Lefèvre est Utile

Lefèvre est Utile

Quand Jean-Romain Lefèvre s’installe à Nantes en 1846 pour y reprendre une pâtisserie, il ne se doutait pas qu’il allait faire le bonheur de plusieurs générations de petits écoliers français.

S’il vend d’abord le fameux biscuit anglais Huntley & Palmers dans sa boutique, il n’imaginait pas non plus qu’un siècle et demi plus tard, son fonds reviendrait dans des mains anglo-saxonnes. Mais entre 1850, où le pâtissier se marie avec mademoiselle Utile et fonde la maison Lefèvre-Utile, et 2007, où le géant Danone la cède à son concurrent américain Kraft Foods, l’entreprise a connu beaucoup de vicissitudes. C’est d’abord Louis, leur fils, qui fait construire en 1885 une usine quai Baco, pour produire 3 tonnes de petits-beurre par jour, selon une recette mise au point l’année suivante.

Il utilise à fond la publicité, ainsi l’image du petit écolier remporte-t-elle un franc succès grâce au crayon de Firmin Boisset qui l’imagine en 1897. L’entreprise fait la fierté de la ville de Nantes, qui s’enorgueillit des deux tours LU, édifiées en 1909 et dont l’une d’elle a été conservée en tant que symbole de l’architecture industrielle. La marque acquiert après 1940 une notoriété sans égale en distribuant des biscuits caséinés dans les écoles et les camps de prisonniers, mais c’est en 1957 que son logo rouge et blanc est élaboré par Raymond Loewy.

L’entreprise sort du patrimoine familial en 1968 en fusionnant avec Brun et L’Alsacienne, qui est absorbé par Général Biscuit en 1974, puis par BSN qui devient Danone en 1994. Au mois d’avril 2001, un plan de licenciement provoque une levée de boucliers dans le public, car les motivations du groupe ne sont pas le fait d’une situation déficitaire. Les deux usines visées, à Évry et Calais, sont fermées quand même en 2004. Et c’est le jour où François Fillon fait son discours de politique générale que se concrétise la cession de la branche biscuiterie de Danone à l’Américain Kraft Foods qui vise ainsi le premier rang dans ce secteur.

L’offre est alléchante, car au prix de 3,5 milliards d’euros, elle est supérieure aux attentes du marché. L’acquéreur a prévu de maintenir les activités européennes des activités de biscuiteries de Danone dans une entité distincte et dont le siège sera en France, et qui restera pilotée par l’équipe actuelle, du moins pour les 3 prochaines années. Danone, qui essaie désespérément d’investir le marché chinois de l’eau minérale, y trouve une aubaine inespérée en cash.

 

 


Pour les biscuits nantais, dont la lutte éphémère
Avait ému pendant des mois le corps social,
L’angoisse est revenue au niveau initial
Car le sort de l’usine était une chimère…

Si le patron n’est plus celui de ma grand-mère,
Le profit reste encore un système impartial
Quand bien même il aura toujours un air glacial :
Du coup, les petits-beurre ont la pilule amère !

Si nous devons nous mettre à jour des grands défis,
On risque aussi d’avoir un jour des salsifis
Dans notre assiette, avec plus rien pour garniture,

Quand nous perdons encore un peu du potentiel
D’un savoir-faire utile et qu’on jette en pâture
Un gâteau qui fera plaisir aux fils du ciel.

 

Une publicité murale pour la marque LU :
Une vue de la biscuiterie LU à Nantes :
Une des deux tours a été conservée :
Mobilisation à Calais en 2001 pour l’emploi :
Manifestation syndicale en faveur de LU :
Franck Riboud et Irène Rosenfeld le 3 juillet :