Le Goût du péché - Rentrée littéraire 2007

Le Goût du péché - Rentrée littéraire 2007

Voici ici narré le journal intime de Nellie, seize printemps, qui s’ennuie ferme car l’été est fini, dans un grand hôtel de Normandie. Vous aussi vous regrettez cet été ?

Certains évoquent un étrange arrière-pays pour nous inciter à aller plus loin. Au-delà de nous-mêmes. Pour aller y voir un lieu de paradis où l’amour possède plusieurs sens dans la manière dont on le pratique, selon les formes et les genres. Un pays de Cocagne où l’étalon s’adonne à satiété au parcours des corps humides et au dessin d’une autre Carte du Tendre. Un espace non clos où les poètes se retrouvent.

Cet arrière-pays, celui si proche du jardin secret, celui de Bonnefoy aussi, Arrière-pays
physique à mettre tout de suite en parallèle de l’arrière-pays
psychique, celui de la chambre rose aux volets clos par rapport au pays
des fantasmes. De cette alchimie découle une harmonie, cette fameuse
présence qui a un sens pour Bonnefoy car elle transforme le figé en
paroles, et permet à celui qui sait bien y regarder et écouter, de
saisir l’absolu au bout de nos errements.
Ici, dans cette promesse, est donc le lieu.
Esparbec
ne le dit pas autrement, tout simplement d’une autre manière ces
choses-là sont dites... Style médical et diaboliquement précis que l’on
retrouve ici dans le journal intime de Nellie, jeune fille de seize
printemps qui s’ennuie l’été fini dans un grand hôtel de Normandie...

Papa est rentré pour s’occuper d’activer la fin des travaux de la nouvelle
maison familiale, et elle doit demeurer avec sa mère encore trois
semaines alors que les estivants sont partis et que le temps n’est plus
de la partie. Sa copine Birdie avec qui elles se "truquaient" est elle
aussi rentrée à Londres. Alors Nellie s’applique à lécher son style et
à se laisser séduire par un vieil aristocrate à la lanterne qui
s’adonne aux caresses et lustre à merveille l’abricot à peine ouvert de
cette jeune nymphomane ; elle espionne aussi sa mère et la voit
prendre amant comme chienne son maître dans des jeux de scène que le
divin Marquis n’aurait pas reniés. Tout ce petit monde s’en donne à
cœur joie sous les tentures fades et le ciel plombé. On prend la pose
pour une photo cochonne ou un jeu de rôle, pour montrer à l’œil
mécanique l’intérieur de ses intimités ou offrir son œil noir aux
fougues viriles d’un amant. Passe le temps, colombe sur le rivage
humide, et l’onde du plaisir dévaste les âmes comme la tempête fait
table rase des copeaux insolents qui osent affronter son autorité.

Sommes-nous
frappés d’un mal mystérieux de l’esprit ou sont-ce ces quelques replis
de l’apparence qui enflamment ainsi nos sens ? Ici la forme d’un
vallon où le galbe se dessine sous les frous-frous, là le signe
immortalisé de la foudre tombée comme par hasard sur la tête d’un groom d’hôtel aux cheveux poil-de-carotte... Et la langue comme la tradition
se comporte en amie et porte haut le verbe scandé pour sauver le
sentiment d’abandon. Et ces scènes à la ressemblance mirée dans le tain
de la vie demeurent secrètes puisqu’il en va ainsi de la société
hypocrite qui affiche ses morts et tait ses plaisirs. Cette Odysée
du sexe n’est pas qu’un roman pornographique comme le souligne la
couverture. Elle est aussi la flamme d’une littérature qui ne se
brûlera jamais les ailes puisqu’elle conserve en elle l’infime
espérance à jamais dévolue à la concupiscence qui n’est pas un péché.

Esparbec, Le Goût du péché, La Musardine, août 2007, 384 p. - 9,90 €