Allocution de Claude Ribbe lors de la marche nationale de l’Outre mer

Allocution de Claude Ribbe lors de la marche nationale de l'Outre mer

Intervention de Claude Ribbe, président du Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais (Collectifdom) lors de la marche nationale de l’Outre mer organisée par le Collectif à Paris le 28 avril 2007 à 14 heures entre la place de la République et la place de la Nation.

Mes chers compatriotes, mes chers amis,

Voici deux ans, le tout jeune Collectifdom avait organisé une première manifestation et vous aviez été nombreux à répondre, bravant les frimas. Aujourd’hui c’est la canicule et vous êtes toujours là.

Si nous avons tenu à organiser cette démonstration en pleine campagne électorale pour l’élection à la présidence de la République, quelques semaines seulement avant l’élection législative, c’est justement pour attirer l’attention des politiques sur la situation préoccupante de l’Outre mer à un tournant important de notre histoire.

Hier soir encore, j’étais chez moi, à Marie-Galante, et j’ai pu constater combien la situation des petites îles de l’archipel guadeloupéen s’est dégradée en peu de temps. Pour ne prendre qu’un exemple : voici deux années, deux vols quotidiens assuraient la liaison entre Marie-Galante et la Guadeloupe. Aujourd’hui, plus que quatre avions par semaine. Et le tarif préférentiel dont bénéficiaient les résidents de l’île a été supprimé. Pour eux, concrètement, le prix a donc doublé. En partie du fait de l’augmentation des taxes aéroportuaires. Ce qui est vrai pour Marie-Galante est également vrai pour d’autres îles.

Nous combattons depuis quatre ans pour assurer la continuité territoriale et cette continuité territoriale doit être garantie non seulement entre la métropole et les DOM ou COM mais entre les îles des archipels. Il faut imposer des prix plafonds et des baisses de tarifs aux compagnies aériennes. Il faut lutter contre leurs abus.

Cette continuité territoriale doit se faire dans tous les domaines, y compris celui de la Culture. C’est une honte pour la France que les plus prestigieuses stations du service public : France Culture et France Musique ne soient pas diffusées outre mer alors que c’est le cas pour France Inter. Il ne s’agit pas d’un problème technique, mais d’un choix discriminatoire. Les Ultramrins paient pourtant la redevance comme les autres.

C’est une honte pour la France que les journaux nationaux ne parviennent dans les kiosques d’outre mer que plusieurs jours après leur parution.

C’est une honte pour la France qu’un livre publié à Paris ne soit disponible dans les librairies de l’outre mer qu’avec plusieurs semaines de décalage, à un prix majoré.

Nous combattons depuis quatre ans pour que cessent les discriminations visant les originaires de l’outre mer. Il ne s’agit pas seulement des discriminations racistes qui touchent d’autres populations. Il s’agit de discriminations spécifiques en matière d’emploi, de logement, de promotion sociale et de formation.

Nous combattons depuis quatre ans contre la pollution de l’environnement outre mer par les ordures ménagères et contre l’empoisonnement par les produits agricoles meurtriers tels que le chlordécone.

Nous combattons aussi pour la reconnaissance d’une identité. Trop souvent, les Ultramarins ne sont considérés qu’au vu de la couleur de leur peau. Cette classification est raciste. Elle est contraire aux principes de notre République. C’est pourquoi nous ne saurions nous reconnaître dans le discours de ceux - quels qu’ils soient - qui cherchent aujourd’hui à racialiser la France et à mettre dans le même tiroir des populations différentes sous le critère de la couleur. Cette dérive, encouragée par certains médias qui méprisent et méconnaissent l’outre mer est extrêmement dangereuse. Les Ultramarins de métropole, au nombre d’un million, doivent enfin être reconnus et considérés comme des Français à part entière et non pas comme des étrangers dans leur propre pays.

Nous combattons également pour le respect de notre mémoire. Il ne s’agit pas d’exiger - et de qui ? – une quelconque repentance pour l’esclavage. Il s’agit de rendre à nos compatriotes cette part d’eux-mêmes qu’on leur a ôtée. Il s’agit aussi de rendre à la France ce morceau de mémoire qui fait partie intégrante du patrimoine national. Ce n’est pas la mémoire de l’esclavage qui crée le communautarisme. C’est le déni de mémoire qui fait les ghettos.

Ces ghettos - et notamment les ghettos de banlieue où nos compatriotes sont trop souvent confinés - nous luttons pour les détruire. Mais il faut aussi détruire les bastides où se sont retranchés des privilégiés sous le prétexte de la couleur.

Les hommes et les femmes originaires de l’Outre mer, aujourd’hui particulièrement exposés au chômage ou relégués dans les bas emplois de la fonction publique doivent pouvoir accéder aux postes les plus en vue, sans d’autre limite que leur vertu et leur talent. Tout doit être mis en oeuvre pour garantir leur formation à tous les âges de la vie. Les Ultramarins doivent être représentés dans la vie politique à tous les niveaux : dans les partis, dans les conseils municipaux, dans les conseils généraux et régionaux, au parlement et au gouvernement. Ils doivent apparaître à la télévision. Leur histoire doit être connue et devenir aussi emblématique que celle de leurs compatriotes.

Non, nous ne sommes pas communautaristes. Nous aspirons seulement à rendre un peu plus audibles trois millions de Français : toutes celles et tous ceux qu’on ne veut pas voir et qu’on n’entend jamais.