Claude Ribbe porte plainte contre Dominique Strauss-Kahn

Claude Ribbe porte plainte contre Dominique Strauss-Kahn

M. Dominique Strauss-Kahn utilise de manière illicite pour sa campagne une manifestation en hommage aux esclaves organisée à Sarcelles.
Claude Ribbe, également candidat dans la même circonscription, a déposé plainte avec constitution de partie civile. L’affaire a été confiée à Me Gilbert Collard, avocat au barreau de Marseille, qui a pris en charge le dossier.

Mercredi 23 mai 2007, s’est tenue à Sarcelles (Val d’Oise), au lieu dit stade Nelson Mandela, à partir de 18 heures, en présence de la presse et d’élus de la municipalité, une manifestation organisée par le CM98 (Comité de Marche du 23 mai 1998), dont le président est M. Serge Romana. Cette association n’a, a priori, aucun lien ni du fait de son objet ni par son siège social avec Sarcelles. Cette manifestation, soutenue financièrement et en nature par la mairie de Sarcelles, a rassemblé environ trois cents personnes. Le but affiché était de rendre hommage aux victimes de l’esclavage et à leurs descendants. La campagne législative officielle ayant commencé lundi 21 mai à zéro heures, quatre candidats au moins assistaient à cette cérémonie : Mme Sylvie Noachovitch, M. Rachid Adda, M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même. M. Dominique Strauss-Kahn est arrivé d’une manière particulièrement ostentatoire dans une limousine aux vitres opaques immatriculée à Paris et conduite par un chauffeur.

Il s’est fait déposer devant la tribune dressée en plein air devant laquelle se trouvait le public. Après quelques mots de présentation du maire de Sarcelles, M. François Pupponi - où des propos de nature ouvertement politique ont été tenus - M. Strauss Kahn, à la surprise générale, est monté à la tribune et a longuement pris la parole. Il a terminé sa harangue en donnant rendez-vous l’année prochaine à l’assistance, laissant clairement entendre qu’il serait réélu. Aucune faculté de s’exprimer n’a été laissée aux trois autres candidats présents. Bien au contraire, un cordon de la police locale avait été disposé devant la tribune, comme pour les en dissuader. De sorte que la manifestation organisée par le CM98 avec le soutien de la mairie de Sarcelles, vu les circonstances, s’est transformée sans aucune ambiguïté en réunion politique tendant à mettre en valeur M. Dominique Strauss Kahn qui apparaissait comme la principale personnalité ayant œuvré pour la mémoire de l’esclavage. Ce fait a été souligné par une courte allocution de M. Serge Romana. Il convient de préciser que, de manière notoire, la circonscription où se présente M. Strauss-Kahn en général et la ville de Sarcelles en particulier, est habitée par de nombreux originaires de l’Outre-mer, de sorte que la transformation en réunion électorale de la manifestation initialement annoncée était de nature à influencer de manière significative le résultat de l’élection. D’autant plus qu’étant moi-même originaire de l’Outre-mer, président d’une association - le Collectifdom - que les organisateurs se sont bien gardés de citer et membre de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme en raison de mon engagement sur la question de l’esclavage, M. Strauss-Kahn avait le plus grand intérêt à tenter de se mettre en valeur sur ce terrain pour contrer un adversaire particulièrement dérangeant.

En organisant cette manifestation destinée en réalité à mettre en valeur un candidat à l’élection législative en période de campagne officielle, l’association CM98 a agi en connaissance de cause. Dès la fin de l’hiver, M. Romana, son président, avait été exhorté à plusieurs reprises par le Collectifdom et par moi-même à renoncer à une initiative jugée litigieuse en période électorale. Admettant ce point, M. Romana avait clairement indiqué, devant tout le bureau du Collectifdom - réuni ad hoc pour l’auditionner - qu’il ne serait pas question d’y donner la parole à M. Strauss Kahn. Mais il avait prétendu ne pouvoir annuler la manifestation prévue à Sarcelles au motif que cette municipalité avait financé la manifestation par l’octroi d’une subvention inespérée de 150 000 euros et que, dans cette condition, il se devait d’être « reconnaissant ». Outre cette subvention, la municipalité de Sarcelles a mis en œuvre une très importante logistique pour la manifestation du 23 mai, dont la constitution, au mois de mars, d’un fichier automatisé particulièrement « ciblé », pour ne pas dire « ethnique ». Il convient de rappeler que M. Strauss-Kahn, le 7 avril 2007, s’était publiquement déclaré favorable à ce type de fichiers, interdits par la loi.

Le fichier constituer par la mairie de Sarcelles a été utilisé pour adresser des invitations nominatives, notamment à toutes les associations ayant un lien avec l’Outre-mer. C’est ainsi que les membres du bureau du Collectifdom ont eu la surprise de recevoir, quelques jours avant la manifestation, des enveloppes nominatives à en-tête de la mairie de Sarcelles au nouveau siège social de l’association. Ce siège social ayant été récemment modifié, il ne pouvait être connu qu’après sa publication au Journal Officiel, intervenue au mois de mars.

L’article 57-8 du code électoral interdit formellement toute contribution, financière ou en nature, de toute personne morale à la campagne d’un candidat à l’élection législative. Force est de constater que l’association CM98 et la mairie de Sarcelles, personnes morales, ont contribué, vu les circonstances, à une réunion électorale de fait de M. Dominique Strauss-Kahn dans le cadre de sa campagne. Ces faits, aggravés par le fait que M. Strauss-Kahn est maire-adjoint de Sarcelles, sont prévus et réprimés par l’article 113-1 du Code électoral qui prévoit, pour les coupables – le candidat et les responsables des personnes morales incriminées - une amende de 3750 euros et un emprisonnement d’un an.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de déposer plainte contre X en application des articles 57-8 et 113-1 du Code électoral. Cette plainte avec constitution de partie civile a été adressée ce jour par lettre recommandée AR à M. le doyen des juges d’Instruction du Tribunal de grande instance de Pontoise. Je fais toutes réserves sur les procédures en demande d’invalidation du compte de campagne du candidat incriminé et - le cas échéant - d’invalidation de l’élection, dans les conditions prévues par la loi.

Claude Ribbe

Candidat à l’élection législative dans la VIIIe circonscription du Val d’Oise