Du danger des citations.

Du danger des citations.

Une des dernières fois que je suis allé à la porte de Pantin à scooter, je suis revenu en taxi. J’adresse donc le bonjour à la caillera qui m’a volé mon deux roues. Cette fois, c’est plus humblement en métro que je suis allé voir la générale du spectacle du Tunisien Lofti Achour, La Comédie Indigène (Paris, Tarmac de la Villette du 2 au 27 octobre).

C’était à l’invitation de Monsieur Guy, serveur au Flore le jour, homme de culture la nuit. Le voici à présent qui tient la chronique théâtre d’une émission de France Inter.

La Comédie Indigène est une rhapsodie de textes. Rhapsodie au sens grec : ils sont cousus ensemble. Je ne suis pas objectif, venant de terminer l’écriture d’une pièce à texte. Je n’aime guère les patchworks ni les citations. Donc je suis peut-être mal placé pour donner mon avis.

Mais il ne me semble pas que Lofti Achour concurrence Eschyle, Shakespeare ni Jean Vilar. Certes, le propos est bien-pensant : on critique le discours vantant le rôle positif de la colonisation. On cite Tocqueville, Maupassant et Flaubert pour montrer que c’étaient des pédophiles racistes, ce qui est parfois vrai. Et alors ? En rapetassant des textes vantant le rôle civilisateur de l’homme "blanc", des chansonnettes de 1931, le manuel d’instruction des tirailleurs sénégalais et le discours de Dakar, on arrive évidemment à quelque chose de bizarre, de drolatique. Mais c’est tellement convenu que j’ai fini par m’ennuyer. Je me serais même endormi si les sièges avaient été plus confortables.

Heureusement, les banquettes du Tarmac n’ont rien à voir avec les fauteuils du Sénat. Les souffrances qu’elles ont infligées aux tubérosités de mes ischions ont suffi à me tenir éveillé. Ce spectacle - déjà salué par le JDD ce qui est tout dire - aura sûrement beaucoup de succès, donc je peux être franc : il ne m’a pas beaucoup impressionné. Le texte d’Achille Mbembe qui ponctue ce salmigondis me paraît peu convaincant. Et c’est vraiment dommage. On eût aimé en effet que les textes fustigeant le racisme fussent à la hauteur des propos mis à l’index.

Tel n’était pas le cas. Toutefois, Thierry Blanc (qui joue un « blanc » justement) est excellent. Le talent n’a pas de couleur. Au fait, j’ai reçu un texte de mon amie Calixthe (Beyala) qui circule. Elle eût été bien inspirée de ne pas citer Voltaire au procès du racisme. Voltaire était le pire des négrophobes. Il écrivait bien, hélas. Maupassant, Tocqueville et Flaubert aussi.

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