Jacky Pop : NOIR C’EST NOIR

Jacky Pop : NOIR C'EST NOIR

La littérature noire porte le deuil de Jacky Pop,
récemment disparu, trop vite et sans faire de bruit.
De son vrai nom il s’appelait monsieur Paupe, mais
s’était choisi un pseudo qui lui ressemble, "Pop" donc
(tendance Iggy) : le pseudo parfait d’un homme
tranquille sous ses airs de rocker indomptable, bâti
de gentillesse et d’intégrité, et qui jamais n’a fait
de concessions.

Il avait mis sa nature humaniste et son engagement
au service de la littérature qu’il préférait, ce roman
noir qui considère que la faute n’est pas dans l’homme
mais dans la société, dernier bastion des frères de
plume qui ne soient pas assujettis au politiquement
correct. Avec sa compagne et complice de
toujours,Woômanh (pseudo dont cette fois-ci l’origine
nous restera plus sibylline), il avait crée les
Editions Grenadine il y a quelques lustres de celà :
une première tentative dans le monde difficultueux de
l’édition, dont on retiendra notamment le "94" de
Jean-Bernard Pouy... et "Androzone", de Jacky Pop
himself, histoire de nous rappeler son propre talent
d’auteur : il aura publié chez divers éditeurs une
bonne dizaine de romans, nouvelles ou receuils de
poèmes. Citons déjà son Poulpe "Les neiges du
killer-man manchot"(Baleine 97), "Piratage à la Cité"
polar jeunesse chez Flammarion(98) ou encore "Des
souris et des trains", écrit avec Woômanh en 2002 pour
la collection Rail Noir.

Collection Rail Noir dont il est par la suite devenu
directeur, toujours aiguillé par sa muse fidèle. Il y
fit montre de découvreur de talents, se plaisant à
publier, chaque fois qu’il y croyait et sans se poser
davantage de questions commerciales,les premiers
romans de jeunes auteurs parfaitement inconnus. Pour
mémoire, ne serait-ce que Franck Thilliez, devenu
depuis un des plus gros vendeurs de polars, ou plus
récemment Karine Giebel, qui avec un premier petit
roman improbable, "Terminus Elicius" avait obtenu en
2005 le Prix Marseillais du Polar et dont le dernier
sorti, "Les morsures de l’ombre", cartonne chez Fleuve
Noir. Ne serait-ce que ces deux-là, sans Jacky Pop qui
a immédiatement flairé le talent, continueraient
peut-être à envoyer de droite et de gauche leurs
manuscrits comme s’ils les jetaient directement à la
corbeille à papiers...

Car dans ce monde de l’édition, le talent n’est pas
l’assurance de réussite que l’on imagine et il est
important que des chevaliers blancs à la Jacky Pop
existassent !

Malheureusement, les éditions de La Vie du Rail
n’avaient probablement pas pris la mesure du talent
singulier de leurs deux directeurs de collection,
puisque Jacky Pop et Woômanh s’étaient vus remerciés
il y a quelques mois de ça. Pour autant, nos deux
frondeurs du polar gardaient leur vocation de
découvreurs intacte et n’abandonnaient pas la cause
d’une littérature noire qui les satisfasse : ils
avaient entrepris de créer,après l’aventure de
Grenadine, une nouvelle maison d’édition, toute prête
à voir le jour. Bien sûr, ce projet est pour l’heure
compromis par cette brutale disparition, mais le monde
du noir ne peut qu’espérer que Woômanh aura à coeur de
perpétuer l’oeuvre entreprise aux côtés de Jacky. Car
c’était l’oeuvre de sa vie, et que Woômanh sache bien
que tous ceux qui ont pu apprécier son homme, ne
fut-ce qu’à l’occasion de rencontres professionnelles
comme ce fut mon cas au gré des salons, partagent sa
peine et ne l’oublieront pas.