Pierre Bitoun voudrait qu’on boycotte Sarkozy dans les Média le 30 Novembre (Interview)

Pierre Bitoun voudrait qu'on boycotte Sarkozy dans les Média le 30 Novembre (Interview)

Depuis le 7 mai, à n’en pas douter, Nicolas Sarkozy, en plus d’accéder à la magistrature suprême, est devenu la star des media ! Les journalistes américains non plus n’en reviennent pas… La chaîne CBS a décidé de rendre public un autre de ses caprices, et la sarkomania est en train de déferler aussi aux États-Unis. L’orchestration de sa politique est-elle une façon de mieux masquer la qualité de sa musique ? C’est l’avis de Pierre Bitoun, sociologue à l’INRA, qui demande à tous les journalistes de faire l’impasse sur le plus haut personnage de l’État français le 30 novembre prochain, date anniversaire de l’annonce fracassante de sa candidature sur le site de Libération, et aux citoyens de s’entretenir des problèmes qui les touchent réellement plutôt que de ses dernières frasques. Le MAGue a demandé à Pierre Bitoun ce qu’il pense du traitement de l’actualité :

Le MAGue : Pourquoi censurer le président de la République le 30 novembre prochain ?

Pierre Bitoun : Il ne s’agit pas de censure mais d’une journée symbolique pour montrer qu’il y a bien d’autres sujets dans l’actualité, que l’actualité présidentielle, justement ! Il y a un excès de médiatisation de Nicolas Sarkozy et, au delà de la personne, c’est révélateur d’un problème de pluralisme dans les media.

Le MAGue : Les media ne sont pas vraiment libres de leurs choix éditoriaux, selon vous ?

Pierre Bitoun : La presse a une tradition d’indépendance en France, mais depuis l’accession de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, elle est peu ou prou remise en cause. Il y a une forte pression de sa cellule de communication sur les media, une petite caste de journalistes-stars qui sont idéologiquement et réellement proches de lui, et aussi toute une culture journalistique centrée sur l’exécutif, le Pouvoir. On assiste également à la peoplisation du traitement du Président… Voilà tout un ensemble de choses qui fait mayonnaise autour de lui, et on n’est pas loin du culte de la personnalité ! Cessons de lui accorder tant d’importance ou la télé va finir par ressembler à celle des ex-pays de l’Est !

Le MAGue : N’est-ce pas faire un hommage à l’excellence de sa stratégie de communication ?

Pierre Bitoun : Non : par notre action, il s’agit de signaler à l’opinion et aux journalistes que cette omniprésence est dangereuse, et qu’ils ont une responsabilité, une capacité de résistance. Nous appelons à ce que le 30 novembre prochain, date anniversaire de l’annonce de sa candidature à la magistrature suprême, on ne fasse aucun commentaire sur les faits et gestes de Nicolas Sarkozy. Cela permettra aux citoyens de réagir et les aidera un peu à se désintoxiquer. Parallèlement à cet appel aux journalistes, nous invitons tous les Français à ne pas faire mention de Nicolas Sarkozy dans leurs conversations.

Le MAGue : Il lance des débats dans l’opinion, sur tout un tas de sujets, trouvez-vous cela regrettable ?

Pierre Bitoun : Je ne trouve pas cela regrettable, je dis seulement qu’il faut juger sur pièces. Derrière tous ces débats, il y a aussi beaucoup de bruit pour faire des effets d’annonce. C’est souvent une politique de communication qui ne mène pas à grand-chose, et la montagne en général accouche d’une souris ! Je lui reproche en revanche d’organiser l’agenda politique de la nation et de le calquer sur celui de l’Élysée…

Le MAGue : Le comité Balladur a préconisé de définir un temps de parole au président de la République à la radio et à la télévision, qu’en pensez-vous ?

Pierre Bitoun : Ce serait très bien qu’il sorte de cette commission une réponse concrète à la lettre qui a déjà été envoyée au CSA par le Parti socialiste… Je m’étonne d’ailleurs qu’elle n’ait pas été suivie d’une réponse !

Le MAGue : Quel était, selon vous, le sujet le plus commenté dans la presse lundi ?

Pierre Bitoun : Tout occupé que j’étais à lancer cet appel en faveur d’une journée sans Sarkozy, je ne l’ai pas suivie. J’ai seulement retenu cette affaire d’interview interrompue par Nicolas Sarkozy parce que la journaliste américaine lui avait posé une question sur Cécilia et lui avait fait remarquer, aussi, qu’il passait un peu trop à la télé…

Le MAGue : Et quel était le sujet le plus important à vos yeux ?

Pierre Bitoun : Celui de la grande réforme citoyenne des régimes spéciaux qu’on ne fait pas : elle consisterait à mettre sur la table des négociations tous ces régimes, sans exception aucune (ministres, parlementaires, cheminots, police, armée, etc.) et de discuter des droits et efforts de tous. Voilà qui constituerait une réforme de justice sociale.

Le MAGue : De quoi aimeriez-vous que nous parlions aujourd’hui ?

Pierre Bitoun : Franchement, j’aimerais que l’on fasse le portrait d’un ami, membre de mon club de tennis de table, et qui se retrouve aujourd’hui, après 44 années de cotisation, avec seulement 1.000 euros de retraite !

 


À l’atelier, à la télé, il est partout !
Tout tourne autour de lui, comme autour de l’atome,
Pour qu’il écrive en France encore un nouveau tome,
Il faut que rien n’échappe à ce vrai touche-à-tout.

Sur le terrain et sans rival, ça mène à tout,
Il nous change après qu’on ait connu un fantôme,
Mais a-t-on ce besoin de voir autant cet homme ?
Et cette ubiquité, vraiment : est-ce un atout ?

Il reste un bon sujet pour tous les journalistes
Et c’est pour ça qu’il est tout en haut de leurs listes :
Qu’importe au fond ce qu’on en dit, on l’a cité…

C’est trop facile, or il faudrait qu’on nous bouscule,
Donc la presse, au comptoir, n’a plus droit de cité :
Sa complaisance est trop tournée en ridicule !