Terrorisme international, aveuglement et surdité du monde

Les otages du Sahara algérien sont enfin libres… L’on apprend quelques jours après leur libération que nous la devons aux bons offices de la Libye qui aurait payé de son propre chef 5 millions de dollars qu’elle se refuse à appeler rançon. Déjà la Libye était intervenue, de manière identique, dans la libération des otages de l’île de Jolo… Voilà le doute qui revient.

La Libye a-t-elle renoncé au financement du terrorisme ou a-t-elle trouvé ce nouveau moyen pour le faire au grand jour ? Donner de considérables sommes d’argent en échange de libération d’otages tout en refusant d’appeler cela des rançons, à des groupes que l’on se refuse de nommer terroristes, cela ressemble à du financement direct… Ainsi donc l’on peut se demander si la Libye n’a pas simplement inventé une nouvelle manière de financer les groupes violents, en impliquant, malgré eux, les pays et victimes actuels et futurs ? Je refuse l’angélisme comme la théorie du complot : je crois que la Libye essaie véritablement de diminuer son influence sur les grandes organisations terroristes. Mais elle garde avec eux ce lien essentiel qu’est le financement, même indirect, pour le cas où ses tractations avec le reste du monde échouent.

Ailleurs, à Bagdad, un attentat apporte la mort aux personnels de l’ONU ; partout les réactions sont unanimes pour condamner cette attaque contre ceux, dit on, qu’il ne fallait surtout pas attaquer. Au delà de l’atrocité de toutes les actions violentes, partout commises ou subies, ne faut il pas aussi s’interroger sur le message contenu dans l’horreur… ? Dans la poussière et le sang, le message, à Bagdad, apparaît clairement ; même la présence de l’ONU, qui doit faire accepter, médiation oblige, la présence des troupes coalisées, est rejetée. Non à l’occupation et non à ceux qui essaient de la rendre supportable.
J’aurais préféré que l’intervention en Irak fût conduite sous couvert de Nations véritablement Unis. Pour autant, avec ou sans l’ONU, cette guerre du Golfe à détruit le régime de Saddam Hussein, libérant le peuple irakien du joug d’un dictateur. Il est temps que les troupes de « libération » se retirent et passent la main à une Organisation Internationale, sans quoi, l’Amérique confirmerait le soupçon qui pèse sur elle, de colonialisme…

Et puisque nous évoquons des situations coloniales, comment ne pas encore parler du sort réservé aux palestiniens ? Arafat est écarté au profit d’Abu Mazen. Tous les groupes armés palestiniens déclarent une trêve unilatérale, pour donner à Abu Mazen, nouveau premier Ministre imposé aux palestiniens, le temps d’obtenir la libération des prisonniers politiques, l’arrêt des assassinats ciblés et l’arrêt de la colonisation. Au lieu de saisir cette chance de paix (c’est la troisième trêve que déclarent les organisations palestiniennes), Israël accentue sa politique d’assassinats ciblés, « d’implantation » et ne relâche de ses prisons que quelques « droit commun »…

La moquerie s’ajoute au drame ; les attentats, aussi condamnables que l’attitude d’Israël, reprennent. Les représailles s’enchaînent… Ironie, les USA font appel à Arafat pour qu’il ramène le calme. Une fois encore, la paix, inéquitable certes, à laquelle les palestiniens se résignent, était à portée de main. Israël, en ne cessant rien de ce qui lui est reproché, l’éloigne. Les palestiniens, et Arafat en tête, portent également une lourde part de responsabilité dans le drame qui se dénoue sous nos yeux selon un scénario connu de tous ; celle de ne pas organiser la vie politique de sorte à marginaliser les fous de Dieu. Mais est-il possible de demander à des victimes de renoncer aux quelques armes qu’ils trouvent, même si ces armes frappent aveuglement ? Bien entendu les attentats palestiniens contre des civils israéliens restent condamnables et le sang versé, de part et d’autre, éloigne l’optimisme.

Mais, même en condamnant toutes les formes de violences, dont les attentats, comment rester sourd et aveugle à ce que la violence veut dire de désespoir et de détermination ?

Illustration : collage de Frédéric Vignale

Illustration : collage de Frédéric Vignale