Dictionnaire raisonné du punk par Pierre Mikaïloff (Interview)

Dictionnaire raisonné du punk par Pierre Mikaïloff (Interview)

Un dictionnaire et un de plus ! Certes non ! Pierre Mikaïloff a choisi de réaliser « Le dictionnaire raisonné du punk ». Rempli de noms célèbres, d’anecdotes, de dates, de lieux, le livre de Pierre décrypte ce qu’est le mouvement punk, né en 1977. Pour une fois, les Français ne sont pas en reste puisque l’auteur en parle autant que des Anglo-Saxons. Ce qu’il faut retenir surtout, c’est que « Le dictionnaire raisonné du punk » est avant tout un roman écrit autrement. Comme il est rangé par ordre alphabétique, on peut le lire comme on en a envie, à l’endroit, à l’envers, en avançant, en reculant. Le ton est impertinent, le tout est ludique et s’adresse à tous.

Punk un jour, punk toujours !

Questions/ réponses autour du mot punk :

1. Bonjour Pierre. Est-ce que raisonné et punk vont bien ensemble ?

Il s’agit, dans ce « Dictionnaire raisonné du punk », d’adapter au punk rock la démarche de ces deux grands punks du XVIIIe siècle qu’étaient Diderot et d’Alembert. Le terme raisonné, dans ce contexte, signifie « analyse objective d’éléments à charge et à décharge se rapportant à un sujet donné ». Trente ans après les Sex Pistols, il n’était plus temps pour un brûlot écrit dans l’urgence, comme L’aventure punk, d’Eudeline, Un jeune homme chic, de Pacadis, ou Punk Seventeen Rock, d’Alexis Quilin - que Régine Deforges avait eu le courage et le mérite de publier à l’époque.

2. Comment avez-vous procédé pour sélectionner les noms qui devaient rentrer dans ce dictionnaire ?

Tout d’abord, pour être retenu, il fallait que le groupe, personnage, objet, fringue, etc., ait un rapport avec la période 75-78. Ce qui inclut les proto-punks (Stooges, MC5, New York Dolls) et les groupes qui ont sorti leur premier disque en 78, soit les tout débuts de ce qu’on a appelé la new wave. J’ai donc épluché la presse anglaise des années 2006-2007 – les Anglais ont énormément commémoré la naissance du punk - et ressorti tous les noms qui revenaient à chaque fois. Pour la France, j’ai relu Alain Pacadis et Christian Eudeline, et, même chose, j’ai essayé de faire ressortir les noms incontournables. Pour finir, j’ai ajouté des gens que j’estime importants, même si je suis le seul à le penser. Subjectivité revendiquée ! Je dois tout de même confesser que j’aurais aimé que le livre fasse 300 pages de plus pour y ajouter des dizaines de groupes qui l’auraient mérité.

3. Franchement, zip, c’est punk ?

Le zip était vachement utilisé par Vivian Westwood dans ses collections, et, ensuite, repris par tout le monde, donc, oui, « franchement », c’est punk.

4. D’ailleurs, être punk aujourd’hui qu’est-ce que cela signifie ?

Aujourd’hui, en 2007, je ne sais pas. Moi, j’avais envie d’être punk en 77. En 78, je n’en avais déjà plus envie. Alors aujourd’hui…

5. Marie France était l’égérie des punks à l’époque. En lisant les anecdotes, on se demande si leur vraie muse/héroïne n’était pas la drogue héroïne ?

Ce n’est pas tant punk que générationnel. L’héroïne était très présente, à Paris, en 1977. Pour s’en convaincre, il faut relire les journaux de l’époque, certains romans, revoir certains films… Et, surtout, l’héroïne était moins chère que d’autres drogues. Beaucoup de punks que j’ai interviewés en consommaient. Il ne faut pas oublier que le punk était un mouvement libertaire, sans tabou.

6. Sexe, rock and roll et gaudrioles… Cela aurait pu être un slogan punk ?

Contrairement aux apparences, le punk me semble avoir été prude. Il y eut, certes, quelques fêtes avec des scènes dignes du Cocksucker Blues de Robert Frank, mais les Johnny Rotten, les Sid Vicious, étaient de grands timides. Chez les branchés, les mondains, qui suivaient parfois les punks, il y avait plus de sexe, en revanche. Ces gens, un peu plus vieux et nettement plus friqués que les punks, étaient attirés par le fait de voir ces gens très jeunes habillés de façon outrageuse. Mais ils étaient déçus quand ils constataient que les punks jouaient avec l’imagerie SM, mais ne passaient pas à l’acte. Enfin, pas toujours… Les filles étaient plus délurées. Comme Siouxsie qui, un jour, a réquisitionné le journaliste qui était en train de l’interviewer pour satisfaire un besoin bien peu journalistique. Celui-ci ne protesta pas d’ailleurs.

7. Qu’a réellement apporté à la musique le mouvement punk, à part des déjantés qui pensaient révolutionner le monde ?

Il a apporté de la bonne musique, du rêve, l’envie de participer à truc, l’envie de créer quelque chose à son tour. Il faut être déjanté, de toute façon, pour penser qu’on va changer le monde… Pour ma part, j’aime tous ces déjantés d’une tendresse profonde.

8. En 1976, la canicule a fait 5000 morts dont tout le monde se moque éperdument (Cela a été dit récemment à la télévision). Par contre, vous dites que 1977 était l’année magique. Pourquoi ?

C’est le moment où le mouvement explose, où les grands disques sortent, ça coïncide aussi avec le jubilé d’Elisabeth II, que les Sex Pistols ont divinement perturbé, et c’est dix ans après l’été des fleurs, l’occasion de dire aux hippies : good bye !

9. « Tout tout tout, et le reste, sur le punk »

Oui, le « reste », c’est ce qui compte, justement : les détails… En marge des groupes, des disques, des films, je parle de ces choses essentielles, comme le « hand me down ». Car dans ce livre, je révèle en exclusivité mondiale l’origine du « hand me down » !

10. Bardot, Lio, le marquis de Sade, Barbey d’Aurevilly, Oscar Wilde, Andy Warhol… Quel rapport ?

Aucun, sauf que c’est la même chose : ce sont des icônes. Le punk se nourrit de références culturelles, tout en brisant les hiérarchies. Par exemple, il est temps de mettre sur un pied d’égalité une photo de Lio et un poème d’Oscar Wilde. Le punk se situe quelque part entre la culture savante et la culture populaire, l’art contemporain et le roman de gare, le dandysme et les sandales en plastique, la pop acidulée et les dissonances expérimentales. Le punk, c’est simplement l’écho du XXe siècle, le mouvement culturel ultime d’un monde en train d’exploser. Rappelons-nous qu’en 1977, on est en pleine guerre froide, nos vies ne valent plus grand chose. On peut mourir demain, parce qu’à Moscou ou Washington, un ordinateur aura buggé et déclenché l’apocalypse…

Propos recueillis par Cali Rise

*Crédits photos Audrey Cerdan

Le dictionnaire raisonné du punk, Pierre Mikaïloff, Editions Scali 304 pages 24 €

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