L’Homosexualité au cinéma

L'Homosexualité au cinéma

Voici la première somme qui reprend toutes les représentations des gays et lesbiennes dans le 7ème art, de son invention à nos jours. Au sommaire, l’histoire du cinéma détaillé par grandes périodes et par pays, des encadrés sur des personnalités, des films phénomènes ou des approches singulières, une sélection de 100 films emblématiques, une éphéméride retraçant les grandes dates de cette histoire, des index regroupant plus de 5000 films et 5000 personnalités ; bref ? THE encyclopédie !

Né en 1967, Didier Roth-Bettoni est journaliste et critique de cinéma. Ancien rédacteur en chef du Mensuel du Cinéma, de La Saison cinématographique et du magazine culturel gay Ex æquo, il dirige actuellement le magazine Illico, tout en continuant à écrire régulièrement sur le cinéma. Il est aussi un militant gay engagé qui nous offre ce pavé comme l’aboutissement de son travail, de sa quête, de ses amours …

Le cinéma est le reflet de notre société, il scrute l’état de nos consciences, il met à nu les blocages qui entravent nos libertés, il étudie les évolutions des comportements, il parle de nous, de notre époque aussi. Il dénonce nos interdits, il se joue de nos désirs, il épingle nos contradictions. Le cinéma est donc notre miroir magique à qui l’on peut parler, et qui nous réponde en affichant sur grand écran nos pulsions de mort, nos aspirations, nos fantasmes, nos tabous et en nous les renvoyant en pleine figure pour que nous les digérions mieux … Grâce à ce miroir aux alouettes, quelque gogos furent plumés ; mais il y eu aussi de la Rédemption et le miroir aux alouettes se mua en un drôle de miroir à facettes : grâce à lui les exclus entraient de plain-pied dans le monde. La réalité de nos quotidiens ne pouvaient plus nous échapper. Et l’homosexualité se révéla à nous, en nous, tapie au cœur du monde comme le marqueur de notre évolution, de notre tolérance … Mais que la bagarre fut rude pour en arriver là !

Car nous savons très bien de quelle manière nous avons traité les minorités depuis des siècles. Et, si l’important dans un miroir tient à ce qu’il renvoie, le cinéma – comme miroir absolu de notre psyché collective – a ceci de particulier de proposer un reflet à la fois extrêmement collectif et profondément intime. Répondant en cela en tout point à ce qu’il peut dénouer comme blocage inconscient, le cinéma a permis à l’homosexualité – qui est une question à la fois absolument personnelle et totalement publique – de prendre part à la vie sociale, au même titre que les clandestins, les handicapés, etc.

La façon dont le cinéma aborda l’homosexualité fut donc tout sauf neutre puisqu’il du intégrer la manière dont les homosexuels étaient, soit réprimés, soit tolérés, reconnus voire méprisés ; et cela selon tel pays et à un instant T pour se traduire par des films orientés, qui multiplient les personnages ou les sujets à caractère gay, ou au contraire qui nient jusqu’à l’existence des homosexuels des deux sexes, les tournant en ridicule ou alimentant les préjugés les plus tenaces à leur encontre.

« C’est donc cette histoire complexe, » nous rappelle Didier Roth-Bettoni dans son avant-propos, « faite d’avancées et de reculs, de mouvements temporels et géographiques contrastés, où se mêlent des aspects purement cinématographiques et d’autres de nature plus politique, que ce livre va s’efforcer de retracer. Une histoire qui débute presque en même temps que l’histoire du cinéma lorsque les comédies burlesques usaient du travestissement pour divertir les foules, et dont les traces n’ont pas cessé de se diversifier au fil des décennies. Une histoire longtemps vue au travers d’un prisme purement américain et dont il est clair pourtant qu’elle ne saurait se limiter à ce seul aspect, Hollywood, on le verra dans ces pages, ayant globalement véhiculé des images bien plus négatives de l’homosexualité que ses contemporains européens.
Une histoire portée par le cinéma grand public bien sûr, mais aussi par les franges plus marginales et plus expérimentales du septième art, dans lesquelles les homosexuels ont pu prendre en charge leurs représentations d’eux-mêmes. Une histoire durant laquelle une catastrophe (le sida, par exemple) peut engendrer, par contrecoup, d’inattendus progrès pour les droits des homosexuels et un changement évident d’images à l’écran … »

Cette extrême variété de motifs et d’approches, ce foisonnement de pistes et de modes de représentation selon les lieux et les époques forment le cœur même de cet ouvrage, sa raison d’être, en effet, tant Didier Roth-Bettoni s’efforce, en y faisant écho, de battre en brèche les a priori quant à l’invisibilité des gays et des lesbiennes sur les écrans avant une période récente ou hors de la zone des USA/Europe.

Mais doit-on y voir – aussi – un livre militant ? Sans doute, certainement, pourquoi pas puisque l’on peut y lire aussi une manière de corriger l’axe en mettant sous les feux de la rampe l’injustice faite aux homo et ainsi en tentant de les réhabiliter, en affirmant qu’ils ont toujours été là, dans le paysage, même si l’on s’évertuait à ne pas vouloir les voir … perversité d’autant plus retorde que ne pas voir un personnage au cinéma demande un effort intense (sic) … Mais le mode de lecture des spectateurs était un peu bloqué, sclérosé et les modèles manquaient aussi. Désormais le tournant a été pris et ce livre militant, donc, mais pas seulement, est aussi une bible, un ouvrage cinéphile qui propose une relecture de l’histoire du cinéma sous un angle différent afin de montrer que l’homosexualité peut avoir le premier rôle !

Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma, La Musardine, avril 2007, 747 p. – 34,90 €