Van Gogh en Arabie

Van Gogh en Arabie

Rien ne vaut un roman pour dire autrement les choses qui fâchent. Et il y a beaucoup à dire sur ce qui se passe réellement au pays de l’or noir. Oui, en Arabie Saoudite la vie n’est pas un havre de paix, ni une sinécure pour peu que l’on ne soit pas né dans la bonne caste …

En dressant un portrait de gueules cassées, Yousef Al-Mohaimeed, journaliste de son état, parvient à peintre l’autre face du miroir sans tain de la société saoudienne, si bien sous tous rapports, engoncée dans son hypocrite régime coranique poussé à l’absurde. Preuve qu’il a dépassé les bornes, son livre a paru à Beyrouth. Il vient d’être traduit en anglais aux éditions de l’Université américaine du Caire. Et son prochain va l’être en russe … En Arabie Saoudite, il en vend quelques centaines sous le manteau …

Point de départ de la narration, un hall d’une gare routière ou Turad, vieux bédouin désabusé cache son oreille manquante sous son keffieh et hésite à choisir une destination. Car, quoi qu’il fasse, tous ses choix seront les bons, tous les moyens sont permis pour quitter cet enfer, cette ville, ce pays où règne une chape de plomb hors norme … Assis sur un banc, il découvre un dossier, l’ouvre, s’y plonge et apprend qu’il existe au moins une vie encore pire que la sienne … il laisse alors son esprit de reposer, et les réminiscences s’invitent pour lui brouiller les pistes, mais nous donne, à nous lecteur, un jeu de portraits précis et glaçants, de l’orphelin borgne au jeune soudanais enlevé par des marchands d’esclaves et émasculé à son arrivée au royaume …

Après sept années d’absence – le dernier roman saoudien publié en France date de l’an 2000, avec La Ceinture d’Ahmed Abodehman, écrit directement en français. On lira donc celui-ci avec d’autant plus d’intérêt qu’il laisse percevoir entre les lignes les travers de la société saoudienne où les deux mamelles qui semblent guider les maîtres du pays sont l’affairisme et la cruauté. Tout est possible lorsque cela touche au monde des affaires – avec une administration hautement incompétente et corrompue – et les plus bas instincts trouvent une large place dans les relations humaines … Alors que tout le monde se cache derrière le Coran, au fil des pages on découvre une bien triste manière d’interpréter le message humaniste du Prophète … Pour l’heure, en effet, il n’y a rien de bon à trouver du côté des terres d’Arabie.

Yousef Al-Mohaimeed, Loin de cet enfer, traduit de l’arabe (Arabie saoudite) par Emmanuel Varlet, Actes Sud, mai 2007, 119 p. – 18 €