De la vieillesse dans les sociétés occidentales

De la vieillesse dans les sociétés occidentales

Suite au récent article Vieillir en occident publié sur Le Mague par Yataïna, il faut signaler le superbe livre de Suzanne Weber, Avec le temps. Un livre référence.

Sorti en 2003, juste après les ravages provoqués par une terrible canicule, la lecture de Avec le temps… ne s’appréhendait pas comme une fable rigolote. L’ouvrage aborde les perspectives les moins souriantes de l’existence humaine dans nos sociétés « libérales » basées sur la rentabilité et l’égoïsme.

Problèmes familiaux, économiques et juridiques, établissements ghettos, maltraitances diverses, vie amoureuse et sexuelle…, chaque thème est évoqué avec mordant. Le chapitre sur l’âgisme, le rejet anti-vieux, est particulièrement édifiant.
En écho au débat sur le « droit de mourir », Suzanne Wéber, retraitée de l’Education nationale, s’arrête sur le discours concernant la « mort digne ».

Elle s’insurge : « La seule attitude digne d’un être humain serait, au grand âge, de n’avoir d’autre désir que celui de mourir… La lassitude de vivre des vieux est un cliché des plus communs. De proche en proche, d’un glissement à l’autre, on en vient à l’idée qu’en favorisant la disparition des personnes âgées, on ne ferait qu’accéder à leur désir. Quel alibi pour une société marchande qui aurait intérêt à se débarrasser de ses vieux ! »

Et Suzanne Weber s’interroge sur l’action de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Il est en effet frappant de constater que les termes utilisés pour justifier l’euthanasie (« déchéance », « décrépitude »…) sont souvent conformes aux normes de performance et aux valeurs narcissiques de notre société.

« L’âgisme, en banalisant la mort des vieux, fait le lit de leur mise à mort criminelle », soutient Suzanne Weber qui n’hésite pas à parler d’une « logique d’extermination larvée ». Voulons-nous d’une société calquée sur le scénario de Soleil vert, ce classique effrayant du cinéma de science-fiction ?

Avec le temps… n’est pas un livre militant ordinaire. Aux slogans réducteurs, Suzanne préfère l’analyse minutieuse des mécanismes socio-éco-médico-politiques qui accablent les vieux. Et le constat est assez sidérant. En considérant les aînés comme des êtres humains au rabais, comme des êtres inutiles voués à la maladie et au handicap (pour ne pas dire des morts en sursis), l’âgisme constitue un noyau idéologique qui peut annoncer bien des dérives.

Le livre de Suzanne Weber fait partie des livres reconnus sur la question. Il est souvent l’objet de causeries et de débats publics. Il a également obtenu le grand prix Ni Dieu Ni Maître en septembre 2003. Ce n’est pas un hasard. Si Suzanne Weber signale la création d’associations qui agissent pour les droits et les libertés des âgés (Panthères grises, Allô maltraitances des personnes âgées…), c’est dans une société libertaire qu’elle mise ses espoirs. Exit les performances, les notions de salariat et de retraite, les ghettos pour personnes âgées et invalides… Place à l’autogestion, à l’entraide, à l’égalité. Chiche !

Suzanne Weber, Avec le temps… De la vieillesse dans les sociétés occidentales et de quelques moyens de la réhabiliter, éditions Los Solidarios/Las Solidarias, 273 pages, 2003. 12 euros. Infos sur http://www.editionslibertaires.org/