Presser le citron

De la manière d’en extraire un peu plus de nos esclaves contemporains

Dans le projet de loi sur l’immigration concocté par les services de Messieurs Sarkosy et Perben qui sera examiné par le Sénat en octobre en vue de son adoption définitive, figure un article prévoyant de punir les étrangers en situation irrégulière exerçant un emploi non déclaré (qui est de facto comme de jure la seule possibilité en ce qui les concerne) d’une amende de 3750 euros assortie de trois ans d’interdiction du territoire national.

Jusqu’alors, dans un tel cas de figure, seuls les employeurs « au noir » étaient sanctionnés ; dès demain, et comme on l’a déjà vu avec l’affaire des intermittents qui égalisait indûment les responsabilités réciproques des patrons et des employés, en vertu de la fiction libérale droitiste qui considère contre toute évidence que tous les humains en situation de travail, de l’agent de surface au pédégé, sont également libres, responsables et autonomes, les sans-papiers qui fabriquent nos fringues douze heures par jour pour une obole après qu’ils se sont dépossédés du peu qu’ils avaient pour engraisser passeurs et autres vampires, se feront ratisser leurs (maigres) revenus par l’Etat racketeur avant que d’être expulsés manu militari.
De son côté, l’employeur, son amende réglée (dont il pourra toujours économiser le montant sur le salaire de ses ouvriers), n’aura plus qu’à embaucher d’autres « citrons » qu’il conviendra de presser bien à fond avant que de les jeter.

Bilan de l’opération ? des nèfles, car d’après la Dilti (organisme de lutte contre le travail illégal) seuls 7% des travailleurs au noir sont des immigrés illégaux et comme il semble à peu près sûr que ceux qui se feront poisser seront insolvables, la seule mesure effective consistera à les virer du pays, où ils reviendront sans doute se faire tondre à la première occasion, car, c’est notoire, ces gens-là ont faim et ne sont pas malins, sinon, mettant à profit la conception néolibérale, c’est-à-dire épicière, de l’éthique, ils se feraient exploiteurs plutôt qu’exploités …

Un gagnant tout de même, l’employeur des clandestins (lequel souvent sous-traite pour des gens hautement respectables qui possèdent pignon sur rue), qui bénéficiait jusque-là d’une main-d’œuvre extrêmement souple, l’aura à présent parfaitement servile. Un bonheur de patron !