Incunables albigeois

Incunables albigeois

Albi fut la troisième ville de France à avoir accueilli l’imprimerie dès 1474. Les premiers livres imprimés, à cette époque, se nommaient incunables. Voici leur histoire.

Qui n’a jamais été ému à l’énoncé de ce mot magique, incunable ? Quel frisson parcourt le corps à l’évocation d’une possible manipulation de ces pages enluminées d’un très vieux livre à la lourde reliure de cuir précieuse … Calme et volupté dans une salle de bibliothèque, dans un cabinet privé …
Riche de son passé, la ville d’Albi a, en outre, le privilège d’avoir eu très tôt une imprimerie, ainsi les incunables albigeois virent le jour avant ceux de Toulouse …

Ce catalogue, qui fut établi à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue du 14 septembre au 28 octobre 2005 à la médiathèque Pierre-Amalric, à Albi (laquelle nous offre la possibilité de visionner en ligne les plus belles pièces avec un logiciel étonnant qui permet de feuilleter les manuscrits, voire de zoomer sur certains d’entre eux, présentés en haute-définition), détaille les plus beaux exemplaires dont certains sont enluminés ou recouverts de somptueuses reliures originales. Les bibliophiles ou les amoureux de l’art pourront y découvrir la sobriété de la mise en page, la finesse de la typographie ; ou encore l’éclat des lettrines enluminées de ces incunables, dont certains, rarissimes, sont actuellement connus en un seul exemplaire et furent présentés pour la première fois au public.

Très vite délaissée en raison d’un axe commercial puissant Toulouse-Lyon, l’imprimerie albigeoise en sortit grandie car elle prit le temps de s’attarder dans les chemins de travers et les études d’autres manières possibles de réaliser des livres. Et s’il a produit des monuments typographiques qui emportent encore aujourd’hui l’admiration unanime des bibliophiles, Jean Neumeister n’a jamais connu la fortune de son vivant. Les imprimeurs albigeois périclitent les uns après les autres. La production s’arrête parfois de nombreuses années : les livres sont donc rares … mais uniques. Albi fera sa réputation sur son originalité.

Les influences se croisent donc à Albi. Celles venues de Paris ou d’Allemagne, voire d’Italie, et cela donne des enluminures magistrales de pleine page. Les lettrines dorées sont toujours peintes en bleu, et toujours enrichies en leur milieu de motifs végétaux. Le long de la marge gauche – ou entre deux colonnes – une longue colonette dorée pour moitié et bleue pour l’autre moitié souligne la justification du texte.

De très beaux folios couleurs illustrent la deuxième partie du livre dans une ribambelle de couleurs et de caractères typographiques d’une rare élégance. Un surtout, un incipit avec enluminures marginales de rinceaux à l’harmonie toute printanière évoque d’autres époques, plus contemporaines, comme certains tableaux de Kandinsky …

Matthieu Desachy (sous la direction de), Incunables albigeois – les ateliers d’imprimerie de l’Aenas Sylvius et de Jean Neumeister, coll. "Trésors écrits Albigeois", 240 x 270, Editions du Rouergue, septembre 2005, 107 p. – 32,00 €