A Venise les projecteurs sont braqués sur l’horreur irakienne

A Venise les projecteurs sont braqués sur l'horreur irakienne

La 64e Mostra ausculte toujours le désastre humain causé par la guerre en
Irak, cette fois côté américain avec "In the Valley of Elah" de Paul
Haggis, et découvre "It’s a Free World" où le
Britannique Ken Loach dénonce l’exploitation des travailleurs étrangers. Sur
le Lido, les sculpturales actrices asiatiques Tang Wei et Joan Chen ont
cédé la place aux vedettes américaines : après George Clooney, noyé dans une
mer d’admiratrices éperdues à chaque apparition vendredi, le couple
hollywoodien le plus photogénique, Brad Pitt et Angelina Jolie, affolait
déjà les photographes, à l’affût de leur arrivée en jet privé.

Par Semmar Abderrahmane

Ils ne devaient toutefois fouler le tapis rouge que dimanche, pour la
projection de gala de "The assassination of Jesse James by the Coward Robert
Ford", où Pitt incarne Jesse James.
En revanche, la pulpeuse Charlize Theron était là pour "In the Valley of
Elah" où elle incarne une terne femme policier, mère seule, qui aide un
vieil ex-militaire à retrouver son fils soldat, disparu après son retour
d’Irak.
Comme "Redacted", film coup-de-poing de Brian De Palma sur le viol d’une
fillette irakienne par des soldats américains montré la veille, "In the
Valley of Elah" s’inspire de faits réels.
Paul Haggis, 54 ans, Canadien installé à Hollywood et scénariste chevronné
("Million dollar baby", "Crash") y explore les conséquences de cette sale
guerre sur la jeunesse et les idéaux de l’Amérique.
Cette fiction aux accents de polar montre de jeunes soldats dont la détresse
psychologique et la perte de repères sont telles à leur retour d’Irak qu’ils
boivent, se droguent, fréquentent les prostituées ou violentent leur
compagne.

La chute morale de l’Amérique est illustrée par l’opposition entre cette
jeunesse sacrifiée et Hank Deerfield (Tommy Lee Jones, excellent), militaire
retraité, un homme patriote à la moralité d’acier et aux manières raides.
Susan Sarandon endosse le rôle un peu mince d’une parfaite "mater dolorosa"
dans ce film de bonne facture hollywoodienne, où Haggis invoque de façon
très explicite la "vraie" Amérique, symbolisée par la Bible ou la bannière
étoilée.
Le festival a découvert aussi deux autres films en lice pour le Lion d’or :
"Les amours d’Astrée et de Céladon" du Français Eric Rohmer et "It’s a Free
World" de Ken Loach.

Fidèle à son cinéma réaliste et humain qui traque inlassablement l’injustice
sociale ("Sweet sixteen", "The Wind shakes the barley"), Ken Loach décrypte
les rouages de l’économie mondialisée, qui met à disposition des entreprises
des déshérités du monde entier, main d’oeuvre peu chère et corvéable à
merci.
Servi par des comédiens non professionnels tous remarquables, comme souvent
chez Loach, le film déroule un excellent scénario, émouvant et aux
personnages complexes, qui fait affleurer une réalité sociale noire, mais
pas désespérante.

Angie - Kierston Wareing, une vraie révélation pour cette édition, est une
maman célibataire qui affronte la vie crânement, sous ses allures de Pamela
Anderson de banlieue. Mise à la porte d’une entreprise de recrutement en
Pologne, elle rentre à Londres pour fonder avec une amie une agence
d’intérim, qui donne à des travailleurs sans papiers, ukrainiens, polonais
ou afghans, des emplois non qualifiés d’"un jour, une semaine ou un mois",
en toute illégalité.

Une fois prise dans l’engrenage de l’argent facile, cette jeune femme
attachante ira de plus en plus loin dans l’exploitation de la détresse
humaine.
Très américaine cette année, la Mostra accueillera dans les prochains jours,
en provenance des Etats-Unis, "I’m not there" de Todd Haynes sur la vie de
Bob Dylan, ou encore "The Darjeeling limited" de Wes Anderson.