Inventer un "shadow cabinet" à la française

Inventer un "shadow cabinet" à la française

La direction du Parti Socialiste est pléthorique : le Bureau national est composé de 54 personnes tandis que le Conseil national réunit 204 membres élus auxquels s’ajoutent 102 premiers secrétaires fédéraux. On dénombre ainsi 60 secrétaires nationaux, auxquels il faut ajouter les secrétaires nationaux adjoints et les délégués nationaux, ainsi que la catégorie hybride des responsables nationaux.

Ne serait-ce qu’en Loire-Atlantique, la fédération socialiste possède 31 secrétaires fédéraux et 24 délégations. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que parmi ces 55 personnes, la charge de travail n’est pas également répartie. On ne sait jamais trop qui fait quoi, ni parfois si qui que ce soit fait quoi que ce soit en dehors de la demi-douzaine de têtes émergentes.

Quand chacun crie à l’expropriation des éléphants et à la mise en retraite des vestiges du mitterrandisme, il ne serait pas inutile de revoir aussi l’organisation interne du PS, ne serait-ce que pour construire une opposition efficace. La mode étant au benchmarking international, je vous propose de jeter un oeil du côté de l’Australie, du Canada, de l’Irlande, de la Pologne, du Japon et du Royaume-Uni ; en effet, ces six pays ont en commun la constitution d’un shadow cabinet.

Le cabinet fantôme est un gouvernement virtuel formé par le principal parti de l’opposition.

Les membres du cabinet fantôme sont appelés "porte-paroles" ou "critiques" et dédoublent chaque poste ministériel du gouvernement. Par exemple, le porte-parole de l’opposition pour la Justice devrait être le symétrique de Rachida Dati et le critique du ministre de l’Immigration serait le doublon négatif de Brice Hortefeux. Ainsi, le rôle principal du cabinet fantôme est de critiquer le gouvernement et d’offrir une alternative, ce qui permet d’avoir un gouvernement pré-constitué en cas de victoire électorale.

Cette façon de fonctionner offre également une forme de sécurité aux électeurs : ils peuvent aisément imaginer la forme du "gouvernement de rechange" si le parti d’opposition est élu. Précisons que dans la pratique, il n’est pas rare que les membres du cabinet fantôme ne soient finalement pas tous nommés ministres, ou qu’ils soient nommés à un ministère autre que celui pour lequel ils étaient porte-paroles lorsque le parti prend le pouvoir. Les jeux ne sont donc pas faits 5 ans à l’avance, que les coeurs pusillanimes se rassurent.

Même si la France ne fonctionne pas sous le système de Westminster, s’inspirer d’une construction formelle de l’opposition semble une nécessité vu les impairs de nos pairs socialistes pendant la période électorale de 2007. Ceci permettrait qu’un pôle de leaders identifiés, experts sur un certain nombre de dossiers, mène la barque face au rouleau-compresseur de la majorité présidentielle. Afin d’avoir enfin un cap, plutôt que de faire retentir de vaines cornes de brume dans le brouillard des dispersions.