Statistiques ethniques : une infamie raciste indigne de la France.

Statistiques ethniques : une infamie raciste indigne de la France.

On parle beaucoup de l’amendement ADN. On parle moins de l’amendement n° 55 présenté par M. Thierry Mariani, ancien du petit séminaire d’Avignon et député du Vaucluse, par M. Sébastien Huyghe, clerc de notaire et député du Nord ainsi que par Mme Michèle Tabarot, maire du Cannet et député de la 9e circonscription des Alpes-maritimes. Curieusement, M. Huyghe et Mme Tabarot ont récemment été nommés membres de la CNIL, jusque là opposée aux statistiques « ethniques ». L’amendement de ces trois parlementaires autorise « les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes ».

Les auteurs de ce texte étrange, tous élus dans des circonscriptions bien connues pour être des bastions de l’antiracisme, s’expliquent dans l’exposé de leurs motifs. Selon eux, pour freiner l’immigration, « il est nécessaire de procéder à l’observation statistique des différences, de la diversité […] ethnique ». Sans doute à la manière dont la CIA voit la France dans la rubrique « ethnic groups » de son World factbook. En métropole, une majorité de « Celtic, Latin Teutonic and Slavic ». Sous les cocotiers et dans les banlieues les : « North African, Black, Mulatto, Indochinese, East Indian, Chinese, Amerindian » et autres « minorities » .
Cet amendement indigne de la France, présenté par trois élus simplement parce qu’ils se voient certainement plus « Celtic, Latin, Teutonic et Slavik » que « North African », « Black » ou « Mulatto », a été discrètement adopté par l’Assemblée nationale le 20 septembre 2007 à quatre heures du matin. L’heure des exécutions capitales.
Ce texte est manifestement contraire à l’esprit (sinon à la lettre car je ne suis pas sûr qu’elle soit abrogée) de l’admirable loi du 16 octobre 1791 qui porte qu’il n’y a pas, dans notre pays, de distinction de couleur entre citoyens.

Il n’y a pas non plus, en France, de « diversité ethnique » ni de « différences ». Car parler de « différences » ou de « diversité », c’est juste une autre manière de dire que certains sont plus bronzés que d’autres. C’est donc la répartition des couleurs de peau qu’il appartiendrait aux statisticiens de mesurer, puisque que les moyens permettant la mesure des discriminations sont déjà amplement suffisants.

Les statistiques ethniques ne reposent sur aucune base scientifique. On sait depuis plus de trente ans (voir la leçon inaugurale du Pr. Ruffié au Collège de France en 1975) que les « races humaines » n’existent pas et que la couleur de la peau, d’ailleurs très variable sur chaque continent, ne détermine aucun groupe biologique ni social. Surtout dans un pays aussi métissé que la France. L’indifférence à la couleur est une des traditions fondamentales de la République. En 1940, comme un soldat allemand de la XXVIIe division d’infanterie s’étonne que notre armée soit « haute en couleurs », un officier français prisonnier lui rétorque avec mépris : « Et alors ? Vous avez bien des Bavarois ! » Goebbels traitait les Français de « sadistes négrifiés ». Rosenberg soutenait qu’il n’y avait en France ni « blancs » ni « noirs », mais seulement des « nègres blancs ou noirs » Et les traités allemands de « statistiques ethniques » tels que Rassenkunde des Jüdischen Volkes mettaient d’ailleurs « noirs » et « juifs » dans le même sac.

Ceux qui veulent que les « noirs » de France se rassemblent pour compter dans le pays feraient mieux d’appeler Antillais et Africains à se rassembler sur une origine commune (l’Afrique), une histoire commune (l’esclavage et la traite) plutôt que de valider un fantasme éculé inventé par les Portugais au XVe siècle pour légitimer l’esclavage. Un fantasme malheureusement repris par les tenants de la négritude qui croyaient dur comme fer à l’existence d’une « race » noire. Comme quoi on peut être un grand écrivain et partager les préjugés de son époque.

Le mot « ethnique » a une histoire. C’est en 1896 que le théoricien du racisme français Vacher de Lapouge introduit la notion d’ « ethnie » dans son ouvrage Les sélections sociales. Les statistiques ethniques ont une histoire encore plus ancienne. En 1807, Napoléon, bien avant les associations communautaristes d’aujourd’hui, fait compter les « noirs » de France dans l’idée de les expulser. Dans cet esprit, la France de Vichy fera de même pour les juifs, marqués à l’étoile jaune pour que la couleur de leur peau ne fasse pas oublier leur « différence », c’est-à-dire leur prétendue « race ».
Les statistiques ethniques n’apportent rien à la lutte contre les discriminations. Au contraire.

Le classement selon la « race » ou l’ « ethnie », c’est le retour aux pratiques ignobles de l’esclavage, de la colonisation et de Vichy. C’est une façon de légitimer l’apartheid, de différencier les Français qui se voient « blancs », et qui constituent une écrasante majorité parlementaire, de tous les citoyens entièrement à part parce fichés comme colorés. Le classement ethnique, c’est aussi la porte ouverte au communautarisme, encouragé par des racistes pressés de voir exister le mal imaginaire qu’ils dénoncent.

Le modèle républicain d’intégration fonctionne mal, c’est vrai. Mais cela ne signifie pas qu’il faut le supprimer. Ce n’est pas parce que la sécurité sociale va mal qu’il faut la jeter aux cabinets.
Aujourd’hui, des discriminations existent en fonction du fantasme de la couleur : des gens se voient refuser un emploi, un logement. Au lieu de racialiser le débat et d’établir des quotas de « noirs » ou d’ « arabes » pour renforcer les ghettos, mieux vaut appliquer et renforcer le dispositif qui sanctionne les racistes. Mieux vaut retirer le mot de « race » de la constitution et des textes législatifs.

La France n’a aucune leçon à recevoir de pays anglo-saxons communautaristes qui ont pratiqué l’apartheid. La politique des quotas à l’américaine aentretenu le racisme. Tandis qu’en France on n’a pas eu besoin de quotas pour avoir des Condi Rice ou des Colin Powell. C’est le modèle républicain qui a permis, pour la première fois dans l’histoire, dès 1793, qu’un Afro-descendant, Alexandre Dumas, devienne général et commandant en chef d’une armée. Son fils, également nommé Alexandre Dumas, est l’écrivain français le plus lu dans le monde. Pas à cause des statistiques ethno-raciales.

Il ne semble pas non plus que ce soit à cause de la couleur de peau de l’auteur qu’on lise Les Trois Mousquetaires. Le pays des Dumas n’a pas besoin de lois racistes. Alors qu’attendent les députés et les sénateurs de toutes tendances pour rejeter cet amendement ?

Qu’attendent les responsables des associations antiracistes pour lancer une pétition et, s’il le faut, descendre dans la rue ?