Nous ne voulons pas être (re)traités comme des chiens

Nous ne voulons pas être (re)traités comme des chiens

Pluie froide sur Le Havre ce matin. Ce n’était pas un temps à mettre un manifestant dehors et pourtant ils/elles étaient là pour défendre une certaine idée du service public, le régime des retraites et leur pouvoir d’achat mis à mal.

Les distributeurs de tracts de la CGT, de la CNT, de la LCR, du PCF… étaient au rendez-vous devant la maison des syndicats. Des milliers de jeunes, de vieux, de femmes et d’hommes piétinaient dans le froid en attendant le départ de la manifestation où l’on comptait même quelques chiens recouverts d’autocollants.

Des gens pas contents tapaient sur des bidons, des poubelles, des tambours. Des cheminots en colère jouaient avec des fumigènes et de très gros pétards. Des infirmiers gueulaient contre la suppression de plus de 500 emplois à l’hôpital. Des ouvriers de Millénium protestaient contre les 300 licenciements annoncés dans leur boîte. Etudiants et lycéens, en masse compacte, s’époumonaient contre la loi LRU. Le comité de chômeurs CGT s’égosillait contre la vie chère. Banderoles et drapeaux CGT, SUD, CNT, FO, CFDT, FSU, UNEF… flottaient dans un ciel gris comme le moral des troupes.

Et puis je suis tombé sur un type qui aime taquiner sa calculette. A chacun ses vices. Pendant un moment d’oisiveté, le bonhomme a eu l’idée de calculer la retraite de Jacques Chirac. Comme ça, au hasard. Il n’a pas été déçu. Moi non plus. Celui qui, en 1995, prétendait vouloir lutter contre la « fracture sociale » n’a pas trop de soucis de fin de mois. On s’en doutait, mais ça valait le coup de vérifier. Entre sa retraite d’ex-président (5 250 €), d’ex-député (5 000 €), de membre de la Cour des Comptes (3 500 €), d’ex-maire de Paris et d’ex-conseiller général (5 000 €), sans oublier son petit pécule de membre de droit du Conseil constitutionnel (12 000 €), le Jacquot touche grosso modo 30 800 € par mois. De quoi sortir les griffes contre ce régime de retraite très spécial !

Le maniaque de la calculette s’est ensuite amusé à évaluer ce que gagnera Nicolas Sarkozy quand il sera retraité. Celui qui s’est attribué dernièrement une petite augmentation de 172% (pour atteindre un salaire mensuel de 19 331 €) pourra aussi cumuler pas mal de bonnes choses. Entre sa retraite d’ex-président (5 250 €), d’ex-député (5 000 €), ses ex-mandats locaux (2 000 €), sans oublier son enveloppe de membre de droit du Conseil constitutionnel (12 000 €), le petit Nicolas touchera dans les 23 250 € par mois. C’est sans doute ce qu’on appelle la justice sociale dans les couloirs dorés de l’Elysée.

Les affameurs, patrons et gouvernants, s’engraissent pendant que nous tirons le diable par la queue. Travailler plus pour gagner moins… Combien de temps ça va durer ? Qui sont les nantis ? Les fonctionnaires, les prolos, les chômeurs et les retraités ou les gros richards et autres ploutocrates qui nous dirigent et nous gouvernent ?

Avec une indécence et une insolence insupportables, les gouvernants affichent leur immense richesse sans aucun complexe. Avec la complicité de leurs ami(e)s journalistes, ils nous expliquent mièvrement les bienfaits de leurs réformes, ils raillent notre "archaïsme", ils traitent les grévistes de "preneurs d’otages", ils tentent de diviser les salariés, ils inversent le sens des mots en appelant "liberté" l’esclavage qu’ils nous préparent. Chaque syllabe qui sort de leur bouche claque comme une insulte. Combien de temps on va tenir ?

Pour finir, l’obsédé de la calculette a voulu me parler des sommes astronomiques que gagnent les grands patrons. Il m’a aussi dit que le patronat « oublie » souvent de payer ses cotisations sociales et que ses dettes représentent plus de deux cents milliards d’euros. Il m’a parlé de tout ce pognon qui est finalement volé aux travailleurs, à ceux-là même qui font la fortune de ceux qui les exploitent. Bref, de l’argent, il y en a, mais faut pas aller le chercher dans la poche des manants.

Tout ça fiche une sacrée nausée et il faudra bien plus que des grèves ponctuelles pour changer le cours des choses. Alors, on attend quoi pour euthanasier cet animal enragé qu’est le capitalisme ?