Va prendre un café chez les grecs !

On ne le dira jamais assez, le rire est éminemment un plaisir intellectuel. En cela, il est fort regrettable de n’offrir au bon peuple que des divertissements grotesques, piteux, lamentables et creux. Il faut élever le rire vers le haut, c’est là une entreprise de salubrité publique qu’il faut défendre avec le plus grand sérieux.
Heureusement dans ce brouillard d’analphabètes rigolards aux récréations fadasses arrive sur les étales de vos libraires non vaccinés contre le rire, le premier roman de Jean-Joseph Julaud, un plaisir festif, moderne et gai pour jeunes et vieux, un petit pavé dans la mare méditerranéenne, jubilatoire et intelligent en prime.

C’est l’histoire tentaculaire d’une réunion improbable ; les zygomatiques et le cortex enfin réunis pour une danse romanesque, abracadabrantesque du plus bel effet stylistique, un ravissement pour les sens, l’essence et les sanscrits (sorte de mot valise improvisé signifiant « écrits du sens " en Inde). Le colosse de Rhodes se marre encore et en tremble de toute sa stature véloce.

Mais pénétrons plus franchement ce texte à la poésie thérapie rare et salvatrice, au verbe fin, à l’élégance naturelle et érudite malgré les déconnades subtiles et retordes qui s’y cachent. Voici les aventures d’un couple d’exilés provisoires de province, Serge Tullier (ex-tailleur sachant tailler sans fauter) et sa belle et mystérieuse femme Emmanuelle, qui décident de quitter les amarres pour un long week-end définitif à Rhodes (cf. la chanson célèbre « Week-end à Rhodes »)

Par hasard, du moins le croient-ils, les naïfs (ahahahahahahaahahahahah) rencontrent un curieux détective au nom improbable et fourbe, Jude Delator, qui se propose de réaliser une enquête très particulière aux résultats incertains sur nos héros quinquagénaires, panel cible de l’Audimat et du Magazine « Notre temps » (« Time » in English).
Voilà vous l’aurez compris, cette fameuse enquête, au fur et à mesure des missives va se révéler folle, délirante, dangereuse et destructrice pour l’équilibre du couple gentillet jusqu’à sombrer dans une cascade de rebondissements faméliques, intolérables et très cinématographiques, pour finir dans une descente aux enfers terrible qui risque bien de vous faire perdre le sommeil et la sérénité jusqu’à la fin de vos jours.

Qu’il est bon de lire JJJ, trois lettres pour l’avènement médiatique, la signature commode en dédicace et la retenue facile d’un grand nom de la pignolade littéraire. Il faut chouchouter ce Julaud, il est l’un des derniers de sa race. Voilà un rire qui n’avilit pas, qui se moque peu et instruit plus qu’il n’y paraît. Une panacée contre la canicule et les saloperies des hommes.
Faisons l’accolade russe et appuyée au saint homme qui a poussé notre auteur à se confronter au roman pour le bonheur du monde des livres, de la dramaturgie et la pérennité de tout un genre livresque dont il est le chef de file.

Mais soyons juste et moins partial (et pas spartiate) , au-delà du côté joyeux et amusant de la manœuvre, c’est avant tout avec un véritable romancier que nous avons affaire, un artisan du verbe fort, du mot juste et de l’expression limpide et belle qui tombe comme un costume de marque chez un tailleur de Sombreuil.

Bravisso, Jean-Joseh, venez encore vous faire voir dans les calanques littéraires, une plage de libre expression longue et fertile vous y attend. A lire pour soi, à offrir aux autres, à lire en séminaires tristes, à faire découvrir autour du verre de l’amitié. Un café pas trop serré de préférence.

Le site officiel de JJJ

Café Grec, Jean-Joseph Julaud, Cherche Midi, 2003.

Café Grec, Jean-Joseph Julaud, Cherche Midi, 2003.