Hippolyte est le Maître de la BD

Hippolyte est le Maître de la BD

Hippolyte fait partie de la jeune génération montante des créateurs de BD. Quand on a dans ses mains ses œuvres, déjà, on caresse la couverture au toucher surprenant. Et puis, on se laisse surprendre par ses magnifiques dessins. Rares sont les illustrateurs qui utilisent sa technique et rares sont ceux qui ont une passion pour Stevenson.

Hippolyte est l’exception au regard bleu, au doigté exceptionnel et à la plume magique. Parce qu’un dessinateur de BD, ce n’est pas un écrivain raté, bien au contraire. C’est avant tout un artiste qui sait allier plusieurs techniques afin de satisfaire le plus grand nombre de lecteurs.

Voici donc Le Maître de Ballantrae, une adaptation du roman de Stevenson, mis en scène par Hippolyte, le maître de la BD de luxe. Même Michel Le Bris, spécialiste de Stevenson et auteur de la préface, n’en est pas revenu !

Rencontre avec un être passionné et passionnant :

1. Bonjour Hippolyte. Etes-vous tombé dans le graphisme comme d’autres tombent en pâmoison ?

Bonjour, bonjour. En pâmoison donc ..? Du fait de se pâmer ? Et bien non, pas vraiment, je ne suis pas rentré dans ce métier comme un fan ou en me disant que je voulais « faire comme untel », je suis tombé là-dedans parce que c’est ce qui me fait vivre, respirer. J’ai besoin de toucher des éléments, des mediums artistiques. D’expérimenter des choses. Cela passe alors par le graphisme, l’illustration, la photo, la peinture, la bd, la gravure, la sculpture et toutes les choses que je n’ai pas encore essayées. Je sais juste que j’ai du mal à passer une journée sans avoir réalisé quelque chose, ou sans avoir vu quelque chose qui ait suscité mon intérêt. Comme j’ai l’ego d’un artiste je m’emploie souvent à créer ce moment …

2. Vous créez (ou vous adaptez) des histoires en bandes dessinées. Auriez-vous peur des mots ?

Cela n’est pas antinomique. La bd est riche de mots. Elle est le subtil équilibre entre l’image et le texte, le rapport troublant entre les deux. Le texte n’est pas l’élément pauvre d’une bd, il rythme le récit et apporte lui aussi une couleur à l’ouvrage.

Quand j’adapte Stevenson, mon grand bonheur est de mettre en exergue les mots de Stevenson, sa verve. De choisir les passages qui « font » le style Stevensonien, de montrer aux lecteurs à quel point chaque mot est précis, touche juste. Dans mes bds, j’essaie de mettre cela en avant, c’est à la fois mon grand luxe de pouvoir jouer avec des textes aussi sublimes et mon envie de les faire partager ou découvrir aux lecteurs sous une autre forme.

Après, et je comprends le sens de votre question, je ne me sens pas à l’aise pour écrire sous la forme d’un roman. Mon écriture, c’est la narration bd, ou l’image narrative. Ecrivain, c’est autre chose. Même si je pense que fondamentalement on raconte tous des histoires, on fait passer une part de nous même, point.

3. Comment vous est venue l’idée d’adapter l’œuvre de R. L. Stevenson en BD ?

J’ai découvert Stevenson assez tard en fait. Je ne l’avais jamais vraiment lu autrement que par des versions édulcorées de L’Île au trésor (superbe version mange-disque de mon enfance) ou de Dr Jeckyll et Mr Hyde. Et là, en le découvrant réellement, j’ai été frappé par le souffle qu’il insufflait à ses récits, j’étais transporté, chacun de ses romans me faisait voyager, m’emmenait dans des aventures incroyables et m’amenaient une foule d’images extraordinaires !

Quand on lit Stevenson, le crayon vous démange ! Et puis en dehors du côté aventure, il y avait ces récits sombres, avec des destinées humaines incroyables, une lecture monstrueusement juste de la société et de ses mœurs, des travers de l’âme humaine. Sous couverts de piraterie, de voyage au long cours, Stevenson nous parle de l’être humain, sans concession et d’une manière incontestable et ça, ça m’intéressait, de dépasser ce côté « littérature d’aventure pour adolescents » et de le montrer sous son vrai jour, comme il m’était apparu. Et en cela « Le Maître de Ballantrae » est sans doute son plus grand chef-d’œuvre.

4. Vous utilisez l’aquarelle pour dessiner vos planches. Est-ce une méthode courante dans ce genre de littérature ?

De moins en moins en fait. Mais c’est de cette manière que je voyais les images en lisant le roman. J’avais une vision très précise de ce que je souhaitais faire. Et c’était à l’aquarelle, inévitablement. Car cette technique me permettait de passer de la lumière et d’une certaine forme de légèreté à quelque chose de beaucoup plus sombre en un clin d’œil. Il fallait également une technique qui rappelle les grands récits d’aventures, de voyage, une technique chaleureuse et chatoyante… La tendance actuelle est plutôt à l’ordinateur et à des couleurs souvent assez froides. J’aimais bien cette idée de faire une belle bd d’aventure à l’ancienne, avec une vraie belle technique traditionnelle. L’idée était également de soigner l’objet livre, avec un beau papier, une couverture toilée, bref la forme était dépendante du fond et rien n’est à négliger pour se plonger à plein dans l’histoire et l’atmosphère que l’on souhaite créer.

5. Le Maître de Ballantrae n’est pas votre premier essai, normal pour un maître. A quoi fonctionnez-vous ?

Au plaisir. Ça peut paraître très banal, mais c’est une évidence, il faut que je me fasse plaisir sur chaque projet. Et c’est pour cela que je pars à chaque fois dans des directions assez différentes, pour garder intacte cette idée de plaisir, de découverte, pour vivre ces petits moments de bonheur, ces petits moments de grâce où l’on arrive à des choses que l’on n’aurait pas soupçonné … C’est souvent quelques secondes dans une semaine, mais ça la remplit bien souvent.

6. Expliquez-moi pourquoi vos photographies ne contiennent aucun personnage alors que vous en dessiner beaucoup ?

Bonne question. J’ai même l’impression d’éviter les personnages dans ma photographie… en fait, l’important c’est l’image, sa composition. Souvent les personnages viennent comme un appui graphique dans mes photos, ils sont un point d’encrage pour l’œil, ou alors bien souvent ils permettent de donner une échelle à l’ensemble, puisque j’aborde énormément l’espace et les éléments dans mes photos.

Mais c’est vrai, dans mes photos il n’y a pratiquement aucun personnage et je peux traverser un pays pendant un mois sans avoir pris un seul portrait mais uniquement d’immenses paysages, de beaux ciels, des rapports colorés, alors que je faire essentiellement des croquis de personnages… Je pense que j’arrive plus à saisir ce qu’est une personne en dessin, à me l’approprier, alors qu’une photo me parait plus juste pour capter la beauté d’une lumière ou d’un ciel d’orage.
Disons que c’est ma façon de remplir ma bibliothèque imaginaire !

7. Vous dites aimer le jazz. Quel part a-t-il dans votre créativité ?

J’ai mes moments. Le jazz ne convient pas pour tout. Et je n’écoute pas toutes sortes de jazz. J’ai une grosse prédilection pour le jazz de Coltrane essentiellement, qui a vite tendance à me mettre dans une sorte de douce transe, et cela me convient très bien lorsque je peins ou que je réalise quelque chose en oubliant un peu mes inhibitions. Disons qu’il me transporte et me porte.

8. De Crécy, Hitchcock et Polanski… Quel rapport ?

De Crécy et Polanski ont un rapport pictural, le Polanski du Bal des Vampires surtout, avec ces « gueules » incroyables, à la limite de l’expressionnisme, mouvement où De Crécy tire nombre de références visuelles. C’est ce qui m’intéresse chez eux, comme chez Hitchcock, la précision de l’atmosphère qu’ils mettent en place. Tout concourt au but qu’ils se sont fixés. C’est le propre des grands maîtres, rien n’est laissé au hasard, tout est pensé, s’équilibre, entre en résonance, mais rien de tout cela ne se sent au premier abord, vous êtes juste transporté, comme chez Coltrane…

9. « Qu’aimerais-tu faire quand tu seras plus grand ? » Que répondiez-vous enfant et que répondriez-vous maintenant ?

« Dessinateur M’sieur ! », la réponse a toujours été la même, hormis une courte période « chauffeur de bulldozer ».

Maintenant je dirais la même chose, je vis mon rêve chaque jour et j’ai des idées plein la tête pour les années à venir !

10. Combien de livres sont prévus pour raconter l’histoire du Maître de Ballantrae ?

Deux. Le second et dernier tome est prévu pour fin septembre, ensuite on partira vers d’autres aventures …

Le Maître de Ballantrae, Livre premier, Hippolyte, Denoel Graphic

Le Maître de Ballantrae, Livre second paraîtra fin septembre

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