Interview de Maxime Gremetz (PC) : "A Villiers-le-Bel ça mijote et ça peut bouillir"

Interview de Maxime Gremetz (PC) : "A Villiers-le-Bel ça mijote et ça peut bouillir"

Un tragique accident de la circulation impliquant un véhicule de police et un engin non autorisé sur la voie publique met le feu aux poudres.

Dimanche soir, le commissariat de Villiers-le-Bel est saccagé, des affrontements éclatent entre les jeunes des cités et des forces de l’ordre appelées en renfort. Le lendemain soir, ça recommence et c’est une véritable nuit d’émeute qui se propage aux communes voisines. Tout le monde a encore celles de novembre 2005 à l’esprit, et de nombreuses voix se sont déjà fait entendre pour avancer que rien n’avait changé depuis deux ans. Lorsqu’on revient sur ces évènements, on peut noter que les communes communistes ont eu très peu à souffrir des violences, malgré l’identité de leur électorat avec les autres. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur du gouvernement Villepin avait alors publiquement rendu hommage au maire de Vénissieux, André Gerin, pour sa gestion au niveau local.

Le MAGue a cherché à savoir si les communistes avaient une façon particulière de traiter les problèmes des quartiers, de façon à se mettre à l’abri des violences urbaines.

Maxime Gremetz, député, membre du Conseil régional de Picardie, a bien voulu répondre à ses questions.

Le MAGue : Les troubles qui ont eu lieu dimanche soir à Villiers-le-Bel se sont propagés dans la nuit de lundi à mardi aux communes voisines : doit-on redouter une flambée de violence identique à celle de l’automne 2005 ?

Maxime Gremetz : Non, je crois que la situation n’est pas comparable. Pour autant, si on pense qu’on a résolu le problème en rétablissant le calme, c’est une erreur ! Le problème est toujours là, c’est l’accumulation du chômage, du développement des familles monoparentales avec des bas revenus… À Amiens, ce sont 60% des jeunes qui sont à la recherche d’un emploi, malgré des qualifications. Il y a aussi la discrimination : beaucoup de se plaignent de la police à Amiens, disent qu’on leur manque de respect, qu’on les traite de délinquants en puissance alors qu’ils sont français. Ces jeunes ont les mêmes devoirs, mais ils ont aussi les mêmes droits. Alors, il y a bien sûr la drogue et le développement de l’économie souterraine, et certains arrivent à en être des organisateurs dans les quartiers.

Le MAGue : Le gouvernement Villepin avait promis beaucoup d’argent pour les quartiers déshérités, qu’en est-il aujourd’hui de cette manne financière ?

Maxime Gremetz : Rien n’a été fait ! On a parlé d’un plan Marshall pour les cités, mais la réalité est tout autre. Rien n’a été résolu : ce ne sont pas les grands groupes qui s’installent dans les ZUS, ce sont de petites entreprises du secteur tertiaire, des bureaux d’études par exemple, qui n’embauchent pas forcément les gens qui habitent là. Ce ne sont pas des mesures réelles… Pourquoi, dès qu’il y a un incident, ça prend des proportions extraordinaires ? Des gens ont cru aux promesses qui leur ont été faites et ils s’aperçoivent qu’il existe un gros décalage. Il ne faut pas nous raconter d’histoire : les crédits pour la politique de la ville sont en régression. Il y a un malaise chez les étudiants, la réforme de la carte judiciaire etc. Ce que voient les jeunes, c’est que le pouvoir d’achat de leurs familles est en baisse. Alors ça mijote et ça peut bouillir : on peut arriver à une situation explosive !

Le MAGue : Les observateurs ont depuis souvent tiré la sonnette d’alarme au sujet de la dégradation des conditions de vie en banlieue, comment les ressentez-vous dans les contacts que vous avez au niveau local ?

Maxime Gremetz : Le fait est qu’on impose et on n’écoute pas les gens… Au point que le maire ne peut plus se rendre dans les cités d’Amiens-Nord ! Moi, j’y vais toujours, sans garde du corps. Ce n’est pas si facile d’établir une relation de confiance, et c’est la volonté des communistes de ne rien faire sans avoir écouté les gens. On fait de grandes réalisations, de grands chantiers sans toucher à des quartiers qui restent délaissés. Il faut au contraire donner la priorité au social et mettre l’humain au cœur de tout. Il faut des lieux de rencontre où les associations jouent un grand rôle, mais il faut aussi leur donner les moyens d’agir.

Le MAGue : Y a-t-il une responsabilité des édiles dans leur façon de gérer les communes : le cadre de vie, l’habitat, l’emploi ?

Maxime Gremetz : Il y a bien sûr une part de responsabilité des collectivités locales, mais elle n’est pas grand-chose tant qu’il n’y aura pas une politique globale à même d’offrir un emploi à tout le monde. On dit qu’il faut travailler plus, on recule l’âge du départ à la retraite, et il n’y a toujours pas de place pour les jeunes. C’est essentiel de construire des crèches, de favoriser l’accès au logement, mais aussi d’apporter du soutien scolaire, de l’animation culturelle et sportive. Il est important pour cela de beaucoup aider les associations. Il faut les rassembler pour avec elles définir les priorités, parler le langage de la franchise et de la confiance. Il ne faut pas seulement des moyens, mais discuter avec les gens des choses à mettre en œuvre.

Le MAGue : La plupart des troubles qui se sont produits en novembre 2005 l’ont été dans des communes gérées par des socialistes, et très peu dans les municipalités communistes : y a-t-il une façon de faire propre à celles et ceux qui partagent votre sensibilité politique ?

Maxime Gremetz : Il ne faut pas politiser ces choses-là et surtout, il faut écouter les jeunes. À Amiens par exemple, on a de grands ensembles où habitent 32.000 personnes. On rassemble les gens dans des ghettos, et on accumule les difficultés. Souvent, le maire doit se battre pour faire construire du logement social, mais en définitive, c’est le préfet qui donne son quitus ! L’important à mon avis, c’est de toujours associer les gens aux décisions, car ils ressentent le besoin de participer. Il y a une attitude communiste plus qu’une réponse tout faite à ces questions, mais j’observe que dans certaines communes, des maires de droite s’en sont inspirés.

 

 

Pour le pouvoir en place, on n’a qu’un accident,
Beaucoup sur place ont vu un coup de la police,
On ne sait pas ce qui s’est passé en coulisse
Mais tout le monde a eu en tête un précédent…


Dans la cité, les gars n’y vont pas en s’aidant,
Les flics, ils font la loi comme avant, la milice
Donc ils vont leur passer sur le dos le cilice :
Ils ont surtout tant de rancœur en excédent !


Ces gens ont l’impression d’habiter dans l’impasse,
On leur dit : restez-là le temps que ça se passe,
La banlieue est le lieu où l’on est mis au ban…


Quand le pouvoir s’habille en bleu et vient en meute,
Le petit gars s’y rue et se mue en forban…
Va-t-on revoir dans nos quartiers ces nuits d’émeute ?