Maladies mentales en Algérie : l’aliénation psychique : une fuite ?

Maladies mentales en Algérie : l'aliénation psychique : une fuite ?

Les spécialistes en matière de santé mentale sont unanimes. La fréquence des maladies mentales en Algérie est importante et le risque d’extension de différentes formes de désordres psychiatriques en l’absence de sérieuses stratégies de prévention et de soins, dans les années à venir, est éminent.

C’est du moins ce qu’a révélé le professeur Nicolas Sartorius, un épidémiologiste psychiatrique suisse sur la base d’une étude suisse sur la fréquence des troubles mentaux en Algérie. Le spécialiste estime que 3 % à 7% de la population souffre de troubles mentaux et doit, par conséquent, bénéficier d’un suivi thérapeutique approprié.

Selon le spécialiste en question, les résultats de l’étude suisse restent modérés par rapport à l’étude américaine qui estimait que 10 à 12 % de la population algérienne sont atteints de troubles mentaux.
Les chiffres de l’étude viennent renforcer une réalité ordinaire que nous observons tous au quotidien. Une simple virée dans les rues principales de la capitale en fin de journée permet à l’observateur de voir de près la souffrance de tous ces malades mentaux aussi à même le sol ou qui vagabondent çà et là. Le constat est accablant, les chiffres sont effarants et les solutions sont quasiment inexistantes. La question qui mérite d’être posée face à des résultats pareils avancés par des spécialistes en matière de santé mentale est : Qu’est-ce qui fait que la fréquence des désordres psychologiques arrive à son paroxysme ces dernières années en Algérie ? Pourquoi l’état psychologique du citoyen algérien est-il devenu aussi fragilisé ?

Pauvreté, chômage, malvie, crise de logement, conditions socioéconomiques déplorables... La liste des maux sociaux dont souffre l’algérien est loin d’être exhaustive.

La maladie mentale est l’expression suprême de la douleur humaine. Elle traduit la souffrance de l’âme confrontée à divers es sortes de pressions le plus souvent permanentes qui épuisent les ressources humaines de la personne qui y fait face. Pour comprendre réellement la propagation des troubles mentaux, il importe d’analyser les conditions socioéconomiques dans lesquelles la personne évolue. L’analyse de ces conditions nous amènera certainement sur les vraies pistes de la déchéance humaine.

Présent compromis, avenir incertain

Expliquer l’aliénation mentale en recourant au dictionnaire est chose aisée, mais aller au-delà de la définition pour chercher à explorer les vraies causes socio-psychologiques qui compromettent l’équilibre psychique de l’être, là est la vraie tâche. La jeunesse algérienne affirme souffrir journellement de différents maux. D’ailleurs, c’est ce qui pousse les jeunes, de nos jours, à prendre de plus en plus de conduites risquées comme : l’immigration clandestine, les comportements suicidaires, toxicomanie, abus d’alcool et de médicaments.

« Nous n’avons plus d’avenir dans ce bled, déclare Mohamed, jeune chômeur âgé de 35 ans. Après avoir réussi avec brio des études de commerce, je chôme depuis 12 ans. J’ai dépensé toutes ces années de mon existence à faire de petits boulots insignifiants juste pour avoir de l’argent de poche. Mes rêves, je les ai enterrés depuis longtemps. Je ne vis même plus. Ma vie se faufile rapidement et je me retrouve encore à la case départ. Je suis misérable, vraiment. Je ne me suis pas marié, j’ai perdu ma jeunesse en attendant un lendemain meilleur. J’ai ouvert mes yeux sur une illusion, un grand mensonge et une existence vaine.
Pourquoi les gens perdent-ils la raison ? C’est facile de le savoir, regardez autour de vous. Qu’est-ce que vous apercevez ? Une jeunesse qui recèle une intarissable source d’énergie mise à la retraite à l’aube de sa vie. Une jeunesse qui commence à souffrir de vieillesse précoce, qui a perdu confiance en elle, en l’avenir. La folie, c’est la misère. »
L’aliénation mentale est la traduction propre de la misère, de la malvie, de la dépravation et des maux sociaux qui épuisent la population algérienne. Des maux face auxquels de sérieuses stratégies de lutte doivent être envisagées pour pouvoir réellement améliorer la santé mentale en Algérie. Ne dit-on pas que pour guérir le mal, il faut l’arracher de sa source.

Pour promouvoir la santé mentale en Algérie, la mise en place d’une véritable politique de la santé mentale par les pouvoirs publics est indispensable. L’établissement de stratégie de lutte, de prévention contre les différents désordres mentaux, le renforcement des structures d’accueil ainsi que le personnel soignant, la sensibilisation de la société civile sur la maladie psychique et l’amélioration des conditions socioéconomiques restent les mesures les plus efficaces pour endiguer le phénomène.