Mais que fait donc Denis Baupin à la mairie de Paris ?

Me voilà de retour parmi vous. Après onze heures de vol je recouvre la grisaille parisienne avec le plaisir (sic) partagé d’être chez soi tout en étant derechef enfermé dans un cycle urbain dégénéré. J’avais oublié ces embouteillages, cette pollution, cette insécurité. Je profite du WiFi pour vous envoyer cet article depuis mon taxi VelSatis embourbé dans un flux ininterrompu, Porte de la Chapelle.

La circulation est le point noir de Paris depuis bientôt trente ans, une espèce de verrue qui défigure la plus belle cité du monde … après Rome, bien entendu. Mais alors, que fait-on pour y remédier ? Rien, comme d’habitude, il ne faut pas froisser le chaland-qui-vote, ni les lobbies. Le citoyen lambda trinque et se tait.
Mais comme ce n’est pas mon style, je balance.

Voilà près de trente ans, donc, en 1974, mon père avait fait la Une des news car il avait lancé, à la tête de la Jeune Chambre économique Provence-Alpes-Côte d’Azur, un projet pilote d’aménagement de centre-ville, en instaurant contre vents et marées la rue piétonne … à Fréjus. Municipalité Léotard-père, c’était quand même un autre niveau. Outre les feux de la rampe, le paternel avait du essuyé les volées d’insultes des commerçants et des riverains … qui l’encensèrent deux ans plus tard, devant reconnaître que la qualité de vie avait augmenté, et les recettes aussi.
Dans la foulée il avait commis quelques rapports sur la venue des piétons dans les grandes agglomérations (Lyon, Marseille, Paris), leurs corollaires d’aménagements urbains, de transports en commun, de parcs de vélos et voitures électriques à la location horaire, etc. Pour rester dans des cartons faute de volonté politique.

Alors quand Denis Baupin, l’homme tout neuf d’un parti écologique est arrivé à la mairie de Paris, je me suis permis un cri de joie. Quel naïf je fais !
N’a-t-il pas déclaré récemment sur le site des Verts « Nos concitoyens souhaitent retrouver un air de qualité, voir diminuer les nuisances sonores et l’insécurité routière.(…) Ils souhaitent que la ville soit accessible à tous, qu’on soit en bonne santé ou à mobilité réduite, qu’on habite en centreville ou en banlieue, qu’on ait les moyens ou qu’on fasse le choix d’avoir une voiture ou pas. Ce sont les objectifs que nous nous sommes donnés.
Manifestement, je vois un immense écart entre le discours et la réalité.

Je constate la disparition des fameuses motos-crottes sous couvert d’un élan de civisme des parisiens : jamais eu autant de merde par terre, à tel point que les personnes âgées chutent lourdement et que les enfants y pataugent.
Je constate une adéquation entre les horaires de ramassage des poubelles et les pics de circulation (8h-9h30 / 17h19h), ce qui n’est pas très malin : à Genève, par exemple, ville exemplaire de civisme, c’est la nuit, passées les 22 heures, que l’on nettoie les trottoirs et ramasse les ordures.
Je constate la mise en place de couloirs de bus de taille gigantesque qui paralysent la circulation (leur mise en place a nécessité la suppression d’une voie pour les voitures) et ne résolvent en rien ni la mobilité des vélo ni le stationnement sauvage des livreurs, bien au contraire. Que sont ces tronçons de couloirs qui parfois ne dépassent pas cent mètres ? (si ce n’est pour être mis bout à bout et donner un chiffre global à la fin de l’année comme quoi les couloirs de bus / voies cyclables sont en augmentations).
Pourquoi développer des pistes cyclables pour seulement 1% des usagers, et délaisser les autres ? Pourquoi faire un tramway sur les maréchaux Porte de Versailles alors que la petite ceinture est délaissée (et plus adaptée à ce type de transport) ?
Je constate une forte montée de l’insécurité en terme de feux rouges grillés, de sens uniques non respectés, de circulation intensive des deux roues sur les trottoirs.

J’ai surtout noté les déclarations ostentatoires de la Mairie de Paris, une volonté sans faille de faire respecter la sacralité des couloirs de bus, et d’entreprendre des représailles sans précédents à qui oserait (ô sacrilège !) y circuler sans y être autorisé.
Comment va s’opérer cette chasse aux chauffards ? Que fait la Mairie ? Elle se met en frais … avec l’argent du contribuable pour acheter des dizaines de caméras dotées de systèmes électroniques ultra performants qui détecteront, aussitôt une demie roue posée dans le sanctuaire des bus, la plaque d’immatriculation du fautif qui recevra sous 48 heures, dans sa boîte aux lettres, une amende de … 135 euro !
Si les temps n’étaient pas si dramatiques l’on pourrait en rire.
D’autant que rouler dans le couloir de bus ne met la vie de personne en danger.

Par contre, brûler un feu rouge, cela tue des dizaines de piétons et d’automobilistes chaque année à Paris.
Il y a des
milliers de feux tricolores dans la capitale pour … 3 caméras électroniques munies de flash qui veillent à photographier le contrevenant.
TROIS !
Oui, vous avez bien lu.
Alors la remarque que je me fait, à la lecture des statistiques qui montrent une baisse sensible des morts sur la route, alors que tout le monde essaye de sécuriser l’ensemble du réseau routier national, voilà que la Mairie de Paris, fidèle à sa démagogie (Paris-Plage : une manifestation pour les non-parisiens qui ennuient tous les parisiens), engage des frais conséquents, non pas pour sécuriser les avenues de la capitale, mais pour préserver ses couloirs de bus ! !
Ubu, encore et toujours roi du monde !

Pour l’anecdote, il m’est arrivé de croiser un bus conduit par une jeune femme, qui clignotait à gauche alors qu’il tournait à droite, sans doute parce que la « chauffarde » téléphonait depuis son mobile ?
J’ai une amie qui s’est retrouvée l’an passé à l’hôpital, bras cassé, après avoir fait un vol plané dans son bus car ce dernier, ayant brûlé un feu, s’est fracassé dans une voiture.
J’ai aussi interpellé un jour un policier, bras croisés à un feu, qui regarda passer le bus alors que le feu des piétons était au vert, et qui a haussé les épaules (pourquoi les chauffeurs de la RATP sont protégés par les syndicats ? ils peuvent tout faire, même tuer des gens au volant ?).

Oui, les bus doivent avoir leur couloir libre pour circuler, mais leurs conducteurs doivent aussi respecter les codes de civilité.
Non, la Mairie de Paris ne doit pas engager des frais pour contrôler les couloirs de bus tant que tous les principaux feux tricolores de la capitale ne sont pas sous surveillance.

Quel élu osera prendre la parole à cet effet ?
Vous M. Baupin ?