Jolie Môme rend maboule la CFDT

Jolie Môme rend maboule la CFDT

Le 19 avril 2005, des intermittents du spectacle ont rendu visite à la CFDT pour lui demander des comptes sur la signature des « accords » les concernant. Deux ans plus tard, la centrale syndicale attaque deux manifestants pour « violation de domicile » !

Hier, via Léo Ferré, Jolie Môme, toute nue sous son pull, rendait la rue maboule. Aujourd’hui, Jolie Môme, compagnie théâtrale, rend maboule la CFDT. Mais le vilain refrain claironné par les cédétistes est beaucoup moins sexy… Explications.

Drapeau révolutionnaire flottant comme au temps des barricades, Jolie Môme a donné depuis 1983 des représentations bien épicées. Notons un spectacle sur la Commune de Paris, la pièce Crosse en l’air sur des textes de Jacques Prévert, les chansons rebelles de Légitime colère… Tantôt sur les planches, tantôt sous chapiteau, parfois dans la rue ou même directement dans les manifs, la compagnie Jolie Môme ne rate jamais une occasion pour soutenir de manière festive les travailleurs en lutte.

Le 19 avril 2005, la compagnie Jolie Môme s’est donc naturellement associée à l’action de collectifs et d’individus qui, à l’occasion d’une exposition ouverte au public, ont voulu rencontrer des dirigeants de la CFDT pour leur parler des conséquences de la signature des nouveaux accords UNEDIC (régime général, protocole des intermittents) sur la vie de milliers de personnes.

Près de cent personnes visitaient le siège de la CFDT, boulevard de La Villette, à Paris. L’échange espéré n’a jamais eu lieu. Au bout de deux heures, les intermittents, les RMIstes et les salariés à temps partiel ou en CDD ont vu débarquer les forces de l’ordre. Déterminée, mais tranquille, l’occupation s’est terminée sans aucun contrôle d’identité, ni aucune d’interpellation. Présent sur les lieux, Ludovic Prieur écrira dans la foulée un article pour HNS-info.

Curieusement, au printemps 2007, une brochette de dix manifestants a été convoquée par la brigade de Répression de la délinquance contre les personnes. La direction nationale de la CFDT a en effet porté plainte pour « diffamation publique, injures, provocations à commettre des infractions dangereuses, violation de domicile, dégradations, vol, violences ayant entraîné une interruption temporaire de travail de moins de 8 jours. » Pas moins !

Une instruction judiciaire est ouverte. Dans le cadre de la procédure, les dirigeants de la CFDT ont livré de nombreuses informations à la police afin d’identifier les auteurs de l’action : images enregistrées par le système de vidéosurveillance de la centrale syndicale, témoignages de salariés et militants de la CFDT, adresses de sites Internet où des informations sur l’action ont été publiées, noms de collectifs de précaires...

Deux personnes, Michel Roger (compagnie Jolie Môme) et Ludovic Prieur (animateur du webmedia associatif HNS-info), ont reconnu avoir participé à l’action dans les locaux de la CFDT. Ce qui leur vaut aujourd’hui d’être mis en examen pour « violation de domicile ». Le juge n’a pas retenu les autres charges avancées par la CFDT...

Malaise. « A priori un syndicat est là pour défendre les salariés, y compris les plus précaires, et non pour les attaquer ! », pestent les intéressés. Comme ils disent justement, « l’histoire du mouvement syndical, y compris celle de la CFDT, témoigne combien les moyens d’actions autres que la seule négociation ont permis de gagner des combats, d’obtenir de nouveaux droits ou de conserver des acquis sociaux ! Les grèves et les occupations sont parties intégrantes du combat syndical. » Alors, où allons-nous ? « Il est vrai que, depuis quelques années, la direction confédérale de la CFDT nous a habitué à favoriser les réformes libérales et à fréquenter les universités d’été du MEDEF plutôt que de les combattre. Outre sa signature des différents accords UNEDIC, qui pourrait avoir oublié sa participation active à la casse des retraites menée par François Fillon en 2003 ? » poursuivent les impertinents.

Des questions planent. « En quoi les précaires représentent-ils un danger pour la CFDT ? Pourquoi la confédération de François Chérèque sent-elle le besoin de criminaliser des personnes, des collectifs et des réseaux de lutte en mesure de s’opposer aux futures attaques ultra-libérales ? Que penser de la démocratie sauce CFDT lorsqu’on sait que les chômeurs ne sont pas représentés à l’UNEDIC (que la CFDT préside) et qu’ils sont persona non grata au siège de ce syndicat ? »

Michel Roger (compagnie Jolie Môme) et Ludovic Prieur (HNS-info) risquent jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Au-delà de leur cas, une victoire de la CFDT pourrait créer une fâcheuse jurisprudence pour tout auteur d’occupation de locaux publics ou privés. En revanche, une victoire des intermittents rappellerait à tous ceux qui l’auraient oublié qu’il est impossible d’écarter les personnes concernées de tout processus de décision.

Pour huer l’attitude de la CFDT, la pétition Si j’avais su j’y serais allé circule. Plus de 2 500 personnes, dont des militant-e-s CFDT choqué-e-s, l’ont déjà signée. Et vous ?

Pour lire et signer la pétition : http://www.cie-joliemome.org/petition/
Plus d’infos sur ces sites : http://www.cie-joliemome.org/ et http://www.hns-info.net