POPECK "râle pour vous". (Rencontre exclusive)

POPECK "râle pour vous". (Rencontre exclusive)

Une rencontre dans une grande galerie parisienne pour le Journal Le Mague : la
bonne humeur d’un grand comique aux goûts artistiques raffinés. Un
artiste insuffisamment médiatisé dont le succès auprès du public ne
se dément pourtant pas depuis de nombreuses années.

En privé il apparaît comme un interlocuteur au timbre discret et
recueilli. Cette intonation inattendue sait insuffler avec une
chaleur mesurée, mais prolixe, les dimensions de l’homme et celles de
son personnage. Il pose avec disponibilité pour la photo -
simplement : un faux bourru affable. Dans le prolongement d’une
oeuvre, d’un personnage tendrement moqué cachant à peine un
interprète digne, inclassable et énigmatique, dont la vie tout
entière est consacrée à son art..

« Je râle pour vous »

Un personnage unique dans le paysage comique : un parti pris
courageux d’agressivité miraculeusement sympathique. Le triomphe de
la distance dans l’intensité. Une confiance naïve -mais juste- au
discernement du public. L’audience a le « pouvoir séparateur »
capable de trier le « bon grain » du vrai .ou plutôt de la fiction
reconnue comme telle.

Jamais le personnage ne sonne faux grâce à la maestria
d’interprétation. Par un interprète tenu en retrait : un ange
gardien tireur de ficelle.

Il n’empêche : la marionnette est humaine avec ses sautes d’humeur et
ses réflexions incisives.

Un « vrai » construit, un vrai de situation et de personnage, un
vrai si vrai qu’il en est drôle.

L’humour opposé à la moquerie : ici on ne rit pas aux dépens
d’autrui . Sauf du personnage. Mais rien n’est grave car après tout
il n’est que râleur ; la méchanceté ne l’habite pas ; n’envahit pas
la salle . Personne ne s’y trompe et tout le monde applaudit après un
rire de bon aloi, un plaisir sain.

Peu présent à la TV mais tant pis . Il précise : « pas besoin
d’avoir un Molière : le public vous le donne » .

On peut cependant y voir un oubli de nos médias : allons Messieurs
les programmateurs : un petit effort - il vous le rendra au
centuple !

Ohé du strapontin !

Le strapontin : il accueille les heureuses victimes présentes à ses
spectacles . Admirable outil pour Popek car les salles sont
généralement combles . Il est le pendant de la standing ovation qui
conclut souvent les performances du maître.

Dans un Parcours poursuivi avec jubilation. Même s’il n’est pas au
rendez-vous de tous les media, il est toujours à l’heure pour
rencontrer un succès constant et généreux : la province et l’étranger l’accueillent avec chaleur.

Ici on vérifie les débuts : la confirmation des succès chèrement
arrachée dans les petits cabarets - tard devant un public alangui
voire indifférent. L’énergie dépensée pour réveiller et charmer des
spectateurs qui contemplent peut être leurs souvenirs à travers leur
verre .

Le comédien

Il a connu les planches es qualité . Pièces avec Edwige Feuillère ,
Valentine Tessier , Charles Denner, Sacha Pitoëff et a connu les
directions de Jean le Poulain et Jaques Rlesosner.

Il a ainsi forgé son propre chemin d’acteur avant celui d’humoriste.
En flirtant avec la folie jugée comme un bien nécessaire . Il
rappelle la phrase de Jouvet : ’Il faut être fou mais maîtriser sa
folie ».

Dans cette optique il se réfère aussi à Michel Serrault improvisant
dans une pièce mise en scène par le strict Roger Planchon .

Osant rajouter au texte :: « si vous ne riez pas j’assomme cette dame
 ». La phrase était en fait (sacrilège) une redite empruntée à la même
pièce et déchaîna les rires dans la salle. Un attitude que n’aurait
certainement pas renié Artaud se jetant par terre en répétition ...
ni Molière sans doute rajoute Popeck.

Il se penche sur sa propre interprétation de l’Avare et revendique
une couleur plus tragi comique que dramatique : pourquoi ajouter du
drame au drame ? dit il en substance.

Comment ne pas réussir son entrée en scène dans le comique avec une
telle réflexion ! Après tout les planches sont les mêmes partout et
elles ne demandent qu’à brûler.

L’homme

Une vie consacrée au théâtre, un profil singulier qui conquiert le
pluriel.

Déjà dans son cours, René Simon avait précisé : « il a un lupus
qui le ronge de l’intérieur « . Tourmenté dans les rôles dramatiques,
cette qualité lui fait obtenir le prix pour son rôle dans une pièce
de Tchékhov, couronnement de sa formation.

Et malgré (ou grâce à ) une introversion originelle . « Pire que la
timidité » dit-il . Cette difficulté le stimule, il se dépasse et
réussit. sans substances additives. Pour preuve actuelle : une
bonne santé , un entrain et un âge qui se joue de la vieillesse.

Il a aussi le mérite d’attirer les producteurs ; pas besoin
d’utiliser l’autoproduction comme le font beaucoup .

Une certaine candeur- franchise aussi : dans un concours de la
Bourse de la Vocation où il est favori. Il déclare se présenter
pour aménager sa cuisine avec les gains . Evidemment il ne gagne
pas ; car un autre voulait investir...dans une autre pièce, mais de
théâtre. La pièce n’a d’ailleurs jamais vu le jour.

Popeck a aussi un pragmatisme artistique également. Il exploite
les lieux de ses exploits . Grande salle : un travail impeccable et
bien rodé. Petites salles : il laisse la place à l’impro et teste le
public pour « essayer » ses trouvailles. Il peut aussi laisser
impunément éclater ses colères sur scène dans une saine automédication.

En fait oui : un personnage que tout le monde connaît ; un homme à
redécouvrir - après tout son ouvre a le temps et l’éternité n’en est qu’à ses débuts...

Photo Jean CEMELI