La théorie du complot

La théorie du complot

Royal-Bayrou, Bayrou-Royal, on peut penser ce qu’on veut des alliances de fortune. Mais quelle drôle d’idée de faire le rapprochement entre une finale de Coupe du Monde et une élection présidentielle, dont le 3eme homme devrait être immédiatement honni, banni, ignoré, et n’aurait ni droit de parole ni droit de cité. Non, il n’y a rien d’étonnant que dans ce qu’il nous reste de démocratie, un candidat qui a obtenu plus de 18% de voix au premier tour de la présidentielle ait le droit de débattre et d’échanger des idées avec l’un des deux finalistes.

Il l’a d’ailleurs proposé au deux. L’un a refusé. L’autre a accepté. Où est le problème ? A part peut-être que ce rejet stigmatise une certaine aversion au débat de la part du candidat qui a refusé cette proposition. De même qu’il avait déjà refusé un débat avant le premier tour, et qu’il l’avait soigneusement évité jusque dans son propre parti avant son investiture.

Au-dessus de tout soupçon

Vendredi donc, Monsieur Sarkozy (puisque c’est de lui qu’il s’agit, mais vous l’aviez reconnu) est soupçonné d’être intervenu pour empêcher la tenue du débat entre ses challengers sur Canal Plus. Evidemment, il crie au scandale, évoque la thèse du complot. Pourtant, c’est déjà la deuxième fois que ce débat est annulé. Coïncidence ? Par la même occasion, on souligne l’indépendance de Canal Plus, au-dessus de tout soupçon. Oubliant que l’ancien directeur de Canal avait dû démissionner sous la pression d’une manipulation de ses actionnaires, fomentée par le groupe Havas. Il avait alors signé une tribune virulente dans le Monde pour accuser publiquement Edouard Balladur, alors favori de… Nicolas Sarkozy !

Canal Plus, lui, jure que c’est un problème de temps de parole, que c’est le CSA qui a décidé. Problème, le CSA dément, assure que tout le monde connaît la règle. Il faudrait donc croire qu’à Canal, dont chacun sait que c’est une petite chaîne amateur qui diffuse deux ou trois heures par semaine dans quelques cantons du Berry, on aurait annoncé qu’on accueillait le débat dont tout le monde parle, sans faire attention au règlement du CSA. Pour finalement réaliser quelques heures plus tard que ça n’était pas possible. Sans doute qu’une stagiaire du CSA est copine avec une bénévole de Canal Plus et lui a rappelé la règle ! A moins qu’un coup de fil…

« Ruptures »

Sarko, lui, n’en veut pas à Bayrou. Il se veut compréhensif, au-dessus de ces petites bassesses, et insiste sur la théorie du complot. Il n’a pas tort, nombreux sont ceux qui pensent que diaboliser le candidat UMP n’est pas forcément le bon choix. J’en fais partie : diaboliser, c’est grossir le trait. Pour Nicolas Sarkozy, la réalité est suffisamment inquiétante. Nul besoin d’insister, il suffit d’informer. Comme par exemple à propos de ce livre de Serge Portelli, « Ruptures » (1), soudainement empêché de publication à la veille des élections, sous prétexte qu’il livre un bilan sans concession des pratiques ministérielles de Monsieur Sarkozy au Ministère de l’Intérieur. Dans une déjà triste série de coups bas, c’est un nouvcl exemple d’une double censure : d’une part, celle qui s’applique sur le livre et son auteur, honorable membre du syndicat de la magistrature ; et d’autre part celle qui interdit la publication d’un bilan non officiel.

Non, vraiment, nul besoin de diaboliser Monsieur Sarkozy, vous dis-je, il suffit d’informer, juste informer. Pour ne pas pouvoir dire ah, je savais pas, ou non, je n’ai rien fait.

(1) l’adresse suivante propose une version du livre de Serge Portelli, « Ruptures », en PDF. Pas forcément très pratique à lire ni à imprimer, mais un bref survol en diagonale est déjà très instructif… Vraiment !
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