Fatou Diome : l’écrivaine au parcours atypique

Fatou Diome : l'écrivaine au parcours atypique

Elle a failli ne pas aller à l’école et elle est pourtant devenue un auteur à succès. La Sénégalaise Fatou Diome, associée à l’Unesco dans la lutte contre l’analphabétisme, représente incontestablement une victoire pour l’éducation en Afrique, où de nombreux enfants ne savent jusqu’à aujourd’hui ni lire ni écrire.

Fatou Diome, 39 ans, auteur du best-seller Le ventre de l’Atlantique, a participé avec d’autres écrivains à une anthologie en faveur de la lutte contre l’analphabétisme, L’alphabet de l’espoir, à l’initiative de l’Unesco qui édite l’ouvrage.

Dans son texte, L’instituteur, la Sénégalaise revient sur son parcours de petite fille pauvre de Niodior, une île de la région du Saloum (centre-ouest du Sénégal) où elle est née en 1968 et a été élevée par sa grand-mère.

L’instituteur, c’est "monsieur Ndétaré". Un homme "déjà vieillissant. Avec une lame pour visage, des fourches en guise de mains et des échasses pour l’emmener faire le fonctionnaire dévoué jusqu’aux confins du pays", écrit Fatou Diome, renvoyée plusieurs fois de l’école parce qu’elle n’était pas inscrite.

Une chance pour la fillette : "la classe de monsieur Ndétaré n’était jamais fermée". Alors, elle s’obstine à y aller. Elle a "triché, volé, menti, trahi (...) mais c’était pour la bonne cause" : apprendre à lire et écrire.
Par son entêtement, son intelligence aussi, la petite Fatou finit par être tolérée en classe par l’instituteur qui, à son tour, convainc sa grand-mère de la laisser aller à l’école et permet de "régulariser (sa) situation scolaire".

Alors, cet enseignant, "bien sûr que je me souviens de lui", déclare-t-elle, en lui rendant hommage. "Je lui dois mon premier poème écrit en cachette", "la première chanson française que j’ai murmurée", "ma première phrase française lue, entendue et comprise".
Je lui dois ma première lettre française écrite de travers sur mon morceau d’ardoise cassée. Je lui dois l’école. Je lui dois l’instruction. (...) Parce que je ne cessais de le harceler, il m’a tout donné : la lettre, le chiffre, la clé du monde."

Elle rend aussi hommage à sa grand-mère, qui se "passionna pour (ses) études", "surveillait (ses) révisions du soir devant la lampe-tempête" alors qu’elle ne savait ni lire ni écrire. "Ceux qui ont un bon guide ne se perdent pas dans la jungle", observe-t-elle, citant la doyenne, son "accompagnatrice".

Fatou Diome a quitté Niodior à l’âge de 13 ans, a connu des années difficiles dans d’autres villes de son pays, puis en Gambie et en France, où elle vit depuis 1994.Elle a signé en 2001 un recueil de nouvelles, La préférence nationale (Editeur : Présence africaine), qui a été suivi deux ans plus tard de son premier roman, Le ventre de l’Atlantique (Editeur : Anne Carrière). Un gros succès en librairie.

Son dernier roman, Kétala, est sorti en 2006 (Editeur : Flammarion). Ce parcours est plutôt rare en Afrique, où l’on compte un grand nombre d’enfants non scolarisés. Il y en aurait 77 millions dans le monde, dont plus des trois quarts en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l’Ouest, selon l’Unesco.

"L’alphabet de l’espoir" vise enfin à "promouvoir l’alphabétisation pour tous à travers des écrivains de renommée internationale", explique l’organisation onusienne, qui a publié l’ouvrage à l’occasion de l’édition 2007 de la Journée internationale de l’alphabétisation (8 septembre).
Rappelons que ce livre comprend également des textes de Nadine Gordimer (Afrique du Sud), Abdourahman Waberi (Djibouti), Gisèle Pineau, Erik Orsenna et Marc Lévy.