JACQUET ET DE ROCCA, frères ennemis du polar

JACQUET ET DE ROCCA, frères ennemis du polar

Avaient-ils quelque chose pour s’entendre, ces
deux-là ? Pour ceux qui ne connaissent pas encore ces
joyeux francs tireurs du polar sudiste, laissez-moi
vous les présenter !

A ma droite, Michel Jacquet,
1m87, 90kg de muscles, policier qui la retraite venue
sort son stylo et volontiers de sa réserve plutôt que
son pistolet Sig Sauer, et qui de la gauche ne connait
à mon avis que la main qui ne lui sert à rien ; à ma
gauche, justement, l’impayable ( et corollairement
incorruptible)Dédé De Rocca, 1m51, 112kg de
pieds&paquets, tête de dure importée de Corse et
journaliste sportif connu et reconnu pour son
franc-parler, trempé d’un indécrottable fond de
marmite anarchiste.

On imagine ce que leur rencontre aurait donné il y a
quelques années encore, en garde à vue par exemple...
Ca aurait sans doute fait des étincelles ! Mais Michel
et Dédé ne se croisèrent qu’à l’âge atteint de la
sagesse, dans l’ambiance chaleureuse et confraternelle
des salons du livre, où dès le premier regard ils
devinrent les meilleurs amis du monde.
Car outre leur fort caractère, nos deux gaillards
ont également de nombreux points communs. Ils ont
sorti leur premier roman policier ensemble, il y a
trois ans, en sont depuis respectivement à leur
quatrième, et toujours chez le même éditeur qu’ils
partagent : les éditions Autres Temps !
Par leur style, tout distingue par contre ces
auteurs désormais incontournabes du paysage littéraire
marseillais.

Dédé vient de sortir "Série noire au Roucas Blanc",
qui fait suite à "Mauvaise mer sur la Corniche",
"Goudes bye !" et "Déveine à Bonneveine" : les
connaisseurs de la cité phocéenne auront reconnu
autant de hauts lieux de Marseille, car à l’intar de
Nestor Burma, Marcel Rustino, le héros récurrent de
ces romans, a entrepris de nous faire visiter sa ville
quartier par quartier. Cette fois, ce fouille-merde de
Rustino enquête sur le milieu des paris sportifs et en
profite pour dire leurs quatre vérités aux veaux d’or
du cru, à savoir Zidane et l’O.M ! Le fil conducteur
n’est qu’un prétexte à la verve irrépressible de Dédé,
qui écrit de façon telle qu’on l’entend parler - car
sur le Vieux-Port, après trente ans de commentaires
débridés à la télé comme à la radio, chacun connait sa
voix quand certains la redoutent - et s’avère
davantage un conteur qu’un roamancier stricto sensus.
Ce qu’il revendique.

Jacquet, lui, abandonne le personnage du Nervi qui
l’a fait apprécier, pour se glisser aujourd’hui dans
la peau d’une femme... et avec une évidente facilité !
Ce qui laissera rêveur tous ceux qui auront croisé
notre auteur virilement calibré ! N’en déplaise, "NINA
la Belle de Mai" est certainement son meilleur roman,
en tout cas le plus écrit. Sans rien concéder à
l’action et au rythme, qui sont la marque de Jacquet,
avec ses chapitres courts et son phrasé tendu.
L’histoire de Nina, belle jeune femme qui n’a pas
froid aux yeux, précipitée à son corps défendant dans
une guerre qui la dépasse, entre pègre, stups et DST,
nous tient en haleine jusqu’au bout. Il faut dire que
l’auteur y explore au passage ce qu’il connait le
mieux, à savoir les coulisses d’une enquête policière.
C’est du vif et du plaisant !

Et voilà enfin en quoi de Rocca et Jacquet se
ressemblent et s’assemblent dans le rayons d’une
bibliothèque : ni l’un ni l’autre ne se prend pour
Marguerite Duras - bien que Dédé en ait quelques faux
airs, avec ses bonnes joues et ses grosses lunettes -
et tous deux ne prétendent que nous divertir, ce que
chacun à sa façon réussit parfaitement.
Alors si vous avez envie de partager avec eux
l’exotisme Marseillais, de vous dépayser au cri de fou
des gabians à l’heure de boire le jaune, et au-delà du
folklore de vous offrir un bon moment de lecture, loin
de la grisaille littéraire je vous conseille leurs
derniers romans :

SERIE NOIRE AU ROUCAS BLANC, par André de Rocca, aux
éditions Autres Temps
NINA LA BELLE DE MAI, par Michel Jacquet, aux éditions
Autres Temps