Paris-Le Caire ( 1er au 9 septembre 2007)

Paris-Le Caire ( 1er au 9 septembre 2007)

J’arrive au Caire le samedi 1er septembre 2007 à 18h, je dois me rendre à l’inauguration du 19e festival international du théâtre expérimental du Caire puis passer une semaine de vacances à découvrir le Caire et ses environs tout en assistant, à ma guise, à des spectacles, des conférences et des tables rondes à l’occasion dudit festival.

Je mets 3 heures à atteindre en taxi l’Opéra, qui se trouve en plein cœur de la ville. Je rate donc la cérémonie d’ouverture (zut il paraît que le ministre de la culture égyptien a serré la pince de mon amoureux, j’aurais bien voulu voir ça !) Mais j’assiste à un très beau spectacle de marionnettes géorgien « the wall » qui fait l’ouverture du festival.

Je comprends vite que 3 heures de voiture intra muros, ici ce n’est pas grand-chose, le rythme est si différent de Paris…

25 millions d’habitants, un flot de voitures incessant, les klaxons rythmant les battements de la ville à une cadence effrénée, qu’il soit 3h du matin, midi ou 22h il y a des embouteillages partout, mais le tempo du Caire reste aussi celui des pays écrasés par la chaleur, que ce soit pour le début d’un spectacle, ou pour un rendez-vous, le temps est élastique ici et une demi-heure, une heure de retard, ça n’est rien ;o)

Les moments de repos, je vais les trouver, en visitant les pyramides de Gizeh, de Sakkara, et la superbe oasis d’Al Fayoum, avec un lac salé en plein coeur, des chocs esthétiques, une sensation de retour aux sources. Et puis je vais avoir la chance de voir une petite dizaine de spectacles (dont des bijoux) qui sont proposés dans le cadre du festival qui en regroupe une soixantaine (théâtre et danse confondus). Un bon nombre de pays sont représentés dont une majorité de pays du Maghreb et du Moyen-Orient (moins le Liban, Israël et la Palestine).

Je suis saisie notamment par la qualité de plusieurs spectacles d’Asie, d’une très grande beauté scénographique, et par d’autres très originaux venus de l’ex-bloc d’URSS (marionnettes, danse…). Je vais rater quelques perles dont le spectacle guinéen, (la comédienne a reçu le prix d’interprétation féminine) et la Syrie, (dont le spectacle a reçu le prix du meilleur spectacle).

Et puis il y a les chocs culturels, celui que je perçois à travers mon regard de femme française et le choc des cultures au travers de l’outil théâtral.

Je suis typée du « sud », je passe donc facilement pour une fille du coin, ce qui peut être un avantage comme un inconvénient. Je me souviendrai toute ma vie du regard des hommes égyptiens à mon arrivée à l’aéroport du Caire, une femme seule et non voilée les dérangeait, manifestement. Par la suite je demanderai à mon ami de ne pas trop s’éloigner de moi dans la rue, car immédiatement les comportements masculins changent ; s’il est à mes côtés, je me sens protégée, s’il s’éloigne de quelques mètres, j’ai inévitablement droit à des regards agressifs et des provocations orales jetées au visage.

Il faut dire que je me couvre au maximum la tête et les bras mais que je ne porte un voile sur la tête que les jours où nous allons visiter des mosquées (je l’avoue, j’ai trop chaud, mais comment font-elles ?). Or ici, en 10 ans le nombre de femmes portant le voile a considérablement augmenté, j’ai fait le compte sur 122 femmes croisées dans la rue 12 seulement n’étaient pas voilées… Ici elles ont surtout un voile sur la tête, le visage reste le plus souvent visible à de rares exceptions près.

Les femmes qui portent le voile en France expliquent souvent que c’est un vrai choix, réfléchi, mais elles restent minoritaires donc repérables au premier coup d’œil dans la rue. Au Caire, quand je sens les regards des hommes se poser sur moi, je représente la minorité des femmes non voilées et je comprends qu’ici une partie des femmes souhaite sans doute suivre la tradition par choix, qu’une partie ne veut peut-être pas sembler différente à la majorité des autres femmes, mais qu’une autre catégorie ne veut peut-être plus supporter les regards déplacés des hommes dans la rue. Quant à celles qui ne portent pas le voile, pour mon regard d’occidentale ce sont des résistantes, mais bon c’est une autre histoire ;o)

Revenons-en au deuxième choc des cultures : via le théâtre. Il y a des colloques et les tables rondes : le festival aborde dans ces conférences des sujets comme la technique et la technologie dans le théâtre. Qu’est-ce que la technique au théâtre, y a-t-il une seule technique ? Qu’est-ce que la technologie au théâtre ? Et au milieu de ces questions comment arrive-t’on à se comprendre dans un festival quand il y a trois langues de référence, des traducteurs qui font leur possible pour être sur tous les fronts, mais qui doivent parfois en traduction simultanée passer du Français à l’Anglais puis à l’Arabe, avec des audio guides qui ne sont pas très hi Tech ? bref.

Mon ami vient faire une conférence sur Antonin Artaud et la technique, dans un colloque dont le thème est « théâtre versus technologie », je vais y assister, ainsi qu’à une table ronde sur le théâtre, la danse et les nouvelles technologies. C’est à cette table ronde que je vais avoir le plus grand choc. Pouvez-vous imaginer deux secondes des gens de théâtre (une majorité d’hommes pour les Maghrébins et les moyen-orientaux) écoutant des universitaires occidentaux parler de nouvelles technologies, de systèmes 3D, d’avatars et de capteurs sensoriels ? Pour ma part, je me régale, cela m’intéresse, mais je vois que les spectateurs s’agitent, que se passe-il ? Les réponses aux interventions ne traînent pas, elles disent que dans le coin, ils ont très peu de moyens, aucune subvention pour les théâtres, aucune aide, qu’ils ont pour la plupart à peine 100 ans d’histoire théâtrale (en Egypte c’est Napoléon qui a apporté le théâtre !). Donc ils ont tout à apprendre au niveau de l’écriture dramatique, du jeu d’acteurs, de la scénographie etc. et ces nouvelles technologies c’est un peu comme un jeu vidéo pour eux !

Voilà donc deux réalités qui s’affrontent, et même si il est question de Théâtre, il s’agit en fait de théâtres, de langages différents. Je ne suis pas sûre que les avatars soient l’unique avenir du théâtre lol mais je trouve le mot de la fin du président de séance assez pertinent. C’est un italien très distingué, il sent bien le choc des cultures, il va alors parler d’un nouveau langage à découvrir, petit à petit, même si les moyens ne sont pas là pour le pratiquer. En entendre parler, se familiariser avec lui, c’est un important conclura-t’il.

De mon côté, j’essaye de faire des comptes rendus du festival et de les envoyer sur le blog de ma compagnie de théâtre parisienne, je fais des photos et des vidéos avec mon téléphone portable (Nokia), j’ai pris mon macintosh sous le bras pour venir au Caire mais je vais découvrir, chaque jour passant, les déboires de la technologie au Caire, et je finirai par laisser tomber la mise en ligne des photos et des vidéos depuis le Caire et j’irai chaque jour, avec ma clef USB faire un tour au cybercafé du coin où les gens sont charmants d’ailleurs !

Je rentrerai en France après une semaine riche en rencontres humaines en émotions esthétiques, en découvertes artistiques, des images de désert et de pyramides pleins la tête, des bruits de klaxons pleins les oreilles, en fait je suis sur les genoux ! Vivement Paris que je me repose !

Festival international du théâtre expérimental du Caire :

http://www.cdf-eg.org/English/exp_theater/index_e.htm

Récit de voyage et détail des spectacles sur le blog d’Allegria

Les extraits de spectacles vus dans le cadre du festival de théâtre du Caire


Les minis interviews des membres du jury et du comité de sélection


La conférence sur le théâtre et les nouvelles technologies


La conférence sur l’expérimentation artistique et la technologie

A propos du théâtre au Liban