir d’achat effrité obscurcit nettement les horizons de ces algériens qui rêvent d’un inoubliable réveillon 2007.

« En Algérie on ne réveillonne pas. On veille et on se réveille »

Trouver un bon restaurant « pour pouvoir y aller et réveillonner », dénicher un bon plan pour un voyage d’évasion, organiser des soirées entre amis, nombreux sont en réalité les inconditionnels du Réveillon qui n’ont pas encore établi le programme de la nuit du 31.

« Pour moi, le réveillon est une fête incontournable. On a passé une dure année, je crois qu’il est important de fêter l’entrée dans la nouvelle année 2008. C’est un moment de bonheur que le monde entier partage. Pourquoi devrions-nous se priver d’un tel évènement ici en Algérie ? », Se demande Khaled, 26 ans, étudiant, qui nous avoue au passage que l’ambiance pour cette année est on ne peux plus terne. « En Algérie, on veille et on se réveille, on ne réveillonne pas », affirme pour sa part, Walid, 24 ans, que nous avons croisé dans la rue Didouche Mourad. « Notre pays est l’un des plus ennuyeux au monde. Nous n’avons pas vraiment cette culture de la fête du réveillon. En plus, tous les prix ici sont hors de la portée d’un jeune comme moi. Des lors, j’ai décidé de me casser en Tunisie. Là-bas au moins, avec un bon groupe, on peut se permettre de vivre des moments de bonheur dans une ambiance fantastique », ajoute-il.

Des témoignages comme celui-là sont légion dans la communauté des jeunes « branchés » pour qui il est inconcevable de réveillonner en solo dans un cadre ennuyeux et qui plus est sous l’autorité parentale. En temps normal, ces jeunes se donnent rendez-vous dans des endroits discrets ciblés à l’avance, pour s’y donner à coeur joie et s’éclater au plaisir de la chanson, de la danse et des boissons alcoolisées à perdre la tête jusqu’au petit matin. Mais pour cette année, y compris pour les plus nantis, l’embarras du choix ne se pose même pas car entre les destinations algériennes et celles tunisiennes ou marocaines, les fêtards, ils se sont vite décidés.

En effet, passer le réveillon du nouvel an tout en profitant de l’ambiance festive et en garder un souvenir ineffaçable, tel est l’objectif majeur de ces voyageurs qui représentent, selon les estimations des opérateurs privés, pas mois de 10 % des touristes algériens. « La clientèle réveillon est assez exigeante. Elle ne cherche pas forcément le luxe et le top du confort, mais elle ne lésine pas pour autant sur les moyens afin goûter à une ambiance de fête exceptionnelle », nous confie d’emblée M. Rezig, responsable de l’agence GOFAST Travel à Alger centre. « Soyez sur d’une chose : la plupart de nos clients choisissent de réveillonner en Tunisie pour sortir de cette routine qui les étouffe quotidiennement. Il est de plus en plus impossible de trouver de l’évasion dans notre pays. L’Algérien qui veut fêter le réveillon cherche à se divertir et s’amuser. C’est l’exigence de base que nous soumettent tous les clients », explique notre interlocuteur.

Dans ce contexte, il est plus facile de trouver des offres pour des séjours à Hammamet, Sousse, Sharm Sheikh, Marrakech que celles proposant des randonnées au Sud algérien. « Les destinations ne sont plus intéressantes. C’est aussi simple que cela. D’abord, elles sont chères et même très chères. Un hôtelier algérien ne nous fait même pas une réduction de 10 %. Le tunisien, il peut aller jusqu’à 40 à 50 %. Ajoutez à cela, les prix des billets. Un Alger-Tamanrasset, ou un Alger-Ghardaia sont tout simplement inabordables. Et puis, soyons honnêtes, les algériens sont fascinés par l’Etranger. Quand on leur parle de paysages magnifiques au Sud, ils ne répondent directement que cela ne les intéresse pas. Ils cherchent avant tout à festoyer et à se régaler. Ce cadre là n’existe pas malheureusement chez nous », relève M. Rezig.

La grosse déprime des opérateurs

Cependant, plusieurs responsables de tours opérateurs nous ont concédé que l’atmosphère pour le réveillon de cette année n’est guère enthousiasmante pour les professionnels du tourisme. « On ne se bouscule pas au portillon. Elle est aussi simple que cela la vérité. C’est comme si les algériens ne pensent qu’à subvenir à leurs besoins quotidiens. On a bien senti cette réalité à travers les clients que nous côtoyons régulièrement. On a beau faire des efforts pour présenter des offres intéressantes, le pouvoir d’achat effrité de nos citoyens a tout gâché », décrète un responsable du Comptoir Algérien du Tourisme. « En 2005, nous avons réalisé des bonnes performances. Mais, depuis, le déclin est irréversible. L’Algérien devient de plus en plus pantouflard. En plus, la plupart de nos clients ont décidé de laisser passer le réveillon et économiser pour l’été », souligne-t-il.

Sur un autre chapitre, notre interlocuteur n’hésite pas à épingler que les responsables du secteur du tourisme dans notre pays. « Je suis révolté que je vois que les clients ne demande que offres à destination de la Tunisie. Il y a beaucoup d’opportunités à saisir dans notre pays, mais nous n’avons aucune culture touristique », s’écrie notre interlocuteur tout en ajoutant plus loin : « des hôteliers que nous avons contactés à Ghardaïa ne prennent même pas la peine d’organiser des excursions pour faire découvrir la région aux visiteurs. Nous sommes condamnés des lors à collaborer avec la société civile pour organiser des circuits. Ainsi, à Ghardaïa des familles louent des maisons traditionnelles et emmènent les visiteurs dans des randonnées. Ce sont vraiment des offres intéressantes, mais elles ne restent toujours pas très demandées car elles demeurent toutefois plus chères que les séjours en Tunisie. C’est vous dire que nous n’avons plus la capacité de rivaliser avec nos voisins. »

De son côté, Mohamed Mellah, chef d’agence à Dam Tour, ne se fait aucune illusion. « Nous avons décidé à notre niveau de ne pas investir sur les destinations locales car elles n’attirent guère nos clients », explique-t-il. Pour cette fin d’année, le produit phare de Dam Tour, l’un des plus réputés des opérateurs privés, est un séjour de 4 nuits et 5 jours à Istanbul. « Pour ce produit, nous n’avons pas trouvé des soucis pour le vendre. Jusqu’à aujourd’hui, nous sommes à 85 % de remplissage. Mais, il ne s’agit là que d’un groupe de 55 personnes. Pour les autres destinations, c’est vraiment la déprime », avoue M. Mellah. Selon ce professionnel, les principaux obstacles auxquels il est confronté un opérateur algérien consistent dans les prix des billets qui ne représentent pas moins de 65% du package et l’éternel problème des visas.

Enfin, cette année, en toute vraisemblance, on a guère besoin des sermons et harangues lancés çà et là, appelant à s’abstenir de fêter la nuit de la Saint Sylvestre, pour voir la plupart des algériens cloîtrés chez eux. Quant aux autres, ceux qui sont déterminés à célébrer vaille que vaille le Réveillon du nouvel an, ils le trinqueront certes avec moins d’exubérance, mais l’essentiel c’est qu’ils se sont quand même arrangés pour festoyer.